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Critique de Nastasia-B


Dans L'Importance D'Être Constant, Oscar Wilde revisite et revitalise la longue tradition théâtrale du quiproquo, je dirais " à l'italienne ". C'est une comédie légère et vive, comme l'étaient ses aînées de la Commedia del'Arte, mais où les arlequins sont des dandys anglais et où le caustique des répliques rappelle plus Tchékhov que Goldoni.

La pièce est fondée sur un jeu de mots, qu'on a réussi à restituer tant bien que mal en français mais qui doit manifestement poser quelques problèmes dans certaines langues. En anglais le mot " earnest " évoque évidemment la constance, mais également la sincérité, la fidélité, l'honnêteté, la fiabilité, le sérieux. C'est à la fois un nom et un adjectif et cela résonne étrangement comme le prénom Ernest. En français, les traducteurs ont trouvé la petite pirouette du " constant " mais dont l'effet sonore et sémantique est différent.

Vous avez compris que tout du long de cette comédie en quatre actes, Wilde va jouer sur l'ambiguïté de ce mot car, les deux protagonistes principaux, Jack et Algernon, deux dandys célibataires jouisseurs de l'aristocratie britannique de la fin du XIXème utilisent un procédé similaire pour s'extraire des impératifs familiaux et/ou mondains.

Algernon s'est créé un ami fictif, Bunbury qui est toujours plus ou moins mourant et qu'il doit absolument aller visiter, tandis que Jack, qui est orphelin et qui n'a donc pas de famille très proche, utilise quant à lui un frère imaginaire et débauché prénommé... eh oui !, Ernest, c'est-à-dire Constant dans la version française.

Que ce soit Bunbury ou Constant, le prétexte est surtout utilisé soit pour échapper à des obligations que les jeunes hommes jugent assommantes, soit, et c'est manifestement le cas le plus fréquent, pour aller conter fleurette à quelque charmante demoiselle sans espoir de lendemain.

Or, bien conscients de l'infidélité réciproque de leur ami, aussi bien Jack qu'Algernon commencent à voir rouge lorsqu'ils s'aperçoivent que l'un s'intéresse un peu trop à la cousine de l'autre et que ce dernier s'intéresse quant à lui à la pupille du précédent.

Nous avons donc droit à une construction parfaitement symétrique et croisée très artificielle, d'ailleurs, de plus en plus artificielle à mesure qu'on s'avance dans la pièce, ce qui, fait suffisamment rare pour être mentionné, n'est absolument pas gênant. On voit arriver les choses gros comme un camion, mais c'est manifestement fait exprès.

Oscar Wilde semble se ficher éperdument que sa pièce ait l'air crédible ou pas, c'est un divertissement qu'il souhaite, c'est placer des bonnes répliques, c'est imprimer un style, c'est se faire plaisir tout en nous faisant plaisir.

Le seul hic, pour Jack, c'est qu'il a eu la légèreté de prétexter autour de lui qu'il se rendait au chevet de son frère Constant et, parallèlement, pour ne jamais trop s'engager auprès des femmes, il s'est fait passer auprès de Gwendolen qu'il aime maintenant vraiment, comme étant également Constant.

Sachant qu'en plus le rusé Algernon ne recule devant aucun stratagème pour pouvoir approcher Cecily, la pupille de Jack, il est fort possible que lui aussi se fasse passer pour Constant. D'où l'importance du titre pour la bonne intelligence de la pièce.

En somme, un bon divertissement, avec quelques passages assez drôles, quelques piques lancées ici ou là de la part De Wilde à la société de son temps, quelques petits coups de pieds dans les fourmilières et puis c'est tout car cette pièce n'a probablement pas beaucoup d'autres ambitions cachées. Faire parler d'elle à l'époque, choquer un petit peu ses contemporains, faire le buzz comme on dirait aujourd'hui, mais de là à y percevoir une critique sociale forte et structurée, c'est justement tout ce que l'auteur semblait ne pas vouloir être " sérieux " (earnest). Mais ce n'est bien entendu que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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