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« L'homme est conçu dans le péché et élevé dans la corruption, il ne fait que passer de la puanteur des couches à la pestilence du linceul. Il y a toujours quelque chose à déterrer. »

Après Karoo, il était plus que temps de retourner se frotter à un grand animal ! Un grand animal et pas seulement, car Tous les hommes du roi a tout de même remporté le prix Pulitzer en 1947. En toute simplicité.

Quelques lignes suffisent pour flairer que la bête tient du chef d'oeuvre. La beauté de l'écriture, elle vous prend tout de suite, elle vous prend là, sur cette route entre les champs de coton. Voilà que vous filez comme une comète dans la Cadillac noire aux côtés du Boss et de sa garde rapprochée pour les 650 prochaines pages.

Impossible de contenir ce grand roman tout en lui rendant justice en quelques caractères. Lisez-le, vivez-le. le style éblouit autant que le soleil qui cogne dur sur les états du Sud. L'histoire se fait kaléidoscope : c'est une tragédie, une saga politique et son ascension à l'américaine, une quête d'identité, une réflexion historique et philosophique. Peut-on faire le Bien sans se salir les mains ?

« L'individu moralement bon est susceptible de commettre une action qui est mauvaise. Un homme doit peut-être vendre son âme pour pouvoir obtenir le pouvoir de faire le bien. »

Et s'arrêter là, ce serait oublier tous les hommes du roi, ces portraits croqués par le cynique Jack Burden : Willie Stark, lancé dans la course au Sénat depuis la boue d'une ferme ; Tiny Duffy, l'obèse souffre-douleur qui attend son heure ; Sadie Burke, l'assistante au caractère hautement inflammable ; Adam l'idéaliste, Irwin l'intouchable, Anne l'amour de jeunesse, Sugar Boy l'as de la gâchette et du volant… oui, tous ces hommes du roi qui, en coulisses, se préparent à jouer le drame à venir.

Ai-je précisé que j'ai aimé ?
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« Tous les hommes du roi » de Robert Penn Warren embarque le lecteur dans les années 30, dans le sud des États-Unis. Willie Stark dit le Boss, ancien homme du peuple et idéaliste devenu gouverneur. Pour arriver à ce poste, il lui aura fallu se muer en populiste sans scrupule, et user de méthodes que la morale réprouve. Mais il n'aurait jamais pu se maintenir si longtemps et si haut sans l'aide de sa clique. Son porte-flingue et chauffeur, Sugar Boy ; sa secrétaire implacable et intransigeante, Sadie Burke ; et le journaliste qui fut d'abord chargé d'enquêter sur lui et qui devint son homme à tout faire (et accessoirement narrateur de notre histoire) en la personne de Jack Burden.

C'est à ce dernier que Stark va demander d'enquêter sur le passé de l'incorruptible juge Irwin - unique obstacle à son accession au mandat de sénateur. Dans la pensée du Boss, il y a toujours quelque chose à déterrer du passé de quelqu'un. Ou pour citer cette phrase du même Stark, mise en exergue de la splendide édition de chez Monsieur Toussaint Louverture : « L'homme est conçu dans le péché et élevé dans la corruption, il ne fait que passer de la puanteur des couches à la pestilence du linceul. »

C'est toujours une gageure que de réduire, l'immensité et la richesse d'un roman, à une critique composée avec si peu de caractères.

Ceux qui me suivent depuis un moment doivent savoir la place que tient la littérature américaine dans mes lectures. J'apprécie plus particulièrement la capacité qu'ont les auteurs américains d'intégrer dans leurs écrits l'Histoire de leur pays et ses conséquences d'un point de vue sociologique et psychologique. La manière que cette dernière impacte la psyché de la population, sans pour autant tomber dans un discours unidimensionnel, larmoyant et indigné (une spécificité devenue… hélas ! bien française). Chez Robert Penn Warren, cela se manifeste par des personnages sous l'emprise de tiraillements intérieurs. Ils portent en eux la responsabilité collective de l'esclavage, et sont les grands perdants de la guerre de Sécession, cela se répercute au quotidien dans leurs actions, dans leurs choix.

Si le nom de Robert Penn Warren demeure assez confidentiel dans nos contrées, il est reconnu comme l'un des plus grands écrivains américains du siècle dernier. Une oeuvre littéraire récompensée de trois prix Pulitzer, dont deux rien que pour sa poésie. L'auteur fut à la fois romancier, poète, critique littéraire, essayiste et universitaire. En résulte dans son oeuvre romanesque une prose poétique aux questionnements métaphysiques et philosophiques. Comme tous les auteurs intelligents, il a une gestion de la narration qui lui est propre. Il s'amuse à perdre le lecteur dans des digressions - pour mieux le retrouver plus tard. Contrairement à ce que laisserai paraître son résumé ; « Tous les hommes du roi » n'est pas un roman sur les rouages de la politique. Il questionne avant tout l'individu face à son passé, sa manière de gérer les bons comme les mauvais éléments et de l'incorporer dans un héritage historique collectif problématique.

Un très grand roman et un sérieux candidat à ma lecture de l'année 2024.
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Mlle Alice, pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Tous les Hommes du Roi ?
"Je suis toujours très attirée bien sûr par ces éditions de Monsieur Toussaint Louverture et après avoir examiné les différentes possibilités, j'ai fini par choisir celui-ci, mais les autres restent sur ma wishlist."

Dites-nous en un peu plus sur son histoire...
"Dans les années 30, alors que Willie Stark n'était au départ qu'un pantin dans les mains des huiles de l'État, il finira par tous les prendre de court et devenir gouverneur. Et qui mieux placé que l'ancien journaliste, Jack Burden, son bras droit, pour raconter son histoire..."

Mais que s'est-il exactement passé entre vous ?
"J'ai beaucoup souffert au cours des premières pages. Les 300 premières pages. C'est peut-être un peu exagéré parce que tout est interessant et qu'on a du mal à se décoller du récit, que ce n'est pas le genre de longueur qui nous pousse à sauter des passages sans arrêt, mais il y a de quoi écrire au moins trois romans différents avec celui-ci. Ma conviction que 99% des pavés mériteraient d'être raccourcis se renforce encore. Pour autant, je n'ai pas regretté ma persévérance. Même si on sait pertinemment que tout ça va très mal finir, même si l'ambiance est plus celle d'un roman de gangsters que celle d'une fresque politique, j'ai vraiment aimé la seconde partie. La plume de Robert Penn Warren sait vraiment vous captiver avec une multitude de détails sans importance, plantant son décor de manière hypnotique. Mais cette impression s'attachait aussi aux personnages, leur conférant une dimension irréelle que j'ai moins aimé et comme aucun ne m'était vraiment sympathique, il m'a quand même manqué un petit quelque chose jusqu'au bout."

Et comment cela s'est-il fini ?
"La fin, c'est l'apogée de ce récit, comme toute fin de roman devrait l'être. Chaque élément avait été planté là à dessein pour nous amener jusqu'à ce dénouement soigné. Rien n'a été laissé au hasard."
Lien : http://booksaremywonderland...
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Pour utiliser une expression déjà relevée : un livre-monde.
Trop peu connu en France, l'auteur appartient à la catégorie des « lourds » dans la littérature américaine (grand universitaire et trois Prix Pulitzer, quand même…). Il peut être rattaché à la littérature dite « sudiste ».
« Tous les hommes du roi » a été publié juste après la dernière guerre mondiale. Un ancien journaliste (Jack Burden), devenu confident et assistant d'un homme politique au parcours trouble mais fulgurant (le Gouverneur Willie Stark), relate son expérience de la proximité du pouvoir et la replace dans le cours de sa propre vie. La narration est vive, un peu inspirée par le cinéma (le livre donnera lieu à un film, encore moins connu que le livre). Les faits se déroulent dans un « Sud » assez peu précisé., dans les années 1930. Une sorte de malédiction plane – thème très « sudiste » - dans cette tragédie traitée à « l'antique ».
Sauf à être né de la dernière pluie, le lecteur n'apprendra rien des turpitudes de l'exercice du pouvoir dans la démocratie américaine. L'intérêt du livre est ailleurs : dans la conception du monde dans lequel s'inscrit le récit, dans le traitement des événements, dans une vision de l'Histoire.
Rousseauistes ou calvinistes convaincus, théologiens conformistes, marxistes authentiques, abstenez-vous ! L'homme n'est ni bon ni mauvais et s'il lui arrive de faire le Bien, c'est à partir du Mal. le Bien et le Mal sont en permanente interaction et cela dès la Création ! L'Histoire n'a aucun sens ! Bref autant de sujets que notre actualité appelle fortement à méditer.
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Chopé au hasard dans les rayons de ma bibliothèque, ça m'aura permis de découvrir un auteur américain peu connu chez nous (qui a pourtant eu trois Pullitzer) et d'être absorbé par cette tragédie grecque qui a pour décor le Sud des États-Unis des années 30.

Politique, amour, corruption, trahison, pouvoir scellent cette histoire composée de personnages que vous n'êtes pas prêts d'oublier, entre l'homme politique populiste qu'est Willie Stark, ou l'antipathique Jack Burden.



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C'est dans ce pays que le moteur à explosion a pris son essor, que chaque garçon se prend pour un pilote, et que les filles portent des tissus légers, de l'organdi ou de la batiste brodée, mais pas de culottes à cause du climat, et affichent des petits visages angéliques à te briser le coeur. Et quand le vent s'engouffre dans l'habitacle et fait voler leurs cheveux, tu découvres des petites perles de sueur nichées près de leurs tempes. Bien enfoncées dans leur siège, leur dos gracile un peu courbé, elles lèvent leurs genoux pour profiter de l'air frais, si on peut dire, remontant du ventilateur sous le capot. Dans ce pays, les odeurs d'essence, de freins qui chauffent et de mauvais alcools semblent plus suaves que la myrrhe.
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Tous les hommes du roi décrypte l'échiquier politique, et les coups administrés pour arriver au sommet.

S'ancrant dans le sud des États-Unis pendant les annés 30, il confronte deux figures antinomiques. Willie Stark (le Boss), ancien paysan devenu gouverneur populiste, symbolise la malhonnêteté et l'improbité n'hésitant pas à employer des méthodes peu orthodoxes pour arriver à ses fins. Face à lui, le juge Irwin symbolise l'honnêteté et la droiture et n'a à priori rien à se reprocher.

Néanmoins, ce tableau manichéen vole en éclats lorsque le boss mandate Jack Burden, narrateur désabusé et cynique, pour trouver une faille dans l'histoire du juge. Spectateur privilégié étant proche des deux personnages, il agit comme une conscience en apportant une réflexion originale sur les paradoxes de la moralité à travers l'opposition entre le bien et le mal. Les deux notions étant intrinsèquement liées, elles dialoguent et s'alimentent respectivement.

Ces 637 pages sont vertigineuses tant elles introduisent une pensée philosophique complexe sous des abords simples. Un véritable monument de la littérature américaine.
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Ce livre, j'ai mis énormément de temps à le lire. Au final, j'en ai sans doute mis tout autant à en écrire la chronique ! Pourtant je l'ai adoré, mais ma relation avec lui est conflictuelle.

C'est bien simple, j'ai détesté le format papier qui m'épuisait les yeux, car très condensé et en police très petite. Je l'ai donc mis sur ma liseuse, qui un jour m'a supprimé mon marque-page … Au final, l'écriture de l'auteur est magnifique, mais tellement recherchée et bien tournée qu'il faut prendre son temps pour bien l'apprécier. Je crois donc avoir mis près d'un an à le finir ce fameux roman !

Mais bon, bref, anecdote passée, c'était un moment incroyable.

Tous les hommes du roi, ce sont ceux sur qui s'appuie un homme politique, le Boss, pour tirer les ficelles et arriver à ses fins. Quand je dis cela, ce n'est pas de façon négative, loin s'en faut, car le Boss a un rêve. Il veut construire un hôpital, offrir un lieu sûr où les enfants pourront venir se faire soigner le mieux possible dans une Amérique où le profit passe avant l'humain.

C'est le combat qu'il a décidé de mener, et nous suivons ses pérégrinations pour y arriver avec le narrateur Jack. Quel homme ce Jack ! Franchement, son cynisme, son je-m'en-foutisme et sa façon de toujours rendre service en s'oubliant lui-même à cause de sa bonne éducation font de lui un personnage inoubliable. Il a de réels discours et réflexions philosophiques tout au long du roman, de quoi nous faire réfléchir et réagir avec lui.

Alors qu'il est chargé par le Boss de déterrer un secret sur un homme blanc comme neige, c'est finalement sur lui-même et sur sa vie que Jack va déterrer des choses. Une enquête américaine qui devient personnelle et quasiment mystique. En quête de pouvoir, mais contre la corruption, le Boss va tout faire pour devenir l'homme politique idéal et parfait qu'il rêve d'incarner, et qu'il voit dans les yeux de ses hommes. Tel un roi, au-dessus des autres, il fait valoir la justice et le bien des plus faibles que lui. Mais à quel prix ?

Je n'ai que deux mots : LISEZ-LE !
Lien : https://cenquellesalle.wordp..
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TOUS LES HOMMES DU ROI de ROBERT PENN WARREN
Le roi, c'est Willie Stark, le gouverneur, enfant humilié, qui ve trouver sur sa route le juge Irwin, l'intègre juge, mais l'est il vraiment ? Tout le monde a quelque chose à cacher. Alors les hommes du roi vont chercher, plus précisément Jack Burden, le narrateur, un rien cynique, fils d'une riche famille dont il préfère ignorer l'argent. Il y a aussi Sadie Burke, qui a mené Stark au sommet et qui sent qu'il lui échappe, et Duffy le souffre douleur et Sugar Boy le chauffeur qui bégaye, porte un flingue en permanence et braille « batârd »à tous les automobilistes qu'il croise. Il y a encore Anne Stanton qu'aime Burden, et Adam Stanton son frère tous très liés par l'enfance et l'argent.
L'enquête de Burden, faite de sauts dans le passé, révélera progressivement les uns et les autres et nous fera entrevoir la vie politique en Louisiane, dans la chaleur moite du Sud dans les années 30. C'est un très grand livre, une oeuvre intemporelle, une écriture puissante, remercions Monsieur Toussaint Louverture pour cette réédition somptueuse.
Prix Pulitzer 1947 pour ce livre, 2 fois prix Pulitzer pour de la poésie, Robert Penn Warren est un des grands noms de la littérature américaine.
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"House of cards" avant l'heure, difficile de croire que ce livre date de 1947. Son premier mérite est de rester accessible et passionnant malgré une intrigue complexe et des protagonistes multiples. le pouvoir corrompt et tout le monde a quelque chose à se reprocher sont les deux postulats qui vont couronner les uns et détrôner les autres. Mais à la fin chacun aura un peu (beaucoup) perdu de son âme. Un récit palpitant qui n'a pas pris une ride, du très bel ouvrage...
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