Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) éditées par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à
Al Williamson.
Ce tome comprend les 31 histoires illustrées par
Al Williamson pour EC Comics, ainsi que 4 histoires bonus (1 prévue pour être éditée en 3D et jamais parue, 3 réalisées par ses proches collaborateurs Krenkel, Torres et Frazetta). Chacune de ces histoires comporte 7 pages, plus rarement 6 ou 8. La majeure partie de ces histoires s'inscrivent dans le genre science-fiction (soit 24), certaines dans les genres crime ou horreur (soit 7). Ce tome comprend une introduction de 9 pages de
Mark Schultz (auteur de "Xenozoic"). Les auteurs des scénarios sont
Al Feldstein (25 histoires),
Ray Bradbury (adapté par Feldstein, 3 histoires),
Otto Binder (1 histoire),
Harlan Ellison (1 histoire), Jack Oleck (3 histoires) et
Carl Wessler (1 histoire) et 1 par un auteur anonyme. Il comprend également une postface de 8 pages sur les influences graphiques d'al Williamson, rédigée par Bill Mason, une courte biographie de 3 pages, une présentation des auteurs en 3 pages, et une présentation des EC Comics et de leur contexte en 3 pages.
Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse, le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. En fonction des récits, le lecteur pourra découvrir des extraterrestres, des planètes inhospitalières, des voyages dans l'espace hasardeux, des dinosaures, des extraterrestres découvrant et lisant un comics (en l'occurrence "Weird Fantasy"), un planétoïde qui vomit, une propriétaire de ranch peu commode, un vaisseau spatial doté de conscience, un inventeur d'un carburant pour fusée très particulier, des couples réduits à l'état de Robinson Crusoé sur des planètes peu hospitalières, des voyages dans le temps dans le passé (pour chasser le dinosaure) ou vers le futur (en quête d'un monde meilleur), des extraterrestres aquatiques, des baigneuses impitoyables, etc.
Al Williamson (1931-2010) a travaillé pour l'éditeur EC Comics de 1951 à 1956. S'il ne s'agit pas de ses premiers travaux, il s'agit d'oeuvres de jeunesse. Par la suite il illustrera des épisodes de "Flash Gordon", il reprendra la série X-9: Secret Agent Corrigan avec des scénarios d'
Archie Goodwin, et réalisera des adaptations de films comme "The Empire strikes back" ou "Blade Runner". Il deviendra également un encreur de renom en travaillant pour
Marvel Comics, en encrant en particulier
John Romita junior (par exemple sur "Daredevil", Lone stranger).
Le travail d'al Williamson chez EC Comics est resté dans les mémoires pour plusieurs raisons. Pour commencer, il réalise des illustrations minutieuses, empreintes d'une forme de romantisme dessinant de magnifiques individus élancés, évoluant dans de somptueux décors. En cela, son style se rapproche de celui d'
Alex Raymond sur la série "Flash Gordon". Dans la postface, Bill Mason évoque également l'influence d'Hal Foster (créateur de la série "Prince Valiant"). Dans l'introduction,
Mark Schultz cite des illustrateurs du début du siècle tels que Henry van Dyke et JC Coll. Tout du long de ces histoires, le lecteur est effectivement frappé par la force d'évocation des dessins, la cohérence de style qui se dégage d'une histoire à l'autre, la beauté des personnages, la finesse et la délicatesse de leurs traits, l'expressivité de leur visage. le soin apporté aux images semble souvent disproportionné par rapport aux histoires dont les dialogues n'arrive pas se mettre au niveau de sophistication visuelle. Alors que les images parlent d'elles-mêmes, le texte est trop copieux (au moins 30% de chaque case), décrivant souvent inutilement (et en moins bien) ce que montre le dessin. Malgré la perfection de la reproduction (chaque trait, si fin soit-il, est net et précis), le lecteur regrette que Williamson n'ait pas bénéficié d'un format plus grand.
L'une des autres raisons pour lesquelles Williamson reste une référence réside dans les artistes avec lesquels il travaillait. L'équipe d'EC Comics les avait affublés du sobriquet de "Fleagle gang", composé de
Frank Frazetta, Roy Krenkel, George Woodbridge et Angelo Torres. En fonction des spécificités de l'histoire, l'un ou l'autre ou plusieurs du Fleagle Gang pouvait prêter main forte à
Al Williamson pour dessiner un décor, améliorer l'encrage, compléter la faune ou la flore. Loin d'introduire des hiatus visuels, ils complétaient à merveille les dessins, palliant les éventuelles faiblesses de Williamson, ou apportant un degré d'expertise artistique supérieur, qu'il s'agisse des magnifiques encrages sensuels de Frazetta ou des décors élaborés de Krenkel. Lorsque le lecteur pense aux illustrations légèrement surannées de la science-fiction des années 1950, il y a fort à parier que son inconscient a retenu l'esthétique gracieuse d'al Williamson et ses compères.
Cependant la lecture de ces histoires requiert une adaptation de la part du lecteur. Les conventions en vigueur à l'époque dans les comics requéraient que l'histoire soit plus portée par le texte (dialogue et voix off) que par les images, de préférence dans une forme très écrite (phénomène encore accentué lorsqu'il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de
Ray Bradbury). Il faut donc que le lecteur fasse l'effort conscient d'accepter de tout lire malgré le volume et la prose un peu verbeuse. Il faut également qu'il réussisse à passer outre la dissonance narrative apparaissant entre ces textes envahissant et ces dessins si élégants. Prises pour elles mêmes, les intrigues oscillent entre l'anecdotique et le futé. Globalement tous les individus présentent des personnalités interchangeables, sans caractère marqué. Tout l'intérêt de l'histoire réside donc dans l'intrigue proprement dite : de l'inventivité de la situation de départ, à la force de la résolution. Plus de la moitié des histoires constitue une preuve flagrante de l'imagination débridée d'al Feldstein qui semblait écrire la moitié de la production des EC Comics. Néanmoins, il y a forte à parier que le lecteur appréciera d'autant plus ces histoires qu'il en fera une lecture fractionnée. La patience est mise à rude épreuve du fait de la lenteur de lectures de ces textes copieux et pesants.
Pour la petite histoire, l'histoire qui donne son titre au présent recueil a bénéficié d'une adaptation récente par
Frank Cho (au scénario) : 50 Girls 50 - Shakedown.
La lecture de ce tome est à réserver aux personnes souhaitant compléter leur collection d'oeuvres d'al Williamson, ou au curieux fermement décidé à découvrir cet illustrateur remarquable. À condition d'être prêt à passer outre une forme de narration pesante, le lecteur sera récompensé par une reprographie d'une qualité optimale, des dessins magnifiques et des histoires bien troussées pour moitié.