Conte moral
De Voltaire, qui met en scène son "bon sauvage",
l'Ingénu, un enfant élevé par les Hurons, on y retrouve le style caractéristique
De Voltaire, avec ses attaques ad hominem qui mêlent allègrement le vrai et le faux (
Bossuet et tous les jésuites sont accusés d'avoir une amante), son anglophilie délirante, ses phrases tranchantes, et ses raisonnements novateurs.
Voltaire utilise cette histoire comme prétexte pour développer un raisonnement sur la "vertu", qui, à son époque, veut dire à la fois courage pour les hommes et pudeur pour les femmes. Mademoiselle de
Saint-Yves se voit ainsi soumise à un choix difficile : accorder des faveurs sexuelles à un puissant pour pouvoir libérer son amant ou bien les refuser et garder son honneur intact. Dans quel cas serait-elle plus vertueuse. Mademoiselle de
Saint-Yves finit par céder et libère son amant,
l'Ingénu, mais cela torture sa conscience et finit par la faire
mourir.
Voltaire se montre plutôt libéral en ce qu'il se centre sur les destins individuels et ne taxe pas Mademoiselle de
Saint-Yves d'immoralité, bien au contraire. Toutefois, ce conte moral manque à mon sens d'un parti pris plus tranché, on sent des coups de poignard contre des ennemis philosophiques de l'auteur, mais cela manque d'une logique plus générale, d'une morale plus forte.
Mademoiselle Else, de
Schnitzler, que je viens de lire, met en scène le même dilemme, avec un dénouement tout aussi tragique. de même, à mon sens, ce choix difficile est illustré avec plus de brio dans
Boule de Suif de
Maupassant, où les tiers finissent par critiquer une prostituée pour avoir refusé de coucher avec l'envahisseur prussien. Dans le cas de
Boule de Suif, la morale semble s'inverser, c'est l'absence d'acte sexuel qui est mal vue, alors que la vertu est outragée par la morale publique. C'est là que
Maupassant est fort.