AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 69 notes
5
5 avis
4
7 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est le deuxième livre de cette auteure, après Oss. Je retrouve son écriture fluide, poétique et prenante, son imaginaire profondément dérangeant, ces personnages tordus et étranges… Les Sangs m'a tout de suite fascinée. À peine avais-je commencé à lire quelques lignes que j'ai accroché. Pari gagné pour l'auteure !

Audrée Wilhelmy s'attache à dresser le portrait d'un homme, Féléor Barthélémy Rü, au travers des femmes qu'il a connues. Riche, puissant, beau, énigmatique, il a tout pour plaire. Mais ce sont les femmes qui prennent la parole pour le raconter. En parallèle, elles racontent leur histoire à elles. Leur vie, leurs désirs, le sexe, surtout, et leur mort.
Le récit est découpé en sept parties, chacune au nom d'une des protagonistes. On commence avec une courte description du personnage, puis elle raconte à la première personne son aventure avec Féléor ; et parfois son enfance pour expliquer une partie de sa personnalité. Cela peut prendre la forme d'un journal intime, mais aussi de lettre adressée aux morts ou à Féléor. À la fin de chaque partie, ce dernier parle à la première personne et donne sa version des faits. Et là, surprise ! On constate qu'ils ne sont pas tout à fait les mêmes – ou que certaines choses ont été passées sous silence. Les filles se laissent parfois emporter par leurs lubies, leurs désirs, elles perdent le sens de la réalité – à l'image de Mercredi. Cela donne matière à réfléchir sur la subjectivité de chacun. Nous déformons la réalité, qu'on le veuille ou non, car nous l'interprétons malgré nous.

Selon la femme avec qui est Féléor, la relation qu'ils auront prendra des tons de manipulation, de sadomasochisme, d'inceste… Il y en a pour tous les goûts, et le moins qu'on puisse dire, c'est que sa vie n'est pas triste ! Au début des accidents, puis des lubies de ses femmes, les meurtres de ses compagnes deviennent habituels. Féléor finit même par y prendre goût.

Le procédé d'écriture est étrange, mais innovant et très intéressant. Parfois presque inquiétant. Les personnages sont…bizarres. Mais ils restent réalistes, humains – contrairement à certains livres où on ne parvient plus à s'y retrouver, tellement ils sont exagérés et leurs pensées, erratiques (comme Quai Ouest, de Koltès ou Nightfall, de David Goodis). Ils ont tous une certaine profondeur ; à l'exception de Phélie, que je trouve trop ressembler à Abigaëlle.
On a beau se voiler la face, mais les désirs que décrit l'auteure peuvent prendre part en chacun de nous, on peut se les approprier. Même si certains sont tellement horribles que ça donne plutôt envie de vomir – je pense notamment au moment où Féléor lèche et mord le pied d'Abigaëlle pour goûter ses plaies et faire exploser ses cloques entre ses dents... Gloups. À mon avis, c'est un des passages les plus marquants de ce livre (c'est pourquoi il est en citation).

J'ai aussi remarqué quelque chose d'intéressant : le premier amour de Féléor s'appelle Mercredi, et le nom de famille de la dernière est des Cendres. On dirait une connotation chrétienne, d'autant plus qu'on ne connaît pas le nom de famille de Marie et que ce n'est qu'en regardant la table des matières qu'on peut le remarquer. Mais d'après l'auteure ce n'est pas voulu. Et « c'est dans ces moments qu'on se découvre plus intelligent qu'on ne le croit ».

Ce livre fait partie de mes coups de coeur. Il est dérangeant et original, mais c'est ce qui fait sa particularité. J'ai accroché aux personnages, j'ai accroché à l'écriture fluide de l'auteure, j'ai accroché à l'idée : si vous êtes prêts à tenter l'aventure, je vous le recommande ! :)
Commenter  J’apprécie          100
Ça faisait longtemps que je voulais lire un livre pareil: une sorte d'empire des sens d'Ôshima, l'amour poussé jusqu'à la mort, associé à la légèreté de Kawabata dans les belles endormies. C'est ce que j'ai ressenti à la lecture de les sangs d'Audrée Wilhemly.

Même si l'auteur s'amuse à changer de personnages (7 fois), à changer de voix, il reste néanmoins toujours enfoui en elles, une douceur, de l'ordre du respect, comme le vieil homme étendu près de la belle endormie. Il se dégage un sentiment d'immense sécurité. Il suffit d'être attentif au souffle et aux gonflements de la poitrine de celle qui dort.

Même si dans le roman de Wilhemly la plupart des héroïnes se révoltent (elles le font presque toutes), elles le font sans jamais trop y croire. Elles le font comme on gronde parfois un enfant, sans trop de conviction, en accentuant les gestes pour paraître crédible. Cette délicatesse amène une sorte d'insouciante face une tragédie qui est connue d'avance. Elles savent toutes qu'il y aura du sang et une mort, la leur. Sans jamais s'appesantir, les femmes de Féléor virevoltent devant la mort, danse sur la pointe des pieds, même affaler sur le plancher, dans des moments qu'elles savent qui seront intensément vécus.
Commenter  J’apprécie          50
Dès les premières pages, j'ai su que j'étais tombée sur quelque chose de solide! J'ai été carrément envoûtée par les mots, subjuguée par les images qu'ils évoquent.

Cette réécriture audacieuse du conte de Barbe-Bleue amalgame horreur et érotisme d'une façon que je n'aurais pas cru possible. Le récit, dans lequel prend forme un genre de "violence poétique", choque et fascine tout à la fois. Les personnages, archétypes du mal-être, sont malsains, troublants, mais en un sens, attachants. Instinct de mort, autodestruction, fantasmes déviants... Il faut être prêt à sortir de sa "comfort zone", mais ce petit livre vaut assurément le détour!
Commenter  J’apprécie          30
Un immense MERCI aux éditions Grasset et à l'équipe de Babelio grâce auxquels j'ai eu le grand plaisir de lire ce roman.

Quand j'ai vu découvert que ce roman était dans la dernière masse critique de Babelio, je n'y tenais plus. Il me le fallait absolument. Je ne vous raconte donc pas ma joie quand je l'ai reçu !

Les premiers chapitres m'ont un peu déstabilisée, car ce n'était pas du tout ce que je m'étais imaginé en lisant la quatrième de couverture. En effet, le titre recèle une dimension érotique et sadomasochiste assez inattendue. J'avais pensé à tout pour ce roman si ce n'est à l'aspect sexuel de la relation entre Barbe bleue et ses femmes. Pourtant, une fois ma surprise passée, j'ai été totalement séduite par ce titre que je me suis empressée de conseiller autour de moi et de prêter.

Via sept portraits de femmes très différentes tant par l'origine sociale, l'âge, l'expérience de la vie, l'aspect physique ou encore les motivations, Audrée Wilhelmy dresse le portrait d'une légende, celle du terrible « ogre » Barbe bleu. Un portrait complété par l'homme lui-même qui prend soin d'ajouter au récit de chacune de ses épouses, sa propre vision de la relation qu'il a entretenue avec elles.

Ce parallèle incessant entre les différentes versions délivre une intéressante vision du personnage qui fait que l'interprétation moderne du conte tient plus à la légende qu'au mythe. En effet, l'ogre du conte prend un aspect définitivement plus humain et là où le conte voyait une créature imaginaire, la légende décrit un psychopathe narcissique qui, poussé au meurtre par des épouses destructrices, tient peut-être plus de la victime inconsciente que du bourreau.

Si le trois/quart du livre est dédié aux « sangs » de Féléor, le lecteur ne peut cependant échapper au fait que c'est lui le héros du roman. Un héros qui évolue au fil de ses expériences amoureuses et dont la chute n'est que plus vertigineuse. J'ai particulièrement apprécié l'aspect psychologique de ce récit dont la fin est digne d'un feu d'artifice,

Ainsi naît la légende…
Lien : https://belykhalilcriticizes..
Commenter  J’apprécie          30
Il est très difficile de parler de ce livre sans trop en dire, tant le coeur de l'histoire est lié à ses dénouements. Je dis bien "ses" car contrairement au célèbre conte de Perrault Barbe Bleue, Audrée Wilhemy ne raconte pas seulement l'histoire de l'Ogre, mais celles de ses femmes.

Dans la version de Perrault, les femmes ont une présence un peu anecdotique qui ne sert qu'à dépeindre encore plus fortement les caractéristiques du personnage principal. le destin des épouses n'est révélé que parce que la plus jeune d'entre elles désobéit à son mari et ouvre la porte interdite derrière laquelle se cachent les cadavres des précédentes compagnes. Elle subira bien entendu le même sort que les autres. On se retrouve finalement dans un schéma un peu simpliste et presque biblique selon lequel seule la femme est l'instigatrice de toutes amoralités et doit par conséquent être punie pour ses erreurs. Barbe Bleue tient alors le rôle du justicier. Ce récit est désormais bien éloigné des actuelles normes sociales, et par répercussion, des attentes des lecteurs. Je suis donc particulièrement contente que les contes classiques soient aujourd'hui réinventés.

Dans la version de Wilhemy, la figure masculine est également omniprésente, mais prend les traits d'un jeune homme qui semble presque fragile. Presque, car on comprend dès le départ que les tendances carnassières du jeune garçon cachent une prédisposition à la chair et au sang. Tel un animal, Féléor dégage un charme presque caustique, qui l'aidera pour chasser ses proies. Au fil des pages, on découvre un personnage fascinant et paradoxal ; à la fois victime et bourreau. Victime de son appétit sexuel incontrôlable qui le conduira non seulement à chercher de nouvelles partenaires mais le transformera petit à petit en machine à assouvir les désirs féminins ; et bourreau car il s'incruste dans les esprits et dans les corps de manière obsessionnelle mais ne sait malheureusement pas dissocier le plaisir de la cruauté.

Ici, les femmes de l'Ogre ne sont pas décrites comme passives mais comme instigatrices de leurs propres morts. Non seulement elles n'ignorent pas leurs funestes destins mais s'y préparent consciencieusement, comme pour atteindre la félicité. Submergées par une vision de l'amour et, surtout, du désir physique déformée, ces femmes se donnent corps et âmes pour contenter leurs propres penchants et ceux de leur amant. Grâce aux journaux intimes qu'il leur demande de tenir, Féléor récolte les pensées les plus profondes de chacune de ses sept épouses, leurs fantasmes les plus impudiques et leurs névroses. Peu à peu, on voit glisser les récits vers une forme de consentement. le désir, le jeu et la mort se confondent. La volupté prend bien souvent sa source dans leurs esprits troublés et leurs tendances autodestructrices, à tel point que ce que l'on perçoit comme une emprise psychologique malsaine de la part de Féléor, est finalement interprété par ses épouses comme le fruit de leurs propres volontés. Est-ce la passion qui les précipite vers l'issue fatale ou ont-elles d'ores déjà renoncé à leurs propres existence ?

Le fait de réinterpréter le conte sous l'angle du psychopathe narcissique vs l'épouse destructrice donne au récit un certain réalisme contemporain qui est assez déstabilisant. En tant que lecteur, on développe au fil des pages une forme de hypnotisme pour les héros, dont les motivations ou les questionnements peuvent faire échos à nos propres ressentis. A chaque chapitre, on croit franchir une frontière entre la folie et la raison. L'écriture de Wilhemy, entre le conte et le thriller, est d'une surprenante intensité. La passion, l'amour, la haine, la frénésie sexuelle, nous prennent aux tripes du début à la fin. Elle met sous pression les rapports humains, en tire tout ce qu'il y a de plus cru, de plus pervers, et nous laisse avec d'innombrables questions sur la nature humaine. C'est fascinant !
Lien : http://mallysbooks.blogspot...
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (156) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature québécoise

Quel est le titre du premier roman canadien-français?

Les anciens canadiens
La terre paternelle
Les rapaillages
L'influence d'un livre
Maria Chapdelaine

18 questions
220 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature québécoise , québec , québécoisCréer un quiz sur ce livre

{* *}