4.5 étoiles. Peut être 5. Ca dépendra de comment mon avis évolue avec le temps.
C'est rare que je lise un livre qui tourne autour d'une murder party. le principe est intéressant, et je suis ravie d'avoir pu me plonger dans une lecture comme celle-ci. Etant donné que c'est un genre qui incite au huit-clos, on se trouve prêt à entrer dans un monde qui demande à ce que l'on s'intéresse à ses personnages et à leurs caractères, leurs défauts, qualités, mais surtout : leurs faiblesses. La spécialité de
Voyage of the Damned, c'est d'abord que le livre place dans un monde fantastique où les héritiers de douze provinces ont des capacités. Il y a une hiérarchie stricte qui permet d'évaluer l'importance de chaque province (et donc de son héritier) : tout en haut se trouve les Dragons, et tout en bas, les Poissons.
le risque que prend le livre, c'est de nous donner une carte du monde et de nous donner de larges détails sur le wordbuilding, puis de nous laisser sur un bâteau qui ne permettra pas d'explorer ce monde. C'est un univers que l'on découvre par ses personnages et surtout par le protagoniste principal, et c'est donc à travers témoignages et narrations que l'on se fait une idée du monde comme il est perçu par ses habitants.
J'ai beaucoup aimé. Il y a des points d'intrigue auxquels je n'ai pas adhéré, mais cela s'arrête là pour les points négatifs selon moi. Tout le reste est au rendez-vous. La construction du monde à travers ses personnages est très bien réalisée et permet un style unique de narration. Tous les personnages que l'on rencontre, à l'exception de trois ou quatre qui ne sont pas au centre de l'intrigue, sont attachants et possèdent des traits de caractères uniques qui nous permettent de les différencier et de les apprécier pour leurs différences. le principe des capacités cachées constitue un élément appréciable également puisque cela ajoute une couche de mystère (et une bonne partie du récit, je n'ai fait QUE me poser des questions sur l'essence des capacités de chacun). le rythme est fluide, l'autrice pose les descriptions lorsqu'elle en a besoin et la narration est rapide, ce qui donne au style d'écriture une pâte appropriée pour le genre de la « murder party ». J'ai lu la moitié du livre en une session lecture et je ne me suis jamais ennuyée, je n'ai pas non plus relevé de longueurs qui auraient affaibli le récit.
Si vous voulez une analyse un peu plus approfondie des quelques points que j'ai relevé, la voici :
L'univers : Il est vraiment bien construit. L'empire de Concordia n'est pas non plus un monde de high-fantasy, mais je suis ici forcée d'admettre qu'il est parfait pour le type d'oeuvre que l'autrice a voulu écrire. A aucun moment je n'ai douté de la véracité de l'univers puisque tout est expliqué. A la fin du livre, j'aurai même voulu en voir un peu plus sur les habitats respectifs de chacun des héritiers. Les provinces ont toutes un rôle différent au sein de l'empire et permettent d'explorer la cohésion du monde, en abordant même les différences culturelles de chaque région, et ce, dès le début du livre.
Les personnages : Bien que le protagoniste, Dee (ou Ganymèdes) soit celui avec lequel nous passons le plus de temps, j'admets avoir eu un faible pour bien d'autres personnages. J'ai apprécié Dee pour ses faiblesses, mais sa narration est peut-être parfois un peu trop sur le ton de l'humour. Je pense que certains pourraient le trouver très agaçant avec sa personnalité over the top et dramatique, mais ça constitue aussi un contraste glaçant lorsqu'il se doit d'être sérieux. C'est le genre de personnage qui peut se montrer aussi attachant qu'ennuyeux, mais je ne regrette pas de lui avoir donné une chance alors qu'il me rebutait en début de lecture.
le reste des personnages m'a beaucoup plu. J'ai adoré les personnages de Shinjiro et Nergüi (mes préférés). Eudora était aussi l'un de mes coups de coeur, comme Tendai et Leofric. Bref, je viens de citer la moitié des personnages intégrés à l'histoire, ce qui prouve que l'autrice a réussi à me faire éprouver beaucoup d'intérêt et d'appréciation pour eux. J'aime beaucoup comment elle arrive à les intégrer dans son monde : ils sont à la fois représentatifs de leurs cultures respectives, et certains se montrent pourtant assez différents ce qui les cimente en tant qu'humains avec de réelles émotions.
L'intrigue, le mystère, le genre : Bon. le livre tient ses promesses. C'est effectivement un voyage des damnés, puisqu'un meurtre a lieu et les personnages vont devoir élucider le mystère qui plane à bord du navire. Puisque les personnages se connaissent plus ou moins bien (et c'est un point fort qu'il faut également ajouter avec ceux précédemment cités, puisque certains d'entre eux ont des relations pré-établies), le but du livre est de nous pousser à nous questionner sur les moralités de chacun, en cherchant à découvrir leurs intentions, bien sûr, mais aussi leurs capacités. J'ai trouvé l'approche très intéressante, puisque le personnage principal est le seul à ne pas posséder de pouvoirs, ce qui le rend bien différent des autres et le place dans une situation précaire : il a beaucoup plus à craindre que le reste des héritiers.
Je trouve qu'un livre qui se base sur une enquête gagne automatiquement des points si le mystère peut être solvable sans que l'on nous donne la solution (et donc, si l'auteur nous donne suffisamment d'indices afin que l'on puisse se prêter au jeu et deviner ce qui s'est déroulé). Ici, c'est le cas. Je n'ai pas réussi à identifier le personnage qui a commis le crime parce que je me suis précipitée dans la lecture, mais il y a des points d'intrigues importants que j'ai vu venir et je considère que c'est une qualité. Parce que la narration nous donne les cartes pour que l'on parvienne à comprendre ce qu'il s'est passé, sans que ça ne tombe dans le « prévisible ». Cette manière de faire complimente l'univers.
Le seul point que j'ai trouvé dommage ne pourra pas être abordé ici sous peine de divulguer l'intrigue, mais honnêtement, ça ne m'a pas non plus empêché d'apprécier le reste du livre. Je recommande vivement ! Donnez lui une chance, même si la narration peut être un peu perturbante, le livre en vaut la peine.