Citations sur Poésies complètes (62)
Ballade finale
Ici se clôt le testament
Et finit du pauvre Villon.
Venez à son enterrement,
Quand vous orrez le carillon,
Vêtus rouge com vermillon,
Car en amour mourut martyr :
Ce jura-t-il sur son couillon
Quand de ce monde vout partir.
Et je crois bien que pas n’en ment,
Car chassé fut comme un souillon
De ses amours haineusement,
Tant que, d’ici à Roussillon,
Brosse n’y a ne brossillon
Qui n’eût, ce dit-il sans mentir,
Un lambeau de son cotillon,
Quand de ce monde vout partir.
Il est ainsi et tellement,
Quand mourut n’avoit qu’un haillon ;
Qui plus, en mourant, malement
L’époignoit d’Amour l’aiguillon ;
Plus aigu que le ranguillon
D’un baudrier lui faisoit sentir
(C’est de quoi nous émerveillon)
Quand de ce monde vout partir.
Prince, gent comme émerillon,
Sachez qu’il fit au départir :
Un trait but de vin morillon,
Quand de ce monde vout partir.
François Villon, Le testament
REGRETS
« Ho Dieu! Si j’eusse étudié,
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes mœurs dédié ,
J’eusse maison et couche molle!
Mais quoi ? Je fuyais l’école ,
Comme fait le mauvais enfant …..
En écrivant cette parole ,
A peu que le cœur ne me fend ….
Le grand testament .
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
Et icelles qui s'inclinaient
Unes contre autres en leurs vies,
Desquelles les unes régnaient,
Des autres craintes et servies,
Là les vois toutes assouvies,
Ensemble en un tas pêle-mêle.
Seigneuries leur sont ravies;
Clerc ni maître ne s'y appelle.
Deux étions et n'avions qu'un cœur;
S'il est mort, force est que dévie,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par cœur,
Mort!
Voulez-vous que verté vous die?
II n'est jouer qu'en maladie,
Lettre vraie qu'en tragédie,
Lâche homme que chevalereux,
Orrible son que mélodie,
Ne bien conseillé qu'amoureux.
À Chartreux et à Célestins, à Mendiants et à Dévotes, à flâneurs et claqueurs de patins, à valets et filles de
joie portant tuniques et cottes moulantes, à blancs-becs se mourant d'amour, qui chaussent sans gémir des bottes fauves, je crie à toutes gens merci.
A filles montrant leurs tétons pour avoir plus de clients, à voleurs, à fauteurs de tapage, à bateleurs montrant des guenons, à fous et folles, à sots et sottes, qui s'en vont sifflant six par six avec des vessies et des marottes, je crie à toutes gens merci
Item, mon corps j'ordonne et laisse
A notre grand mère la tere;
Les vers n'y trouveront grand graisse,
Trop lui a fait faim dure guerre.
Or lui soit délivré grand erre:
De terre vint, en terre tourne;
Toute chose, se par trop n'erre,
Volontiers en son lieu retourne.
Amon en vout déshonourer,
Feignant de manger tartelettes,
Sa seur Thamar et déflourer,
Qui fut chose mout déshonnêtes;
Hérode, pas ne sont sornettes,
Saint Jean-Baptiste en décola
Pour danses, sauts et chansonnettes.
Bien heureux est qui rien n'y a!
De moi, pauvre, je veuil parler :
J'en fus battu comme à ru teles,
Tout nu, ja ne le quiers celer.
Qui me fit mâcher ces groselles,
Fors Catherine de Vaucelles?
Noël, le tiers, ait, qui fut là,
Mitaines à ces noces telles !
Mais que ce jeune bacheler
Laissât ces jeunes bachelettes ?
Non ! et le dût-on brûler
Comme un chevaucheur d'écouvettes.
Plus douces lui sont que civettes ;
Mais toutefois fol s'y fia :
Soient blanches, soient brunettes,
Bien heureux est qui rien n'y a !
Je congnois que pauvres et riches,
Sages et fous, prêtres et lais,
Nobles, vilains, larges et chiches,
Petits et grands, et beaux et laids,
Dames à rebrassés collets,
De quelconque condition,
Portant atours et bourrelets,
Mort saisit sans exception.