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Critique de NMTB


NMTB
08 novembre 2017
Commençons par la fin. Dans la dernière phrase du livre Vigny fait semblant de se demander : « Stello ne ressemble-t-il pas à quelque chose comme le sentiment ; le Docteur à quelque chose de pareil au raisonnement ? Ce que je crois, c'est que si mon coeur et ma tête avaient entre eux agité la même question, ils ne se seraient pas autrement parlé. » le Docteur noir représente donc la raison de Vigny et Stello son sentiment. Et comme le dit le Docteur : « Si Dieu nous a mis la tête plus haut que le coeur, c'est pour qu'elle le domine ».
Stello est un poète hyper-sensible, maniaco-dépressif, comme on dirait aujourd'hui. Lors d'un épisode de dépression il fait appel au Docteur noir, un « médecin des âmes » à l'attitude glaciale. le Docteur reconnait tout de suite la maladie de son patient, il la nomme : les « diables bleus ». Stello lui avoue qu'il en est arrivé à un tel point qu'il envisage d'écrire un livre sur la politique, « Dieu du ciel et de la terre ! s'écria le Docteur noir en se levant tout à coup, voyez jusqu'à quel degré d'extravagance les diables bleus et le désespoir peuvent entraîner un poète ! » Et on entrevoit donc la question qui va agiter nos deux protagonistes durant tout le reste du roman : la politique.
Stello a des tendances républicaines et on verra que le docteur est en fin de compte plutôt monarchiste. Mais ce qu'il prétend éviter, dans un premier temps, c'est que le poète se mêle de politique et pour cela il se propose de lui raconter trois histoires de poètes méprisés par les hommes de pouvoir : le presque oublié Nicolas Gilbert dans la monarchie absolue, Chatterton et la monarchie parlementaire, enfin André Chénier et les premiers républicains français, autrement appelés les Terroristes. Aucun de ces systèmes politiques n'est favorable aux poètes, mais il y a quand même une graduation dans ces histoires et il est évident que le véritable sujet est dans la dernière histoire sur la Révolution française. Sans perdre le sarcasme de la première histoire, ni le romantisme de la deuxième, le docteur noir ajoute de la gravité et de la méthodologie à la troisième.
En 1832, quand Vigny a publié ce roman, la seule république connue des Français était celle fondée par les Terroristes. Aussi, les portraits de Robespierre et Saint-Just, peints par le Docteur noir, font songer aux pires dictateurs du vingtième siècle. La haine féroce et ordinaire, la soif du sang derrière une façade de vertu sont les symptômes du despotisme.
La raison de Vigny conseille à son coeur de ne pas se mêler de politique et de se réfugier dans la solitude. L'organisation sociale, quelle qu'elle soit, est toujours un mensonge, il n'y a rien à faire avec elle, seuls le hasard et le destin la dirigent en fin de compte. La vérité se trouve toujours dans la solitude et s'il y a une liberté elle est dans l'imagination du poète.
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