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" le Poëte, l'amour du Beau, voilà sa foi,
L'Azur, son étendard, et l'Idéal, sa loi ! "
Vous aurez reconnu ici deux des vers du prologue, qui résument avec une assez grande fidélité (de même que l'épilogue), la profession de foi d'un de nos plus grands poètes, toutes époques confondues, et du XIXème, assurément.

À la lecture de ces pages, Verlaine se révèle être le poète de la cadence, voire de la scansion. Une rythmique incomparable, différente de celle de ses contemporains ou de ses proches aînés du Grand Siècle Romantique. Jugez plutôt :

" Mets ton front sur mon front et ta main dans ma main
Et fais-moi des serments que tu rompras demain, "

" D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre [...] "

" Et son âme d'enfant rayonnait à travers
La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts. "

" Nuit mélancolique et lourde d'été,
Pleine de silence et d'obscurité,
Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure
L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure. "

" Lançant dans l'air bruni son cri désespéré,
Son cri qui se lamente et se prolonge, et crie,
Éclate en quelque coin l'orgue de Barbarie :
Il brame un de ces airs, romances ou polkas,
Qu'enfants nous tapotions sur nos harmonicas
Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,
Vibrer l'âme aux proscrits, aux femmes, aux artistes.
C'est écorché, c'est faux, c'est horrible, c'est dur,
[...]
Les notes ont un rhume et les do sont des la,
Mais qu'importe ! l'on pleure en entendant cela ! "

Vous l'aurez compris également, chez Verlaine, Paris rime avec pourris et la Seine avec malsaine. On est bien dans l'esprit mi-spleen, mi-décadence, entre Baudelaire et Huysmans.

Bien évidemment, tout n'est pas, tout ne peut pas être, aussi fin, sobre et relevé (personnellement j'aime un peu moins les poèmes sur les personnages historiques) que sa sublime Chanson d'Automne, dont les sanglots longs, difficilement égalables, n'ont pas fini de s'en aller, au vent mauvais, frapper à notre coeur, ou à défaut, notre âme. Mais lorsque vous achetez un album musical, pouvez-vous prétendre que chaque titre vous envoûte ? Alors ici, faites de même, et quoi qu'il en coûte, goûtez tous ces poèmes ...

" Et dans une harmonie étrange et fantastique
Qui tient de la musique et tient de la plastique "

C'est volontairement aujourd'hui que je me suis effacée derrière l'auteur lui-même, car il est et restera toujours son meilleur défenseur. Si vous aimez quand le verbe se fait musique, quand la langue disparaît derrière des accords majeurs, alors c'est pour vous que Verlaine a écrit. Mais cela, bien sûr, n'est que mon petit avis sur de la grande poésie, c'est-à-dire, pas grand chose.
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On a souvent acclamé la précocité de Victor Hugo et d’Arthur Rimbaud, mais on ne mentionne que rarement celle de Verlaine, lui aussi poète à seize ans voire à quatorze ans (le poème intitulé "La Mort" de 1858, le choix du sujet annonçait déjà une certaine maturité). De même que lorsqu’on parle de Verlaine c’est pour discuter surtout de sa relation tumultueuse avec Rimbaud (qui a duré tout au plus quatre à cinq ans), une relation que je résume peut-être à sa petite contribution à l’Album zutique, car pendant cette période, aucun recueil ne paraît. Autre caractéristique qu’on ne cesse de répéter quand on parle de tous ses recueils est sa musicalité. On cite toujours ce vers célèbre qui est devenu une marque indélébile sur la réputation du poète :

De la musique avant toute chose.

En 1866, paraît son premier recueil. Il avait auparavant publié quelques poèmes dans le Parnasse contemporain. Le recueil des "Poèmes saturniens" divisé en sections comme "Les Fleurs du mal" comporte des pièces hétéroclites. On peut le qualifier de plurivoque. Il incarne parfaitement cette diversité extraordinaire de la poésie verlainienne qui est une expérience singulière dans la poésie française du siècle. Verlaine tout au long de sa carrière de poète n’a cessé d’écrire des arts poétiques ("Le Prologue" et "L'Épilogue" du recueil, "Art poétique" dans "Jadis et Naguère", ou encore "Prologue d’un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après" dans "Parallèlement") et de positionner sa poésie à chaque fois dans une vague différente (les parnassiens, les symbolistes). Il assume volontiers son admiration et son respect pour les Maître et la Tradition, et revendique son apport nouveau, sa touche personnelle, sa "petite manière" qui le mèneront vers l’éternité :

Afin qu’un jour, Le chef-d’œuvre serein,
Fasse dans l’air futur retentir notre nom.

Cette maîtrise paraîtra dans des pièces comme "La Mort de Philippe II" (veine hugolienne) ou "Çavitri" (inspiré des poèmes de Leconte de Lisle). Certaines idées qu’on retrouve à la fin du "Prologue", figurent déjà dans la préface aux "Poèmes antiques" de Leconte de Lisle. L’autre grande source d’inspiration, on le sait tous est sans doute "Les Fleurs du mal". Les grands poèmes de ce recueil sont teintés de spleen et de nostalgie (la section "Melancholia"). Ces poèmes constituent un effort vers l’Expression, vers la Sensation rendue comme il l’annonce à son ami Mallarmé.

Placé au début du recueil, le poème "Les sages d'autrefois" nous rappelle l’histoire fantastique de ce "Chevalier double" de Gautier, mais cette fois notre chevalier Verlaine a subi l’influence maligne d’un seul astre; Saturne. Il a eu une "bonne part de malheur et bonne part de bile. Alors que l’Imagination, inquiète et débile, vient rendre nul en eux l’effort de la Raison". Vient ensuite ce fameux "Prologue" où Verlaine nous explique son choix poétique et la position qu’il prend :

Le Poète, l’amour du Beau, voilà sa foi,
L’Azur, son étendard, et l’Idéal, sa loi !
Ne lui demandez rien de plus, car ses prunelles,
Où le rayonnement des choses éternelles
A mis des visions qu’il suit avidement,
Ne sauraient s’abaisser une heure seulement
Sur le honteux conflit des besognes vulgaires,
Et sur vos vanités plates ; et si naguères
On le vit au milieu des hommes, épousant
Leurs querelles, pleurant avec eux, les poussant
Aux guerres, célébrant l’orgueil des Républiques
Et l’éclat militaire et les splendeurs auliques.
Sur la kitare, sur la harpe et sur le luth,
S’il honorait parfois le présent d’un salut
Et daignait consentir à ce rôle de prêtre
D’aimer et de bénir, et s’il voulait bien être
La voix qui rit ou pleure alors qu’on pleure ou rit,
S’il inclinait vers l’âme humaine son esprit,
C’est qu’il se méprenait alors sur l’âme humaine.

"Melancholia" comporte les poèmes (sept sonnets et un sonnet inversé) les plus prisés du recueil. Le titre (et même le contenu) nous rappelle ce fameux vers de Nerval "le soleil noir de la Mélancolie". Verlaine lui aussi est ténébreux, veuf et inconsolé :

(…) le gémissement premier du premier homme
Chassé d’Éden n’est qu’une églogue au prix du mien !

Verlaine change de ton dans la section suivante et rappelle cette alchimie qui existe entre peinture et poésie (lui qui était un dessinateur) et célèbre l'art de l'eau-forte. Ces impressions exprimées et ces sensations rendues apparaissent dans la troisième section "Paysages tristes". Ici apparaît sa musicalité dans des poèmes comme "Soleils couchants" ou "Chanson d’automne" :

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

"Caprices" regroupe des poèmes d’une veine capricieuse et plaisante ou apparaît l’humour verlainien ("La chanson des ingénues", "Une grande dame", "Monsieur Prudhomme"). Les derniers poèmes du recueil n’appartiennent à aucune section. On appréciera des poèmes d’une grande perfection ("Nocturne parisien") où l’on devine l’apport des parnassiens avec la préciosité et la poésie impersonnelle.

L’Épilogue qui clôt le recueil est un excellent poème sur le métier de poète mélange d'inspiration ( "Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine") et de travail acharné ("C’est l’effort inouï, le combat nonpareil, c’est la nuit, l’âpre nuit du travail").

Après vingt trois ans, dans un autre recueil intitulé "Parallèlement", apparaissent des réminiscences de cette époque saturnienne dans deux poèmes :

Dans le premier intitulé "Poème saturnien", Verlaine commence par ce vers qui décrit, peut-être, toute cette expérience verlainienne, "ce long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens" comme le décrit si bien Rimbaud :

Ce fut bizarre et Satan dut rire.

Dans le deuxième poème intitulé cette fois "Prologue d’un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après", Verlaine le rappelle encore une fois :

J’ai perdu ma vie, et je sais bien
Que tout blâme sur moi s’en va fondre ;
A cela je ne puis que répondre
Que je suis vraiment né Saturnien.

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Verlaine est un poète qui me touche par ses mots. Ce recueil est marqué par la sensibilité et la mélancolie d'un jeune homme perdu. Verlaine réussit à exprimer ses états d'âme avec brio, il nous emmène dans un univers envoûtant et unique. Ces vers auraient été composés alors que le poète était encore au lycée. Verlaine était précoce, il a su écrire un très bel ouvrage dont les premières pages nous transportent rapidement. Chaque poème est d'une grande beauté et d'une riche profondeur. Il ne faut pas négliger ce classique de la littérature française qui est d'une sensibilité surprenante.
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La musicalité des vers de Verlaine est envoûtante, et ici plus qu'ailleurs encore. Il faut se laisser porter au fil des mots, tant leur beauté réside dans l'entêtante musique dont Verlaine est l'artisan.
Le poète subjugue, et au fil de ce superbe recueil, on n'est jamais lassé de la virtuosité, si ce n'est du génie, dont il fait montre ici.

Je vous fait partager ici un poème issu du recueil, et que je trouve magnifique, intitulé "Marine":

"L'Océan sonore
Palpite sous l'oeil
De la lune en deuil
Et palpite encore,

Tandis qu'un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D'un long zigzag clair,

Et que chaque lame,
En bonds convulsifs,
Le long des récifs,
Va, vient, luit et clame,

Et qu'au firmament,
Où l'ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement."
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Premier recueil de poèmes publié par Verlaine,en 1866, il est censé s'inspirer des Panassiens ,mais et c'est là tout son intérêt, on y trouve la source, le germe de ce qui fera la beauté particulière , l'originalité des textes de l'auteur.

On ne sait pas très bien, finalement, quand les premiers poèmes de ce recueil ont été écrits, l'auteur avançant qu'ils datent de ses années de lycée,peu importe, ils marquent en tout cas une précocité certaine, un art du vers harmonieux, qui préfigurent ce que sera ensuite l'oeuvre de Verlaine.

Verlaine, déjà ce nom fait rêver, vous ne trouvez pas? Il coule, doux et musical, vers et laine, vert (un de ses poèmes ne s'intitule-t-il pas "Green"?) et l'aime...mais je m'égare!

Je n'ai pas du tout envie de faire un inventaire des différentes parties du recueil.Non, je préfère me laisser emporter par le rythme si harmonieux , langoureux souvent, mélancolique aussi, enfiévrė et tendre, tout en images éphémères et glissantes, vaporeuses et suggestives.Tout ce qui fait le charme , la musicalité de ce poète. L'alexandrin s'assouplit, le vers se fait impair, liquide et mélodique.

Que j'ai aimé , que j'aime toujours ces vers magiques et fluides!

" Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue et que j'aime et qui m'aime..."

" Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants"

L'ombre de la cousine tant , trop aimée et qui s'est mariée, Elisa, est obsédante, omniprésente.Son souvenir est obsessionnel comme dans le magnifique "Après trois ans"...

Le poète solitaire, incompris, angoissé, apparaît aussi, notamment dans "L'angoisse".

Et que dire de la sublime "Chanson d'automne", qui à elle seule reflète le credo de Verlaine:" De la musique avant toute chose"!

Élégance dans la douleur,nostalgie en touches picturales,paysages saisissants de douceur, et surtout chants lancinants qui nous poursuivent...

...voilà un univers unique, placé ici sous le signe de Saturne, dieu du temps des Romains, pour une poésie intemporelle...



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Influencé par Hugo, Baudelaire et Leconte de l'Isle, le jeune Verlaine le fut aussi par l'astrologie. Il convoque ici la planète Saturne associée à la mélancolie, au spleen pour reprendre l'expression de Baudelaire.
Il exprime ses états d'âme, ses amours, ses émotions face à la nature, la mort et se moque gentiment de telle dame ou tel homme. Ces poèmes sont doux, délicats, sensibles et bien sûr musicaux.
Qui ne se laisse bercer par la chanson d'automne et les sanglots longs des violons, qui ne sourit devant les pantoufles de monsieur Prudhomme ?

Un bel ouvrage de jeunesse à savourer encore et encore...
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La poésie, ça n'est pas ma tasse de thé. Mais, après que mon père m'eut récité un magnifique poème de Verlaine, je me suis achetée Les Poèmes Saturniens.
J'en suis arrivée à la conclusion que ça n'était pas la poésie qui n'était pas mon truc : c'est seulement que je n'avais pas rencontré le bon poète.

Quelle régalade ! Là, j'ai vraiment pris mon pied. J'ai lu certains poèmes cinq/six fois tellement c'était bon.
Je vais m'empresser de m'offrir un autre recueil pour poursuivre ce beau voyage.

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Premier recueil de Verlaine, à lire et relire à l'occasion pour leur lyrisme triste qui nous emporte, pour en redécouvrir la tendresse et la mélancolie. Et surtout la douce mélodie de la musique de ces vers dont l'un des plus connus, parce qu'appris à l'école, « Chanson d'automne » a été remarquablement mis en musique et chanté par Léo Ferré. L'un des plus beaux poèmes, très représentatif du recueil est tout aussi célèbre :
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. »
Dans la première partie du recueil, intitulée Mélancholia on sent qu'il est obsédé par le souvenir d'Elisa, sa cousine, mariée, dont il était tombé amoureux. Les deux parties suivantes Eaux fortes et Paysages tristes contiennent beaucoup de très beaux poèmes. J'ai beaucoup moins aimé certains poèmes de Caprices, mais il y en a encore de très beaux, même si l'ensemble m'a paru plus disparate, et je n'ai pas du tout apprécié les deux poèmes historiques à connotations politiques sur César Borgia et Philippe II. A part ces deux poèmes l'appréciation des autres est probablement susceptible de varier selon l'état d'esprit dans lequel on est au moment de la relecture. J'ai aussi aimé la fin de son prologue, surtout pour un premier recueil à bien petit tirage : « Maintenant, va, mon Livre, où le hasard te mène ! » Songeait-il à être encore lu plus de 150 ans plus tard ?
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En 1866, un type va annoncer qu'il a fait un rêve étrange et pénétrant et qu'une femme qu'il aime n'est tout à fait la même, ni tout à fait une autre, et le comprend...Il va tout défoncer. A part Victor Hugo, occupé à apprendre l'anglo-normand, bien peu s'en relèveront et la poésie française, éreintée par une admiration éberluée, s'autocensurera peu à peu jusqu'à se limiter à la production bienveillante et conviviale d'un Maurice Carême ou René de Obaldia. Vous vous rappelez ? "J'ai trempé mon doigt dans la confiture, turlure"...
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A Verlaine !
C'était obliger de passer par Verlaine après Rimbaud !
Comme ils étaient eux deux amants :)
Sincèrement je préfère Verlaine que Rimbaud !
Ces tournures poétiques sont largement mieux "construite" !
Ces poèmes me parle plus :) !
Petit défaut je trouve ça dommage que c'est super court ahah !

Je tiens à remercier Saez , Léo Ferré pour que je connaisse ce génie de la poésie française !
Leurs plumes à eux deux sont magnifiques !

Vive la poésie !
Trèves de plaisanterie !
Adieu Rimbaud et Verlaine :)
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