Mon corps est léger…
Mon corps est léger, comme fait d'os qui ne pèsent rien,
os de paille ou de pétales, mais il doit y avoir quelque
chose à l'intérieur, il faut des os en acier, plus solides
qu'une tour de béton armé, plus larges que le mur du
jardin que je dérobe, mais souples comme les fils d'une
toile d'araignée. Et je suis cette tour qui te garde,
enceinte dépositaire de ta vie, je suis responsable
de ton souffle, de ta force commencée.
hier soir mon jardin était dense…
Hier soir mon jardin était dense, profond, comme serti
de noir et de désir. Je l’ai regardé, j’y suis entrée comme
dans un lac tranquille. J’ai eu besoin de le voir encore,
j’ai besoin d’y revenir chaque jour, même si je ne sens
qu’à peine ses odeurs et ne peux toucher ses arbres,
ses pétales, ses murs. Il est l’horizon que je respire et
qui me ramène à cette trace intérieure. J’y reviens cha-
que jour et à chaque fois j’ai besoin de le vérifier, de
vérifier sa présence, son pouvoir sur moi, sa puissance
changeante au fil des saisons. Je vérifie ainsi chaque
lieu dans lequel je ne suis plus ; je le vois, il change
mais il est toujours là, c’est bien, il est là, alors je peux
le réinscrire dans le présent, le recouvrir des couleurs
et du temps que je suis.