La nuit d'après

Les hommes naissent avec les mains fermées, a dit la sage-femme, ils partent avec les mains ouvertes. 

Devenir très vieux c'est passer par une ribambelle de petites morts

On a bien labouré ensemble…On a récolté aussi de la misère, mais à deux…

Elle n’a pas eu besoin d’apprendre ni à traire, ni à conduire les troupeaux, ni à couper l’herbe à lapins. Dès sa première visite, bien avant le mariage, elle avait senti que la vie était plus facile chez eux, ils mangeaient mieux, regardaient moins à la dépense. Les culottes des hommes dans la grange n’étaient pas rapiécées. La cour de la ferme était empierrée, les contrevents peints en bleu.

On peut employer les mots qu’on veut. Elle ne les avait pas ce jour-là. Mais elle en est sûre : toutes ses cellules ont senti que c’était pour la vie, qu’elle avait rencontré son destin.

Elle se tourne dans son fauteuil et murmure : "Je n'arrive pas à m'imaginer que tu ne seras plus là. Je ne suis pas certaine d'y arriver. J'ai vieilli, moi aussi. Les plis sont pris. Je ne suis plus capable de changer." D'ailleurs elle refuse de s'engager sur ce chemin, pour l'instant. Si elle ne veut pas dormir (elle a à peine perdu connaissance sur le lit, tout à l'heure) c'est qu'elle est sûre que, si elle dort, quand elle se réveillera ce jour du 26 mai aura basculé. Elle lutte pour le retenir jusqu'au bout. Elle sait que c'est illusoire. Le tonton Manuel disait qu'il n'avait pas la corde à virer le vent. Mais elle peut encore dire je t'ai vu ce matin, t'ai touché, caressé, embrassé, j'ai tenu ses mains entre les miennes. "Ne m'abandonne pas, Joseph ! "

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment…

« L’églantine est une belle fleur sauvage, mais ses épines sont plus mauvaises que celles des roses ! »