Je remercie Babelio pour cette Masse critique privilégiée et les éditions
De La Martinière pour cette lecture.
Ruby, 22 ans, enchaîne les petits boulots dans le quartier résidentiel de Sunnylakes, à Santa Monica, Californie.
Nous sommes en 1959 et cette jeune femme noire, se bat au quotidien, pour survivre et essayer de devenir une femme libre. Elle veut économiser pour payer ses frais d'inscription à l'université. Elle vit dans le ghetto avec son père et sa soeur. Leur habitat est insalubre, l'eau n'y arrive pas tous les jours.
Elle a une conscience aiguë d'être au ban de cette société, sa seule joie dans ce travail ingrat, ce sont les heures effectuées chez Joyce
Haney, qui elle se montre humaine et la traite plus en amie.
Alors lorsque Ruby arrive chez les
Haney, et qu'elle trouve Barbara, leur fille ainée, seule dans le jardin et qu'elle entend la petite Lily s'époumonait en cris désespérés, elle fonce à l'étage calmer le bébé et changer sa couche. Mais Barbara a un comportement bizarre et revient les mains couvertes de sang. Ruby s'aperçoit que la maison est vide et le carrelage de la cuisine ensanglanté. Elle hurle et s'enfuit chercher les secours.
Mais Ruby est noire et devient la principale suspecte.
Cependant l'inspecteur Blanke, fraîchement débarqué de New York, n'en croit rien, cette jeune femme lui est sympathique.
Il va en faire son alliée pour son enquête.
Joyce
Haney a disparu, enlevée ? Morte ?
C'est la trame de l'histoire, avec ce roman choral, et la voix de Joyce qui nous fait entendre l'envers du décor doré de ce beau quartier. Les apparences sont trompeuses.
« C'est le silence de ceux qui ne veulent pas savoir. […] Sa jolie maison, ses jolis enfants, son mariage parfait - et au milieu de tout ça, ce terrible secret. Elle le criait au reste du monde. »
Ces femmes blanches sont élevées pour trouver un bon parti et faire des enfants et tenir leur rang, pour valoriser le standing de leur mari. C'est ce qui devrait les épanouir. Mais beaucoup s'ennuient, elles ont formé un club où entre l'exercice de l'art pictural et les ragots, leurs esprits s'échauffent. Ce club fait penser à un nid de vipères.
Le lecteur découvre vite que Joyce n'était pas l'épouse parfaite et qu'elle faut au devoir conjugal régulièrement. Son mari Franck a une aventure avec la voisine, celle à qui Joyce confie ses filles régulièrement.
Alors le mari devient suspect.
L'intrigue policière est un vecteur pratique pour
Inga Vesper pour nous narrer par le menu le quotidien des femmes des deux côtés de la barrière.
Elle fait de Joyce et Ruby deux beaux portraits de femmes, qui avec leurs failles, se battent pour la même chose : leur liberté.
Ruby a une pugnacité à toutes épreuves, car elle veut vraiment découvrir ce qui est arrivé à Joyce, pour elle c'est aussi une question d'honneur. Cette dernière la traitait bien et elles avaient échangé des confidences. Joyce encourageait Ruby dans son désir de s'instruire vrai sésame pour la liberté.
L'intérêt du livre réside dans le fait que l'auteur fait vivre le quotidien de ces deux femmes au plus près, au moment charnière de changements politiques et sociaux, et en même temps les lecteurs se disent que ces temps qui devraient être révolus ne le sont pas. Et que le combat doit continuer.
Parfois le personnage de Ruby est un peu trop caricatural et celui de Mike Blanke aussi, mais ce roman reste une lecture intéressante.
Cependant, le choix de la simplicité dans la narration, à mon sens, affaiblit le propos qui aurait eu plus de force avec un style plus travaillé.
©Chantal Lafon
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