Citations sur Chevaux de foudre (11)
Il n'était pas difficile de prédire ce qui l'attendait, elle aussi serait exploitée, battue comme cet enfant... Peut-être valait-il mieux en finir tout de suite, mourir de façon éclatante mais libre, plutôt que vivre une existence désespérée.
_ Tu insistes avec ça? Je n'ai pas besoin d'être sauvée, rétorqua-t-elle en un murmure buté. Je peux me débrouiller seule.
_ Je sais, mais je veux t'aider.
_ Pourquoi? Je ne veux pas que tu sois impliqué.
_ C'est trop tard, énonça-t-il d'un air penaud.
Ils se dévisagèrent et Alix comprit soudain qu'il était en train de lui faire une déclaration.
Elle ne craignait rien, même pas l'orage. Les battements de son coeur ralentirent. Ses tremblements s'espacèrent. Elle commençait à se sentir mieux, lorsque la foudre se fracassa sur leur charrette.
Alix continuait de lui parler, concentrée sur lui. Plus rien n'existait autour d'elle. Elle nouait un lien ténu avec l'animal. Un fluide passait entre eux. La courte respiration du fulgur s'approfondit et il cessa de secouer la tête.
Elle tendit le bras. Ses doigts survolèrent la peau douce et sensible de son nez, prenant garde à ne pas effleurer les horribles blessures que lui avait infligé le fouet. Elle enfouit ses mains dans les crins rêches de son toupet. Le cheval s'immobilisa ; ils se regardèrent, les yeux dans les yeux.
« Tu peux choisir la vie. Si nous mourrons, alors nos pères mourront de nouveaux avec nous. Aujourd’hui tu peux te souvenir du tiens. »
- tu peux vivre, reprit Marcus avec conviction. Tu peux choisir la vie. Si nous mourons, alors nos pères mourront de nouveau avec nous. Aujourd'hui, tu peux te souvenir du tien.
_ Nous pourrions nous enfuir tous les trois. Avec ton aide...
_ Bien sûr que non, sourit Marcus.
Alix ne comprit pas ce qui l'amusait. Encore moins lorsqu'il précisa:
_ Nous finirions crucifiés ou jetés aux loups dans le cirque. Je suis sous contrat et toi, tu es esclave. Nous n'irions nulle part.
_ Personne ne devrait accepter d'être esclave.
Le moment de grâce éclata en mille morceaux lorsque l'homme au fouet la saisit par l'épaule, la projeta au sol, et attrapa le fulgur par la crinière.
_ Le collier de Faraday! ordonna-t-il.
Ses acolytes se précipitèrent vers lui avec un immense collier en métal, rigide, circulaire. L'anneau gigantesque roula autour de l'encolure du cheval et s'y fixa, flottant comme en apesanteur. L'électricité contenue dans le corps de la bête flamboya, mais le collier l'absorba. Le fulgur poussa un hennissement de rage et de désespoir. L'acier aspirait son énergie; il le vidait de ses forces.
Saisie d'une intuition, elle leva les bras. Une fois, deux fois. Le cheval se cabra et elle éclate de rire. Soudain elle se sentit très vivante et pleine de joie. Elle rit, courut avec l'animal, libre enfin. Rien ne l'entravait. Personne ne lui criait dessus ni ne lui donnait des ordres. Elle jouait, légère, et le colosse folâtrait à ses côtés.
Une montée de colère, terrible, chauffa les joues d'Alix. Ses yeux se remirent à picote, elle serra les paupières. Au moins sur ce point, Flaccus avait raison, verser des larmes ne lui serait d'aucun secours. Elle était esclave désormais, il fallait qu'elle s'y fasse... Sa vie, c'était Rome, l'écurie, le travail en silence, la faim, les coups et les moqueries. Tout ça, tous les jours jusqu'à sa mort.