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4,16

sur 574 notes
Certains livres dégagent une fragrance particulière. Celui ci a tous les atouts pour ça en mettant en scène les six soeurs Chapel prénommées respectivement Aster, Rosalind, Calla, Daphné, Iris et Hazel.
Un bouquet que n'aurait pas renié Emily Dickinson tant l'hommage rendu à la poétesse herboriste est assumé.
Sarai Walker offre un roman tout en parfums et couleurs dans l'Amérique des années 50. Les jeunes filles ressemblent à des bonbons acidulés et, quand elles ne se parent pas, elles rêvent d'un mari viril et ombrageux et d'un foyer avec frigo et aspirateur.
Les filles Chapel vivent en huis-clos dans l'immense et baroque demeure familiale, fleuron des armements Chapel dont la célèbre carabine a assuré la postérité tant sur les théâtres de guerre que sur les plateaux hollywoodiens.
Image idyllique de cette Amérique en plein essor industriel où chaque jour amène son lot de progrès et d'avenir radieux.
Pourtant, il plane un autre parfum sur ce livre. Un parfum ombrageux, mystérieux, incarné par Belinda, la mère, silhouette solitaire et lointaine qui fraie plus souvent avec les morts qu'avec les vivants.
L'air de rien, l'auteure distille la tragédie quand, le lendemain de ses noces, Aster, l'aînée, décède dans une scène digne de Rosemary's baby.
Et il n'en restait plus que cinq...
Rosalind à son tour s'éprend d'un homme, l'épouse et meure dans des circonstances similaires.
Il n'en restait que quatre et le cimetière de la propriété est loin d'être repu.
L'immense qualité de ce roman est de traiter de l'étrange sans jamais basculer dans le glauque ou l'horreur.
J'ai pu lire le terme gothique pour qualifier cette oeuvre. Pour ma part, et loin des couleurs sombres et sataniques de ce mouvement culturel, c'est du côté de Mary Shelley que j'ai retrouvé de franches influences, et notamment dans la question de la quête compulsive de la conquête masculine.
Parce qu'à la fin, ne m'est restée qu'une seule et centrale question. Qui sont ces voleurs d'innocence si ce n'est les hommes en admettant que l'innocence soit à priori une vertu féminine?
Féministe, ce roman l'est inconditionnellement, mais avec subtilité et intelligence. Si les hommes y sont pour la plupart décrits comme des machos autoritaires, le contexte de l'époque ne permettait pas aux femmes la moindre propension à l'hystérie sous peine d'enfermement.
Bref. C'est un livre passionnant, protéiforme, que j'ai dévoré avec avidité et délices. Étonnée à la fin de ne garder qu'une seule odeur, celle d'une tubéreuse, capiteuse, entêtante et vaguement inquiétante.
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Henry Chapel est l'héritier de l'entreprise Chapel, célèbre pour ses armes utilisées au cours des différents conflits nationaux et mondiaux. « Voilà sur quoi reposait la réussite de la famille Chapel : la mort massive. » (p. 271)

Belinda Chapel crie aux fantômes toutes les nuits et craint l'avenir. « Il est plus facile de dire que les femmes comme ma mère sont folles. Dans ce cas-là, inutile de les écouter. Et alors, peut-être que dans un sens elle est devenue folle. Elle ne pouvait communiquer en hurlant. » (p. 541)

Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel sont les six filles de la famille Chapel. Tour à tour, le lendemain de leur mariage, et comme l'avait prédit leur mère, elles meurent. « Pour nous, ce n'était pas la maison qui était hantée, mais Belinda elle-même. J'ai grandi en pensant que notre mère était hantée et, comme mes soeurs et moi avions toutes vécu à l'intérieur d'elle durant neuf mois, je me demandais si nous étions aussi hantées. » (p. 73) Seule Iris prête foi aux annonces de sa mère. Seule Iris essaye de sauver ses soeurs et de se sauver elle-même, au prix du plus grand des sacrifices.

Entre malédiction familiale et prophétie autoréalisatrice, Sarai Walker a écrit une merveille de raffinement gothique et de sophistication lugubre. J'ai dévoré ce texte en quelques heures, avide de connaître les destinées scellées des filles Chapel. Une tenace et écoeurante odeur de roses a accompagné ma lecture... « Elle ne découvrirait jamais la véritable histoire, impossible à connaître pour quiconque en dehors de la famille Chapel. Et qui reste-t-il des Chapel pour la raconter ? Personne. » (p. 28) le point d'orgue de ce roman magistral est la réflexion finale sur l'identité et l'héritage des femmes artistes.
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Voilà un roman féministe qui n'emprunte pas au militantisme vulgaire ni pédagogique, ni victimisant ou accusateur.
Non, il est factuel et va bien plus loin : les hommes tuent les femmes.
Point, à la ligne.
À travers l'histoire d'une famille frappée par le destin, l'autrice passe en revue les contraintes et les interdictions posées aux femmes : responsable-esclave du foyer, un corps qui ne lui appartient pas, le viol caché derrière le devoir conjugal, l'impossibilité de faire des études, et j'en passe.
Elle a l'intelligence placer son récit dans les années 1950, de lui donner une forme légèrement fantastique et de faire parler son personnage, se libérant de toute responsabilité dans les propos. C'est très habile.
Iris, la narratrice, est en proie à de nombreux sentiments contradictoires qui ouvrent la réflexion du lecteur. Je souhaite du reste que les hommes lisent ce roman, pas seulement les femmes qui par nature seront attirées par cette épopée tragique qui parle si bien d'elles.
Si l'ambiance est désespérément mélancolique, l'orientation est résolument optimiste.
Ce roman est une réussite, j'espère qu'il émergera dans cette rentrée littéraire toujours aussi foisonnante.


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Elle a passé plus de temps à fuir son passé qu'à vivre entouré de sa famille. Elle a cherché pendant soixante ans à repousser les fantômes et les voix qui murmurent à son oreille. Elle a effacé les images de ses soeurs, leurs sourires, leurs cris et cette terre retournée sur leurs tombes. Elle a rejeté le monde de Belinda, celui des esprits et des prédictions. Mais aujourd'hui, tout cela la rattrape. Elle ne veut plus lutter et elle sait qu'elle va devoir accepter qui elle est, et l'avouer au monde…
Les voleurs d'innocence de Sarai Walker est un roman envoûtant. Avec une écriture fine, travaillée, rythmée, l'auteur nous entraine au coeur d'une famille frappée par les deuils, les morts soudaines et les fantômes qui rôdent. C'est une confrontation entre deux mondes, celui du visible de l'invisible, celui des hommes et des femmes, celui des forts et des faibles, celui de l'amour et de la vie. C'est aussi une ode au corps, à l'art, à la liberté.
C'est à Bellflower Village, au coeur du Connecticut, dans une grande maison en forme de gâteau de mariage, que l'on rencontre la famille Chapel. Elles sont six soeurs, unies par l'art, la lecture, la nature. Elles comptent les unes sur les autres et les aînées font office de mère, puisque la leur reste cloitrée dans sa chambre, en proie aux esprits des victimes des armes qui portent leur nom. A cette époque, dans les années 50, les femmes n'ont de place qu'une fois mariée, en tant qu'épouse, mère et gestionnaire du foyer. Alors, chacune rêve de ce prince charmant…
Aster, l'aînée, est la première à mourir. Soudainement, le lendemain de ses noces. Belinda l'avait prédit mais personne n'écoute une femme qui prête plus d'attention aux fantômes qu'à ses filles. Seule Iris succombe à son univers et entend ses peurs, ses angoisses et ses visions. Quatre autres soeurs vont mourir d'aimer. Mais comment vivre sans amour ? Pour chacune d'elle, il ne sert à rien de résister si c'est la solitude et l'isolement qu'on leur promet…
Iris ne veut pas de cette vie. Elle veut fuir, se couper du monde, sans aucun contact avec les hommes. Elle veut peindre, oublier cette famille, prendre soin de Lola, la femme qu'elle aime. Elle rejette le destin qu'on lui prédit, elle veut trouver sa place en tant que femme, artiste, amoureuse.
Les voleurs d'innocence est le chant, ou plutôt le cri d'un être abandonné de tous, qui refuse qu'on lui impose des règles de vie, qui aspire au calme de ce monde et qui attend patiemment de retrouver les esprits de ses soeurs et de sa mère, enfin apaisée…
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Qu'est-il arrivé aux soeurs Chapel, six jeunes filles au destin tragique ?

Recluse dans sa demeure du Nouveau-Mexique, Sylvia Wren peintre émérite et reconnue, vit jusqu'ici une existence secrète et paisible. Aujourd'hui âgée, celle-ci partage son temps entre son métier passion et son amour pour sa compagne. Mais c'était sans compter la curiosité d'une journaliste...

Au cours d'un dîner mondain et à travers l'indiscrétion d'une vieille dame un peu éméchée, la journaliste apprend que la célèbre Sylvia Wren serait une des soeurs Chapel. L'unique survivante d'une malédiction par laquelle toutes ses soeurs seraient mystérieusement mortes. Déclinant les interviews tout au long de sa carrière, la réponse à la journaliste ne fait pas exception. Mais qui est véritablement Sylvia Wren ? Qui se cache derrière la plus célèbre peintre américaine ?


Remontant le fil de ses souvenirs, le masque se fissure, le déni craquelle pour enfin laisser exprimer sa vérité.


Gothique et sororal, Les voleurs d'innocence de Sarai Walker est sans conteste un des romans les plus puissants de la rentrée littéraire 2023. À la fois sombre et fascinant, on se laisse volontiers embarquer par les souvenirs de Sylvia Wren/Iris Chapel pour qui le destin frappe tragiquement sa famille. du moins les femmes. Entre tragédie ou malédiction, là est la question.


Si les femmes semblent tomber comme des mouches à leur mariage, il faut y voir ici la condition malheureuse d'une vie domestique moralement imposée. Eminemment féministe, ce roman aux airs de Virgin Suicides et des Noces Rebelles; pour lequel l'autrice fait d'ailleurs référence en fin d'ouvrage; se distingue par son ambiance envoûtante, lui conférant le statut de page-turner.


Mystérieux et vénéneux, on étouffe peu à peu sous le poids et l'odeur des fleurs dont ces soeurs portent les prénoms, comme le long pourrissement inhérent à leur sort. Avec une langueur et une moiteur qui colle à la peau, leur désir d'émancipation inconscient s'oppose à la violence des hommes et leur aptitude à soumettre.


Captivant et impressionnant, le roman de Sarai Walker dénonce avec brio le piège de la société patriarcale et la malédiction d'être une fille. Vibrant de poésie et d'émotions, oscillant entre le réel et le fantastique, Les voleurs d'innocence est incontestablement une toile dans laquelle je suis tombée avec plaisir. Un vrai coup de coeur !


Avec une traduction maitrisée et des références picturales et littéraires à foison, ce roman est une pépite à laquelle vous ne pourrez échapper.
Lien : https://bookncook.fr/2024/01..
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A contre-courant des contes de fées, Sarai Walker imagine un roman gothique où les jeunes femmes meurent lorsqu'elles perdent leur virginité. le mariage, loin d'être l'aboutissement d'une série d'épreuves et d'une belle histoire d'amour, devient alors l'ultime halte.
"Cela aurait dû être le premier jour du reste de leur vie. Au lieu de cela, c'était le dernier"

Dans une demeure fastueuse, surnommée le "gâteau de mariage" vivaient six jeunes filles à marier. C'est du moins le destin prévu dans les années 1950 pour les riches héritières aux prénoms de fleurs, de la famille Chapel qui a fait fortune dans le commerce des armes.
Le travail des femmes n'est pas envisageable à cette époque, surtout dans les classes les plus aisées où les femmes servent à donner des héritiers à leurs époux et à présenter une image de la famille parfaite.
Sauf que M. Chapel, dans sa précipitation à trouver une épouse, a fait le mauvais choix en épousant Belinda qui le déteste : "Je n'ai jamais aimé ton père ; pas même bien aimé. Je n'aimais pas son visage, ou sa façon de parler, ou son odeur, rien chez lui. J'ai pleuré pendant des jours avant le mariage."

Belinda est présentée comme une mère mentalement perturbée, fille et petite-fille de femmes mortes pendant l'accouchement, affectée d'une sensibilité exacerbée qui lui fait croire que la maison est hantée par ceux qui sont morts à cause des armes de la famille.
Cette maison de conte de fées, dont les chambres sont décorées de grappes de fleurs peintes, habitées par des jeunes filles exubérantes  ne ressemble pas pour elle à celle du Dr March et de sa famille, mais à une demeure lugubre payée au prix du sang.
Pour ce personnage, Sarai Walker s'est inspirée de Sarah Winchester, qui, devenue veuve et héritière du fabricant d'armes, se consacra à la construction d'une maison pour accueillir les fantômes des victimes des armes Winchester.
C'est sur elle que repose l'atmosphère gothique qui infuse dans le roman alors qu'elle déambule dans ses longues robes blanches, parle aux fantômes, semble ignorer l'existence de ses filles ou au contraire prononce des avertissements sinistres.

En jouant avec les codes de la littérature gothique, l'auteure jongle également avec les propositions freudiennes de l'hystérie féminine.
Pour la société patriarcale et rationnelle de 1950, la folie est la seule hypothèse plausible et le corps des femmes le seul responsable.
"Pour lui, je le savais, la mort de mes soeurs avait l'aura de quelque chose de strictement féminin et par conséquent honteux. Parler de ce qui s'était passé aurait été comme discuter de sexe ou de menstruations ou de choses que l'on n'abordait pas très souvent en public, ni d'ailleurs en privé, du moins à cette époque. Ce qui était arrivé à mes soeurs était donc devenu un sujet tabou. "

Entre créatures surnaturelles et communication avec les morts, s'ajoute cette part d'implicite qui transforme Belinda en féministe opprimée . Ce qui n'est pas dit à propos de Belinda est immédiatement perçu par les lecteurs. le monde des hommes est systématiquement associé à la violence, d'abord parce qu'ils fabriquent et utilisent les armes pour tuer, mais aussi parce qu'ils se livrent à des actes de violence sur le corps des femmes pour les soumettre.
On sait que le mariage lui a été imposé, que ses talents d'artiste n'ont servi qu'à décorer les chambres des filles et qu'elle n'a pas développé d'instinct maternel. On devine aisément que chacune des filles est née du viol de Belinda par son mari, à cette époque où les femmes ne pouvaient pas disposer de leur corps. Comment mesurer le désespoir de cette femme dont les talents ont été sacrifiés et à qui on a imposé des fonctions qu'elle ne voulait pas assumer ?
Les confidences faites à sa fille témoignent de sa répulsion au cours des relations sexuelles imposées et de son sentiment de dépossession et de spoliation.
" Tu ne comprends pas ce qu'est réellement le mariage. Comment, une fois mariée, tu appartiens à un homme et cesse d'être toi-même."


Le mari, les médecins, les fiancés des filles représentent une société patriarcale , qui ne considère pas la parole des femmes et la musèle à la moindre tentative de libération en la sanctionnant par l'enfermement.
La fuite est l'unique solution pour Iris. Elle survit grâce à sa haine des hommes mais ceux-ci la condamnent à l'internement. Non seulement elle était réceptive aux avertissements de sa mère, mais elle a suivi ses préconisations et a affirmé son identité.
Iris devenue artiste, homosexuelle et sans enfants incarne la revanche de sa mère.

Sarai Walker a déclaré s'être inspirée de l'artiste Georgia O'Keeffe pour la fausse biographie de Sylvia Wren, notamment pour l'érotisme de ses fleurs. Dans le roman, contrairement au modèle, la dimension sexuelle est totalement revendiquée. Dans la dernière partie, Sylvia/ Iris évoque ses toiles érotiques en rendant hommage à Lola "qui est le seul corps de femme que je connais en dehors du mien, mon paysage favori. Elle et notre histoire d'amour sont exposées dans des musées du monde entier."
De même elle date la découverte de sa sexualité, et de son inspiration artistique, d'un dessin de sa soeur Daphné qui avait représenté le sexe de son amie Veronica sous la forme d'un iris.

Calla, l'une des six soeurs, déclare que le sang et la douleur sont le destin des femmes, et plus encore de celles de la famille. Sa soeur lui répond : " Te frotter à la tige d'une rose ne t'endormira pas, te frotter à celle d'un homme, si."
Après la mort des deux soeurs aînées, la malédiction familiale semble admise par les survivantes qui ont conscience que la première relation sexuelle leur sera fatale. Malgré cela, la question se pose pour les soeurs comme pour l'auteure en un clin d'oeil amusé à ceux qui l'accuseraient d'ostracisme envers les hommes : " C'est quoi, une vie sans amour ?"







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Sarai WALKER. Les voleurs d'innocence.

Ce roman narre une saga familiale et se déroule aux Etats-Unis des années 1950 jusqu'à nos jours, dans le Connecticut, à Bellflower village. Henry Chapel, fabricant et marchand d d'armes a épousé Belinda Holland. Ils ont conçu six filles en neuf années. Toutes portent en guise de prénoms de noms de fleurs : Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel « Zélie. ». Ces six filles vont connaître un destin tragique.

Je regrette beaucoup d'avoir lu la quatrième de couverture. En effet, elle nous annonce la tragédie vécue par cette fratrie. Une seule réussira à échapper à ce fatal destin, vu et proféré par la mère. Cette dernière est victime d'hallucinations, de prémonitions et malheureusement elle n'annonce à tous que des faits réels.

Eliza L. Mortimer, journaliste réalisatrice de documentaire écrit à Sylvia Wren, afin de réaliser un reportage sur sa carrière. Cette dernière peint et réside à Abiquiu, dans le Nouveau-Mexique. Cette femme peintre célèbre et de talent, vit retirée du monde et n'apparaît jamais lors de ses nombreuses expositions mondiales , ni à la télévision, ni dans la presse et ne donne aucune interview. Pour Eliza, elle est un véritable fantôme. Personne ne la connaît. Une avocate de New York régit son patrimoine et une personne de confiance pilote gère le quotidien. Qui est donc Sylvia Wren et pourquoi fuit-elle le monde, vivant recluse dans une demeure, avec Lola, sa compagne ? Très sollicitée par Eliza, elle va, sur des petits carnets livrer son existence. Elle est une survivante des filles Chapel. Et la lignée s'éteindra à son décès. Elle est célibataire et n'a pas d'enfant. Elle a fui sa famille lors de la mort de sa plus jeune soeur...

Avec beaucoup d'empathie, elle nous dévoile le destin funeste des filles Chapel. Quelle malédiction pèse sur ses jeunes femmes. Rose, la mère de Belinda, Dollie, mère de Rose, Alma, mère de Dollie, toutes ses femmes sont décédées à la naissance de leur enfant. Belinda éprouve des phénomènes paranormaux, annonçant le sort que vont subir ses filles. Cette femme, incomprise, mal aimée par son époux subira un triste sort. Tout au long de son récit, Sylvia « Iris » nous plonge dans un univers pesant, angoissant. La famille vit dans une demeure lugubre : l'architecture de cette résidence ressemble à un énorme « gâteau de mariage » avec dôme de glaçage dégoulinant de son sommet. L'héroïne nous fait partager le quotidien de cette riche famille. Nous participons aux préparatifs de mariage des filles qui en se mariant espèrent échapper au funeste destin promis par leur mère. Chaque « fille-fleur » a une personnalité propre, un caractère bien trempé et désire trouver le bonheur auprès d'un époux qu'elle choisit. Nous sommes pris dans un engrenage, désirant connaître la destinée de ces jeunes filles, avides de liberté…

Une fois que nous avons commencé ce livre, nous ne pouvons plus le lâcher. Il nous faut connaître le dénouement. Patience, chaque chose en son temps…Mais quel sera le chemin emprunté par Iris pour s'esquiver et mener une vie normale ? i Je vous conseille de lire ce roman fantastique. Je l'ai adoré. Il est bien construit.L'écriture est agréable, fluide. La traduction est très certainement fidèle aux propos délivrés par l'autrice. Merci à Janique Jouin-de Laurens. Je vous souhaite à tous une bonne journée et de belles lectures à partager.
( 07/11/2023).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Maudites de génération en génération ? Voilà comment pourrait se résumer « Les voleurs d'innocence ». « Notre lignée maternelle est un collier enroulé si serré autour de notre cou qu'on ne peut pas respirer. » Dans la famille Chapel des années 1950, une femme prénommée Belinda donne naissance à six enfants qui porteront toutes un prénom de fleurs : Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel. Une douceur qui contrebalance avec les activités qui font la richesse de la famille : la vente d'armes, car Chapel est aussi le nom d'une marque d'armes à feu qui enorgueillit le chef de famille. Toutes les femmes de la famille sont décédées en couche, sauf Belinda Chapel qui semble porter sur ses frêles épaules le poids de ce terrifiant héritage familial et s'illustre par un comportement étrange : des visions, des prémonitions, et une existence terrée dans ses appartements de la propriété dite « le gâteau de mariage » « Les voleurs d'innocence » s'ouvre sur la voix de Sylvia Wren (Iris) en 2017, artiste mondialement connue qui vit loin du monde, calfeutrée dans sa maison au Nouveau-Mexique. C'est elle qui va raconter l'histoire de sa famille et revenir sur ses souvenirs d'enfance et les drames qui ont jalonné l'histoire familiale.


Dans « Les voleurs d'innocence », autre temps, autres moeurs : une femme des années 50 doit se marier, faire des enfants et s'occuper de son foyer. Elle ne sert à rien d'autre. C'est d'ailleurs le rêve d'au moins cinq des filles Chapel pour s'échapper du gâteau de mariage en faisant d'une pierre deux coups : fuir un père absent et une mère fantomatique. Paradoxalement, ce modèle de femme (foyer, enfants) n'est pas celui transmis à ces jeunes filles par leur mère qui affiche clairement sa désapprobation devant le mariage. de plus, elle a donné naissance à six filles sans y laisser la vie, c'est déjà un exploit vis-à-vis de l'héritage familial, on ne va pas lui demander en plus de s'en occuper ! « Belinda prétendait détester le gâteau de mariage, pourtant, elle le quittait rarement, restant à l'intérieur, coupée du monde, parcourant les couloirs, dans sa longue robe blanche, vivant dans un univers de filles, de fleurs et d'esprits. » Les six soeurs s'élèvent sans que jamais leur mère ne participe à leur éducation, prenne de grandes décisions les concernant ou soit présente aux importants rendez-vous de leurs existences. « Elle n'avait jamais vraiment guidé ses filles, n'avait jamais essayé de nous pousser dans aucune direction, la plus grande part de son énergie étant dépensée pour sa propre survie, jour après jour. » Connaissant la « malédiction » familiale, il est très étonnant que les filles veuillent suivre le schéma classique, mariage, enfants, foyer. Leurs prénoms symbolisent tous des êtres éphémères, fragiles, comme si elles pouvaient disparaître dans un simple souffle de vent.


« Les voleurs d'innocence » pourraient être l'expression consacrée aux hommes qui viennent ravir le coeur de ces jeunes femmes. Dans l'ensemble, les hommes du roman sont des êtres peu sympathiques. Ils se marient facilement, par confort, sans vraiment connaître la femme qu'ils épousent et cela est aussi vrai pour le couple parental. le mariage est la seule question dont Belinda se mêle réellement, elle dont la mère Rose, et la grand-mère Rose (encore des prénoms de fleurs) n'ont pas survécu au premier accouchement. Comment ses filles pourraient-elles délibérément avoir envie de prendre un tel risque ? « Tu ne comprends pas ce qu'est réellement le mariage. Comment, une fois mariée, tu appartiens à un homme et cesses d'être toi-même. » Par une simple prémonition à voix haute, Belinda Chapel met en garde ses filles du sort qui les attend. « J'ai l'impression que quelque chose d'horrible va se produire. (…) ce que je veux dire, c'est… (…) le mariage va provoquer quelque chose d'horrible. Je ne sais pas quoi exactement mais je crois qu'il faudrait réfléchir à le repousser. » Malheureusement, considérée comme folle, recluse en elle-même autant que dans ses appartements, elle est peu écoutée. Elle vit à l'intérieur d'elle-même, écoute ses intuitions et devine le parfum des roses inhérent à chaque promesse d'une nouvelle catastrophe.


Les traumatismes et malédictions se transmettent de génération en génération dans « Les voleurs d'innocence ». À cela s'ajoute un élément rapporté que j'ai trouvé extrêmement judicieux de placer dans le roman : la vente des armes. La famille Chapel est en effet à la tête d'une très grosse usine de fabrication d'armes ce qui contribue à intensifier une certaine « pollution morale » qui flotte sur le gâteau de mariage tel un nuage noir porteur d'une condamnation certaine. « C'est ainsi que notre famille gagnait de l'argent, après tout : guerre, meurtre, suicide, massacre d'animaux. Aussi macabre que ce fût, la carabine Chapel était néanmoins une précieuse icône américaine, et mon père possédait des photographies de lui en compagnie du général John J. Pershing et du président Franck D. Roosevelt. » Assurément, les activités professionnelles ne contribuent pas à asseoir une forme de sérénité sur la famille et pour Belinda c'est un élément supplémentaire pour attirer le malin. Cependant, l'art vient adoucir les épreuves de la vie et les douleurs du quotidien. Sarai Walker évoque de nombreux artistes dans ce roman, dont la narratrice elle-même.


J'ai beaucoup aimé l'analogie entre Iris et Belinda dans « Les voleurs d'innocence » dont les chemins de vie sont parallèles. Ce sont deux fantômes chacune à leur manière. « Mère hantée, fille hantée. » Elles vivent cloîtrées : la première pour échapper à une vie qu'elle ne s'est pas choisie, la seconde afin que personne ne sache réellement qui elle est et de quelle famille elle est issue. Pourtant, leurs ombres sont sans cesse entremêlées. Iris a vécu à l'intérieur de l'esprit de sa mère de façon très intime, réceptive à ses prémonitions, bercée par les terreurs nocturnes de celle-ci, sensible à toutes les voix spectrales qui venaient déranger le réel. « J'ai grandi en pensant que notre mère était hantée et, comme mes soeurs et moi avions toutes vécu à l'intérieur d'elle durant neuf mois, je me demandais si nous aussi étions hantées. » Les hommes ne sont que source d'empoisonnement et provoquent des drames cataclysmiques. L'ambiance du récit est opaque et la prémisse de Sarai Walker sur les relations hommes/femmes est noire, anxiogène, désenchantée et pessimiste, comme si les deux sexes n'étaient pas destinés à pouvoir vivre ensemble. L'une des soeurs affirme même : « (…) et quant à notre mère… elle n'est pas extralucide. La vérité c'est qu'elle déteste les hommes. » Et lorsque l'on déteste les hommes, on est forcément assimilé à une folle…


Je vous recommande vivement de découvrir l'histoire des femmes de la famille Chapel dont le nom est issu d'une fabrique d'armes mais pourrait aussi inspirer une forme de calme et de solennité si on le traduisait par « église ». le bien et le mal se combattent à travers elles, au-delà d'elles, dans une traversée de l'existence pavée de fantômes, de parfum de roses et de femmes qui meurent au contact des hommes. « Qu'est-ce qu'il y a de génial à seulement vivre ? Je préfère être vivante. » « Les voleurs d'innocence » est un roman tout à fait envoûtant où les émotions s'entrelacent grâce à des personnages d'une belle densité et des problématiques d'un temps où les femmes étaient victimes d'un sort peu enviable et cantonnées au mariage comme seul avenir. Êtes-vous prêts à être vous aussi « Belindasée » ? Mais N'oubliez pas « Une vie sans amour n'est pas une vie. »
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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« Les Voleurs d'Innocence » est un de ces romans gothiques et vénéneux que n'auraient renié ni Mary Shelley et encore moins Emily Dickinson à laquelle Sarai Walker rend un hommage palpable. Il n'a pas été sans me rappeler « le Treizième Conte » ou certaines ambiances propres à Daphné du Maurier également…
Fleur étrange que ce roman qui sous ses airs de conte cruel, de légende macabre et vaporeuse constitue un vibrant plaidoyer féministe contre un patriarcat meurtrier et les années cinquante qui broyaient les femmes plus qu'elles ne les libéraient.
« Les Voleurs d'Innocence » chemine à rebours des contes de fées… Si Cendrillon, Blanche-Neige, Aurore et la Belle trouvaient dans le mariage l'épanouissement et la liberté, l'accomplissement et le bonheur, c'est la mort que trouvent les soeurs Chapel au moment où elles perdent leur virginité, le sang des noces devenant sang de mort…
Tout commence pourtant comme au pays des fées, par un château. le « gâteau de mariage » comme on l'appelle dans la famille est la vaste demeure gothique et inquiétante de la famille Chapel qui produit depuis des décennies les fusils du même nom. Nous sommes dans l'Illinois dans les années 1950 et les grandes dynasties nées d'un XIX°siècle industrieux ont encore pignon sur rue et vivent toujours dans ces demeures tarabiscotées à l'architecture complexe qui regorgent des souvenirs amassés par les précédentes générations. C'est à l'ombre de la demeure que grandissent les six filles de Mr. Chapel, six jeunes filles aux prénoms de fleurs qui ne voient presque pas leur père et qui ont avec leur mère, Belinda, une relation ambiguë. C'est que cette dernière, toujours vêtue de blanc et la chevelure dénouée est perturbée mentalement. D'aucuns diraient folle, ou hystérique. le terme était en vogue dans les années cinquante… Chaque jour, elle n'a de cesse de clamer que la demeure est hantée, que fantômes et esprits en ont pris possession et qu'à cela, rien d'étonnant, puisque la maison est bâtie sur le sang de ceux que les armes Chapel ont tué… Face à Belinda dont on apprend que sa mère est morte en lui donnant au monde et qu'elle n'aime guère son époux et sur qui repose une grande partie de l'ambiance gothique du roman (vous souvenez-vous de la femme de Rochester déambulant à la nuit tombée dans Jane Eyre et s'en prenant à la robe de mariée de l'héroïne ?) les six soeurs ont des réactions différentes… Les aînées la croient folles et n'écoutent pas ses malédictions, les plus jeunes l'aiment en la craignant…
Quoiqu'il en soit Aster, Rosalind, Calla, Daphné, Iris et Hazel grandissent, se construisent tant bien que mal dans le sillage de ces parents. A bien des égards, elles m'ont rappelée les soeurs Lisbon de « Virgin Suicides » et dans ces années cinquante encore si puritaines où faire carrière n'était pas une option, le mariage apparaît comme le seul destin enviable. Aster et Rosalind s'y précipitent comme elles se précipitent dans les bras de leurs prétendants.
C'est là que la tragédie s'invite, violente et inexorable…
Comme dans « Les Dix Petits Nègres », une à une et vêtue de leurs plus beaux atours, les soeurs Chapel à peine épousées meurent dans d'étranges circonstances, sans jamais écouter les malédictions de Belinda que son époux fait interner…
Seule Iris, qui un jour deviendra vieille et libre, échappera au destin qui pèse de son joug sur sa mère et ses soeurs, mais au prix de quel sacrifice…
Sarai Walker joue dans « Les Voleurs d'Innocence » avec les codes du roman gothique, de l'histoire d'épouvante et parvient à tisser une atmosphère lourde, oppressante, saturée de parfums et de fragrances, de fantômes et de terreurs. le malaise est présent, vif, à chaque page sous laquelle elle distille des questionnements féministes sous-jacents en dénonçant notamment le traitement des femmes au sein même du mariage, le viol conjugal, les tabous et de manière plus générale la méconnaissance et l'irrespect des hommes pour les femmes qui expliquaient alors tous les maux et les douleurs par le corps et la notion bien freudienne d'hystérie. Patriarcat et libération aussi sont au coeur de ce roman envoutant et inclassable qui se nimbe d'un érotisme certain au gré des fleurs peintes par Iris comme une autre Georgia O'Keeffe au moment où elle découvre sa propre sexualité…
Certes, « Les Voleurs d'Innocence » ne brille pas par sa subtilité mais il fascine et interroge, il hante en laissant planer fantômes et non-réponses, sang et mystères. C'est l'un de ses textes que l'on sent hanté lui aussi intrinsèquement, un texte qui déchire un voile qu'on voudrait oublier ou ignorer, qui dit dénonce sous couvert d'un conte cruel… mais les contes depuis toujours sont là aussi pour dire l'indicible, non ?
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La dynastie Chapel, une famille de fabriquant d'armes qui ont permis, depuis plus d'un siècle, de construit l'Amérique.

De la conquête de l'Ouest jusqu'au Vietnam les armes Chapel ont toujours été en première ligne pour « sauver » la démocratie.

Même Hollywood l'a célébré en 1950 dans le western « La Chapel 1870 : l'arme qui a conquis l'Ouest ».

Une histoire familiale et une généalogie lourde à porter pour les six filles Chapel et leur mère, enfermées dans une grande belle maison de la Nouvelle-Angleterre.

Une maison remplie du fantôme des victimes des armes Chapel ? Une maisons aux esprits maléfiques ?

Car sinon comment expliquer la destinée de cinq filles Chapel qui succomberont mystérieusement après avoir connu bibliquement un homme ?

Une malédiction qu'Iris Chapel, la seule rescapée de la famille a mis soixante ans à oublier.

Devenue une peintre célébrée dans le monde entier sous le nom de Sylvia Wren, l'artiste discrète, vivant loin du monde, va devoir affronter son passé.Fausse biographie de la célèbre plasticienne Georgia O'Keeffe qui mourut à près de cent ans au Nouveau-Mexique et de Sarah Winchester bru d'Olivier Fisher Winchester, l'inventeur de la mythique winchester 1873 qui, devenue veuve et héritière du fabricant d'armes, passa sa vie à construire une maison pour accueillir les fantômes des victimes des armes Winchester.

Cousine américaine des soeurs Brontë, Sarai Walker nous entraîne dans un conte cruel et féministe, un long poème gothique qui donne la part belle à Eros et Thanatos.

Mais c'est aussi et surtout une belle histoire de sororité entravée par le patriarcat toxique et systémique d'une époque que l'on espère révolue.
Lien : http://filou49.canalblog.com..
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