J' ai pensé à l' odeur de craie et de vieux papier. Aux interminables matinées passées entre la volubilité des adultes et l' angoisse indéfinie des enfants.Est-ce que cela me manquait? La cloche de l' école interrompant continuellement la moindre pensée féconde ou le moindre mouvement de joie.(p57)
J'ai eu la nostalgie de ma vaste et misérable chambres d'hôtel avec deux grandes fenêtres. La nostalgie de la lumière éblouissante. De la térébenthine. Du mélange de couleur bleue. Pour les narines. Légèrement rose avec un peu de gris autour de l'orbite des yeux. Pas trop de gris. Pas trop de rouge. Pas de jaune. Plutôt du brun. Dans la commissure des lèvres.
Lentement, j'ai rangé le matériel dans mon sac. Puis j'ai penché mon visage tout près de celui de l'homme. Seulement un instant.
Cette sensation, c'était comme de boire de l'eau d'un torrent qui laisse un goût métallique dans la bouche. De terre et de glace, de plantes mortes dans les tourbières depuis des milliers d'années. Transformées en eau fraîche.
Dans les Ecritures on dit que Dieu, en créant le monde, avait pour finir, et pour enfin se reposer, séparé l'eau des terres le septième jour. C'était curieux de penser que cette manière de mesurer le temps était encore prise au pied de la lettre par certains. Ceux-là devaient cependant bien voir que Dieu n'avait pas fini son travail.
Le désir éhonté que les gens éprouvent à commettre des œuvres d'art est vraiment pathétique.
Cette joie créatrice, s'il faut l'appeler ainsi, s'exprime par tellement d'horreurs auxquelles on se trouve confrontés !
Il arrive même qu'on nous demande ce que l'on en pense.
Il n'y avait pas eu beaucoup de désirs dans ma vie. Plutôt des nostalgies. Les désirs, il faut les assouvir, tandis que les nostalgies, on peut les conserver comme des sachets d'épices dans un tiroir. L'arôme s'en dégage chaque fois qu'on ouvre le tiroir. Le parfum ne disparaît que progressivement. Et le jour où il a disparu quand on ouvre le tiroir, on ne s'en aperçoit même pas.
Les désirs, par contre !
J'étais une vieille poupée de chiffon. Sortie droit du grenier de l'enfance et, au dessus de l'échiquier, je pendais au bras de la femme en blanc et essayais de gagner ses bonnes grâces en la chatouillant de mes cheveux de laine. La poupée en chiffon avait un trou à la tête et des mains de toile sale qui pendaient désemparées ça et là. Elle portait les marques des mains brutales qui l'avaient jetée dans un coin.
Quand on comprend et qu'on sent que déjà dans cette vie on est lié à l'infini, les désirs et les attitudes changent. En fin de compte, nous ne sommes quelque chose qu'à cause de l'essentiel, et si nous ne le sommes pas, la vie est inutile."
"Là il était écrit : 'Tout peut s'arranger quand l'intelligence n'est pas sous l'empire des sentiments - il n'en est pas moins vrai que c'est une névrose.