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Critique de Lamifranz


« Cinq-Mars », publié en 1826, passe pour être le premier roman historique français. Je dis « passe pour » vu que la définition du roman historique est tellement élastique, ses contours tellement flous, que d'aucuns en font remonter l'origine à « La Princesse de Clèves » (Mme de la Fayette – 1678) d'autres à « La Chanson de Roland » (XIème siècle). Mais, me direz-vous avec votre sagacité habituelle, cela ne se peut, il y a eu quand même « Les Martyrs » De Chateaubriand, en 1809. Certes, mais, s'agit-il là d'un véritable roman historique ? L'Histoire n'y sert de prétexte qu'à une épopée relativement poussive (à mon avis) et à une démonstration de prosélytisme religieux, peu de mouvement, beaucoup de romantisme, mais pas cet engouement qui vous prend à remonter le temps avec des héros chevaleresques.
Alors oui, « Cinq-Mars » peut être considéré comme l'un des premiers romans historiques français avec « Chronique du règne de Charles IX » (Mérimée – 1829), « Les Chouans » (Balzac – 1829) ou « Notre-Dame de Paris » (Hugo – 1831).
Dans ce genre très particulier, il existe un point d'achoppement sur lequel butent tous les écrivains : l'équilibre entre la vérité (véracité, ou pour le moins vraisemblance) historique, et la diégétique romanesque (j'ai appris le mot il y a peu, c'est le processus d'écriture, en gros, du roman). Entre l'art et la vérité, en quelque sorte.
Exemple, in situ (qu'est-ce que je parle bien !) :
Le roman : Henri d'Effiat, comte de Cinq-Mars est un jeune homme beau et chevaleresque ; devenu un ami intime du roi Louis XIII, il se détache de celui-ci, et participe à une conjuration contre le Roi et le Cardinal de Richelieu. Découvert, il finit décapité. Très romantique dans le thème, les personnages et la manière.
L'Histoire (avec un grand H – et une grande hache !) : Cinq-Mars est un intrigant de première, manipulateur et sournois. Il se met dans la poche le faible roi Louis XIII, et est en guerre ouverte avec Richelieu. Il est l'âme de la conjuration. Richelieu fait peut-être preuve d'absolutisme, mais les conjurés sont bel et bien accusés et condamnés pour haute trahison et lèse-majesté.
Les critiques de l'époque ont mis en avant cette dichotomie entre le roman et l'Histoire. On peut y apporter deux éléments d'opposition : d'abord, les recherches historiques étaient moins avancées à l'époque qu'aujourd'hui. Ensuite, Vigny assume, dans sa préface, de préférer l'art à la vérité :
« Je n'ai point dessein de défendre ce dernier système de composition plus historique, convaincu que le germe de la grandeur d'une oeuvre est dans l'ensemble des idées et des sentiments d'un homme et non pas dans le genre qui leur sert de forme. le choix de telle époque nécessitera cette MANIERE, telle autre la devra repousser ; ce sont là des secrets du travail de la pensée qu'il n'importe point de faire connaître ».
D'une façon un peu plus directe, Alexandre Dumas dira un peu plus tard : « Il est permis de violer l'histoire, à condition de lui faire de beaux enfants ».
Mais si l'on se met à demander au roman historique de copier exactement l'Histoire, autant aller piocher directement dans les archives, les Mémoires, les documents historiques et les spécialistes de l'Histoire : il y a autant de vie parfois que dans un roman « romanesque ». Mais le propre justement, du roman historique, est de nous faire rêver à une époque, à des personnages qui ont vécu (ou auraient pu vivre) bien avant nous. Alors qu'importe si la vérité est un peu écornée !
John Ford disait : « entre l'Histoire et la légende, je choisis toujours la légende »
Vigny aussi, sans doute.
Ils ont raison tous les deux

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