On pénètre le quartier de Sunnylakes comme on plonge son regard dans un tableau de David Hockey. Attiré par un soleil éternel, qui baigne les habitations cossues des riches WASP de l'éclat du rêve américain. Ebloui par le bleu du ciel qui se reflète dans l'eau des piscines, ouvrant sur un horizon radieux. Apaisé par le vert des les jardins parfaitement entretenus qui irradient un espoir riche de promesses.
Tout y paraît calme.
Les habitants semble y vivre immobiles, figés dans le luxe d'une existence en apparence idéale. Engourdis par la vie semblable à une nature morte de ceux qui n'ont plus besoin de courir après leurs rêves.
Et pourtant, sous les couches de peinture comme derrière les portes closes se cachent les secrets inavouables d'une réalité floue, instable. Révélée par une projection rouge sur la toile ; du sang qui souille le sol immaculé, dégoulinant sur la première page du roman.
Lorsque celui s'ouvre sur la disparition de Joyce, riche femme au foyer blanche, mère de deux petites filles ; découvertes seules à leur domicile par la femme de ménage, Ruby ; noire et pauvre ; qui enquêtera pour retrouver sa patronne. Deux héroïnes représentatives d'une Amérique fracturée par le racisme et le sexisme, en cette année 1959 ; deux femmes symboles des rêves brimés en raison de leur sexe et de leur couleur de peau. Deux personnages caractéristiques d'un roman par trop manichéen, dont les destinées porteront des coups de couteau au portrait lisse d'un rêve américain qui voit son vernis se craqueler à mesure que l'enquête révèle une vérité sombre et dérangeante, bousculant les clichés
Des clichés dont l'autrice elle-même peine à se défaire dans une intrigue convenue et prévisible. Si elle aborde pléthore de sujets intéressants ; misogynie, racisme, ségrégation, inégalités, ceux-ci sont malheureusement traités de manière superficielle dans un récit qui oscille entre polar et récit social sans trouver son équilibre.
Inga Vesper adopte la forme désormais galvaudée du roman polyphonique, qui, si elle offre une voix à chacune des héroïnes, ne permet d'approfondir leurs sentiments et la vérité de leur condition.
«
Un long, si long après-midi » pour une lecture rapide, agréable.
Mais si vite oubliée.