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Bizarre, curieux et intéressant ce roman d'Alfred de Vigny publié en 1832, sous le titre original « Les Consultations du Docteur-Noir. Première consultation : Stello ou les Diables bleus (Blue Devils) ».

Bizarre car c'est un dialogue entre le docteur Noir et Stello dans lequel le médecin raconte les tragiques décès de trois poètes Nicolas Gilbert, mort à 29 ans en 1780, Thomas Chatterton, mort à 17 ans en 1770 et André Chénier, guillotiné à 31 ans en 1794. Ce dialogue entre un pseudo psychologue et un artiste neurasthénique n'est pas, à mes yeux, l'aspect le plus passionnant de cet ouvrage. Cet artifice n'est ni crédible, ni convaincant.

Intéressants, les trois récits sont fort bien écrits :
- Histoire d'une puce enragée nous mène à la cour de Versailles et raconte la mort tragique de Nicolas Gilbert qui aurait avalé une clé dans son délire.
- Histoire de Kitty Bell, nous mène en Angleterre, où Thomas Chatterton, qui écrit sous le pseudonyme de « Rowley », pseudo moine moyenâgeux, est accusé d'être faussaire et se suicide à l'arsenic.
- Une histoire de la terreur, évoque 1974, la tyrannie de Robespierre et l'exécution d'André Chénier car « la république n'a pas besoin de poète ».

Curieux car Alfred de Vigny plaide pour le statut de l'artiste, le respect de la propriété intellectuelle et contribue ainsi aux lois de 1841 qui garantissent une relative sécurité aux créateurs.

Moins connu que « Cinq-Mars » ou « Servitude et grandeur militaires », cet ouvrage fait mémoire de trois poètes mythiques aujourd'hui en voie d'oubli et ce triple hommage vaut le détour. Stello incarne un artiste désabusé et pessimiste qui est un reflet de l'auteur qui, heureusement pour lui, vivra jusqu'à 66 ans en échappant à la fatale destinée promise aux artistes de génie…
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En voilà un très beau roman. Composé de trois récits distincts sur trois poètes morts jeunes: Gilbert, Chatterton (qui sera aussi le héros d'une pièce du même auteur) et le plus connu d'entre les trois André Chénier. Ces récits sont racontés par le Docteur Noir à un jeune mélancolique (l'un des personnages qui illustre ce fameux mal du siècle) qui a un talent de poète. le poète est condamné et étouffé par sa société, voilà l'idée majeure de ce roman. L'une des parties que j'avais appréciée surtout est celle concernant Chénier avec ce cadre épique de la Terreur (que j'ai rencontré aussi dans "Les dieux ont soif"). On appréciera aussi cette ordonnance du Docteur Noir pour guérir son ami Stello de son mal poétique "séparer la vie poétique de la vie politique". Mais surtout ce style pittoresque de Vigny le poète.
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Stello est sans nul doute l'incarnation du poète lui-même qui dans un de ses accès de mélancolie se voit tenté par l'Action et l'entrée dans la vie politique.
Le brave docteur-noir lui diagnostique la maladie des diables-bleus (blues-devils en anglais) et pour le dissuader lui raconte histoire de trois poètes malmenés, par la bonne société, persécutés, voire mis à mort.
Nicolas Gilbert meurt après avoir avalé une clé dans une crise de délire, Thomas Chatterton lui se suicidera après avoir été humilié, et André Chénier sera guillotiné sous ordre de Robespierre pendant la terreur.
On a droit à un portrait de Robespierre et de Saint-Just sans concession. Mais cela va bien au-delà puisque l'auteur ira jusqu'à évoquer les philosophes à travers Platon et sa volonté sans équivoque de bannir les artistes de la cité sous le prétexte qu'ils ne sont d'aucune utilité et ne sont que de pâles imitateurs.
S'ensuit une critique sur la politique, science du mensonge (qui semble étrangement d'actualité) que l'on peut opposer à l'intemporalité des oeuvres poétiques (notamment à travers Homère) :
« Comme le Pouvoir est une science de convention, selon les temps, et que tout ordre social est basé sur un mensonge plus ou moins ridicule, tandis qu'au contraire les beautés de tout Art ne sont possibles que dérivant de la vérité la plus intime, vous comprenez que le Pouvoir, quel qu'il soit, trouve une continuelle opposition dans toute oeuvre ainsi créée. de là ses efforts éternels pour comprimer ou séduire. »
L'ordonnance du Docteur-noir est savoureuse :
Dans un premier temps, « séparer la vie poétique de la vie politique », puis chérir la solitude et accomplir sa mission, sans jamais oublier le destin des trois poètes.
« le Poète, apôtre de la vérité toujours jeune, cause un éternel ombrage à l'homme du Pouvoir, apôtre d'une vieille fiction, parce que l'un a l'inspiration, l'autre seulement l'attention ou l'aptitude d'esprit […] »
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Étrange personnage que ce Docteur Noir, plus présent dans l'échange que son patient, qui n'a qu'à rôle d'auditeur quasi passif, et plus intéressant finalement que les différents poètes dont il fait le portrait, car c'est le sien qu'il dessine en creux en présentant les autres. C'est une démarche très poétique de parler des autres pour parler de soi...
Ce n'est certes pas un docteur ordinaire que cet homme, introduit aussi bien dans le Pavillon aux Cerfs au milieu des soirées galantes de Louis XV, décrivant en libertin les attraits physiques d'une ravissante idiote, que dans le temple de Robespierre, le logement des Duplay à la gloire du Tyran, ou que client d'une pâtisserie anglaise. Oui, c'est un amoureux des femmes que ce Docteur, sensible à la beauté où qu'elle soit, chez une duchesse comme chez une citoyenne sans-culotte.
C'est enfin un philosophe que ce Docteur aux étranges ordonnances, traitant de la place du Poète dans la société et de l'importance de l'art.
Le chapitre le plus saisissant est sans doute le dernier, celui consacré plus à la Terreur et à Thermidor qu'à Chénier qui n'apparaît qu'assez peu, et est plus un prétexte. La Terreur elle-même devient acte poétique avec les principes de Saint-Just, et le sang qui coule de la terrible machine devient oeuvre d'art. Une description à la fois sensuelle, onirique, et terrible - forcément.
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"Stello" n'est peut-être pas le roman le plus réussi de Vigny, car l'impulsion narrative est sans cesse entravée par la thèse, la pensée et l'idée que l'auteur veut démontrer à travers son livre. On hésite entre le roman à thèse et l'essai narrativisé. Mais cet échec romanesque relatif n'empêche pas de trouver de fort belles pages (un peu comme "Les Martyrs" De Chateaubriand, roman raté mais splendide recueil de proses). D'autre part, on voit naître le mythe du poète maudit, de l'artiste "suicidé de la société", mythe qui a encore de profonds échos dans la culture actuelle. Enfin, la scène inoubliable (dans Daphné) de la bibliothèque incendiée par les révolutionnaires et des livres jetés à la Seine, de même que la figure de Julien l'Apostat, signalent non seulement l'opposition du poète et du bourgeois, mais aussi la persécution de l'artiste et de l'art par le peuple ignorant et barbare, motif que l'on retrouvera abondamment dans le vécu des intellectuels sous le communisme au XX°s. Un livre qui donne beaucoup à penser.
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Difficile de definir ce livre tant il est unique et hybride entre le roman l'essai et la nouvelle:la description de la societe sous la terreur est superbe, l'ecriture fluide et rapide ,pour ma part ce fut un plaisir et une decouverte agréable !
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Aujourd'hui ce livre pourrait rentrer dans la collection "la poésie pour les nuls", je plaisante bien sûr, il n'en reste pas moins que l'ordonnance en quatre point du docteur Noir:
-Séparer la vie poétique de la vie politique
- Seul et libre accomplir sa mission
-Éviter le rêve maladif et inconstant
- Que l'espérance soit la plus grande des folies
reste une prescription incontournable pour qui veut se dire poète.
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Commençons par la fin. Dans la dernière phrase du livre Vigny fait semblant de se demander : « Stello ne ressemble-t-il pas à quelque chose comme le sentiment ; le Docteur à quelque chose de pareil au raisonnement ? Ce que je crois, c'est que si mon coeur et ma tête avaient entre eux agité la même question, ils ne se seraient pas autrement parlé. » le Docteur noir représente donc la raison de Vigny et Stello son sentiment. Et comme le dit le Docteur : « Si Dieu nous a mis la tête plus haut que le coeur, c'est pour qu'elle le domine ».
Stello est un poète hyper-sensible, maniaco-dépressif, comme on dirait aujourd'hui. Lors d'un épisode de dépression il fait appel au Docteur noir, un « médecin des âmes » à l'attitude glaciale. le Docteur reconnait tout de suite la maladie de son patient, il la nomme : les « diables bleus ». Stello lui avoue qu'il en est arrivé à un tel point qu'il envisage d'écrire un livre sur la politique, « Dieu du ciel et de la terre ! s'écria le Docteur noir en se levant tout à coup, voyez jusqu'à quel degré d'extravagance les diables bleus et le désespoir peuvent entraîner un poète ! » Et on entrevoit donc la question qui va agiter nos deux protagonistes durant tout le reste du roman : la politique.
Stello a des tendances républicaines et on verra que le docteur est en fin de compte plutôt monarchiste. Mais ce qu'il prétend éviter, dans un premier temps, c'est que le poète se mêle de politique et pour cela il se propose de lui raconter trois histoires de poètes méprisés par les hommes de pouvoir : le presque oublié Nicolas Gilbert dans la monarchie absolue, Chatterton et la monarchie parlementaire, enfin André Chénier et les premiers républicains français, autrement appelés les Terroristes. Aucun de ces systèmes politiques n'est favorable aux poètes, mais il y a quand même une graduation dans ces histoires et il est évident que le véritable sujet est dans la dernière histoire sur la Révolution française. Sans perdre le sarcasme de la première histoire, ni le romantisme de la deuxième, le docteur noir ajoute de la gravité et de la méthodologie à la troisième.
En 1832, quand Vigny a publié ce roman, la seule république connue des Français était celle fondée par les Terroristes. Aussi, les portraits de Robespierre et Saint-Just, peints par le Docteur noir, font songer aux pires dictateurs du vingtième siècle. La haine féroce et ordinaire, la soif du sang derrière une façade de vertu sont les symptômes du despotisme.
La raison de Vigny conseille à son coeur de ne pas se mêler de politique et de se réfugier dans la solitude. L'organisation sociale, quelle qu'elle soit, est toujours un mensonge, il n'y a rien à faire avec elle, seuls le hasard et le destin la dirigent en fin de compte. La vérité se trouve toujours dans la solitude et s'il y a une liberté elle est dans l'imagination du poète.
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Qu'il fut difficile de finir ce livre.
L'impression d'être pris dans l'océan d'une écriture désuète et empesée d'où émerge, pourtant, de magnifiques îles qui, à chaque fois nous donne l'élan pour continuer le voyage.
Le thème, lui-même a subit les ravages du temps, la figure du poète et la poésie elle-même ayant périclité au point de frôler l'oubli.

Ceci posé, Stello est le dialogue, philosophique si je puis dire, d'un poète malade et de son médecin raisonnable et raisonneur. A travers celui-ci c'est la vie tragique de trois poètes, maudits qui sera abordé: Gilbert, Chatterton et Chénier.
La conclusion de ce dialogue débouche, alors sur une étrange profession de foi concernant la séparation de la vie poétique de la vie politique.... qui, elle-même se prolonge avec un autre texte sans rapport direct, sur la propriété littéraire et intellectuelle.

Cette lecture, donc, n'a pas été sans heurt et entre les sentiments mitigés que m'évoquait le style et les deux premiers récits qui ne réussissaient guère à m'émouvoir je fut bien prêt d'arrêter l'ouvrage.
Heureusement pour moi la dernière histoire, à savoir la parti se déroulant autour d'André Chénier au moment de la terreur a su tout racheter. Ici, la description de ce paris de la terreur, des condamnés, comme des bourreaux est saisissante et, mieux encore, l'histoire de Chénier est adossé à la grande Histoire donnant un vrai dynamisme au texte.

Un ouvrage assez étrange, donc, mais qui, certainement mérite le détour, la notion de la figure du poète , ou de l'artiste par extension, selon Vigny vaudra bien les quelques peines du chemin.



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Très bel ouvrage dont on ne peut qu'apprécier la réflexion métatextuelle sur le statut de l'écrivain, pleine de douleur et de pessimisme. Des poètes persécutés par la société, qui rappellent les statuts de Bertrand et Borel, qui eux-mêmes ont écrits à ce sujet... Un livre à lire qui fait écho au Chatterton de Vigny.
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