AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


« Les Indes Noires » n'est pas le plus connu des romans de Jules Verne, mais d'une certaine façon, il peut figurer parmi les meilleurs, par la richesse de son intrigue et le cadre insolite où elle se déroule.
L'histoire de déroule en Ecosse. C'est un pays que connaît bien Jules Verne, pour l'avoir visité, d'abord, en 1859, et pour y avoir situé l'action, , en partie ou totalement, de plusieurs de ses romans : « Les Enfants du Capitaine Grant (1867-1868) », « Les Indes Noires (1877) », « le Rayon vert (1882) ».
Le récit comporte deux parties :
Simon Ford ex-contremaître dans les mines d'Aberfoyle (43 km au nord-ouest de Glasgow) vient de découvrir, avec son fils Harry, un nouveau filon dans la mine abandonnée. Alors qu'ils faisaient visiter l'endroit à l'ingénieur James Starr, ils sont bloqués et ne doivent leur salut qu'à Jack Ryan, un ami d'Harry, guidé vers eux par une mystérieuse lumière.
Trois ans plus tard la mine, rebaptisée Nouvelle-Aberfoyle, est en pleine prospérité. Les ouvriers vivent dans une ville souterraine, Coal-City. Tout serait pour le mieux si de mystérieux évènements ne venaient troubler cette quiétude : éboulements, lumières étranges, etc. Une jeune fille, Nell, sort de nulle part, et sans surprise, est recueillie dans la famille de Simon Ford, et Harry ne tarde pas à en tomber amoureux. Au moment d'annoncer leurs fiançailles, les attentats contre la mine reprennent : C'est Sylphax, le grand-père de Nell, un ancien mineur qui ne veut pas quitter « sa » mine. Il disparaît après avoir tenté vainement de faire exploser une nappe de grisou.
« Les Indes Noires » sont un roman à la fois réaliste et symbolique :
L'auteur connaît son sujet : il a vraiment visité les mines d'Aberfoyle, et pour compléter ses notes, il a enquêté dans le complexe minier d'Anzin (là-même où quelques années plus tard, Emile Zola prendra des notes pour « Germinal »). Son récit est donc parfaitement documenté. L'action, bien menée, avec des personnages bien dessinés, accapare le lecteur de bout en bout. Notons pour une fois un joli portrait de femme (de jeune fille, plutôt) qui sort un peu de l'univers vernien, assez fade généralement sur ce plan-là.
Au-delà de cette lecture « terre à terre » (et même « sous terre ») nous pouvons avoir une lecture symbolique du roman : bien évidemment, le premier symbole est ce que nous disions à l'instant l'opposition entre ce qui est « sur » la terre c'est-à-dire la lumière naturelle, les plantes, le soleil, la vie, et ce qui est « dessous », l'obscurité, la lumière artificielle, le mystère, le danger, la mort. Ce symbole est magnifiquement mis en évidence quand, pour la première fois, Harry fait monter Nell à la surface, et lui fait découvrir la lumière du jour. Mais, à mon avis, il y a plus fort encore : le thème du roman semble être, en plus d'une opposition classique entre tradition (Sylphax) et modernité (la famille Ford et ses amis), l'histoire d'une (triple) renaissance de l'ombre à la lumière : d'abord la renaissance de la mine morte qui retrouve vie après la découverte d'un nouveau filon ; ensuite, la résurrection de Nell qui découvre la lumière du jour ; enfin la renaissance de Sylphax, dont la fin tragique peut être comprise comme l'aboutissement d'une vie et le passage enfin vers autre chose (rédemption, peut-être ?) Jules Verne n'avait sans doute pas tout ça en tête en écrivant ce beau roman, mais c'est bien l'impression qui en ressort, tout comme ce fantastique diffus dans lequel baigne le récit : mi obscurité, lueurs de chandelles et de lampes de mineurs, permanence des légendes écossaises et de l'imaginaire gaélique, attitude paroxystique de Sylphax et en contrepoint fragilité diaphane de Nell… Jules Verne joue avec maestria de tous ces éléments pour nous donner un roman parfaitement ficelé, attachant de bout en bout, un roman qui, sans conteste, est à mettre au même niveau que ses plus grands succès.
Tout Jules Verne est à lire ou à relire, mais vous pouvez mettre « Les Indes Noires » au-dessus de la pile, vous ne regretterez pas le voyage.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}