Citations sur Portées disparues : Une enquête du commissaire Jeanne Deb.. (8)
Chaque année, on comptait par milliers les disparitions d’adultes, et par milliers également celles concernant les mineurs, chez qui les fugues ne représentaient somme toute qu’une infime partie. Le pire, se dit-il, c’est que ces chiffres sont approximatifs, le haut de l’iceberg en quelque sorte. Mais que devenaient tous ces gens qui disparaissaient ?
Les jours se suivaient, tous aussi mornes les uns que les autres. Pas un qui ne soit plus ou moins morne que les précédents ou les suivants. Non, même la morosité était lisse d’ennui, de platitude.
Seule la lecture, alors, me redonnait vie, tout en renforçant en moi cette impression d’inexistence, de vacuité. Seule mon attraction pour l’occulte et l’ésotérisme, les ténèbres et la mort, me permit de franchir le seuil d’un jour à l’autre.
Une rencontre a suffi pour changer ma vie. Comme s’il fallait, pour me sentir exister, que je m’incline devant une intelligence supérieure à la mienne.
Aujourd’hui, je suis tellement horrifié, effrayé aussi. Pourtant je ressens toujours cet attrait, cette exaltation intolérable et dévorante pour… NON ! Ne plus prononcer son nom… Désormais, ce sera : l’Autre.
Insondable. Insaisissable.
Ni âge, ni sexe, ni nom.
Juste une forme qui me mène à ma perte. Une ombre dont je ne dirai rien, du moins pour l’instant. Par peur de ma propre peur.
Depuis l’avènement de l’euro, la circulation des individus et des devises posait un sérieux problème aux différents états de la communauté européenne.
Jeanne souffrait d’une hypertrophie de l’odorat que les années n’atténuaient pas. Si la plupart du temps cette finesse de l’odorat l’indisposait, elle admettait qu’elle s’était révélée bien souvent être un atout précieux, spécifiquement dans son métier. Parfois, aussi, un réel plaisir.
Mais être capable de percevoir, d’identifier et de séparer, pour ainsi dire, chaque odeur les unes des autres, en les respirant toutes simultanément, cela n’avait rien d’une sinécure.
Les gens d’ici sont piaffants, vêtus de noir et pétris d’une culture millénaire. Les hommes sont timides et rustres, mais entreprenants. Les femmes ne pensent qu’à me faire manger. Trop mince, me disent-elles, trop longue. Trop d’os. Il faut de la chair pour garder un homme, bella mia.
Là où je vis, les femmes ne sont pas encore autorisées à se promener seules. Sauf si elles sont mariées. Impression d’un autre temps, archaïque et lointain. Quant aux hommes, c’est à croire qu’ils vivent sur la place du village.
À chacune de mes sorties, ils sont là, ne font rien d’autre que de m’observer en silence. Sans mépris. Sans passion. Juste en silence. Au début, je me sentais mal sous leurs regards, francs et insistants. J’avais le sentiment de traverser la place complètement nue.
Reprendre, ça veut bien dire qu’on s’est fait dérober quelque chose…