L'hiver de Frankie Machine

- Tu ne vas jamais à l’église, lui a-t-elle fait observer ?
- Pourquoi est-ce que j’irais à l’église ? Pour écouter un curé qui schtupps les petits garçons me faire un sermon sur la morale ?

(Schtupps en italique dans le texte)

Un homme condamné gobe pratiquement n'importe quoi pourvu que cela lui redonne un peu d'espoir.

La vie est comme une grosse orange, se dit Franck. Quand on est jeune, on la presse vite et fort pour essayer d'en extraire en vitesse tout le jus. En vieillissant, on la broie plus doucement pour en savourer chaque goutte. D'une part parce qu'on ne sait pas combien il vous en reste et, d'autre part, parce que les dernières gouttes sont toujours les meilleures.

À cette heure et surtout en hiver, l'océan offre une vision spectaculaire. L'eau, d'un gris ardoise, est agitée ce matin par la houle menaçante d'une tempête à l'approche. En cette saison, elle est comme une femme enceinte, songe Franck : grosse, irascible, impatiente.

Trainer avec des malfrats, se disait Frank, c'est un peu comme d'être prisonnier de quelque repli du temps, resté éternellement figé à l'époque du lycée. Le conversations tournaient toutes autour du cul, de la bouffe, des pets, des odeurs, des nanas, des petites bites et des pédés.
Et du crime, bien sûr.

Quand on couche avec les chiens, on attrape des puces.

Une fois qu'un homme politique a mordu à l'hameçon, il est accroché pour de bon.
Les gars de la mafia le savent bien : on ne graisse qu'une fois la patte d'un politicien. Ensuite, on le fait chanter

Il pense beaucoup à Herbie Goldstein ces temps-ci, et surtout ce matin.
Peut-être est-ce la tempête ? songe-t-il. Les tempêtes ravivent des souvenirs comme elles déposent du bois flotté sur le sable. Des pensées que tu croyais à jamais perdues te reviennent subitement... délavées, écornées, mais bel et bien présentes.

Tout le monde aime Frank, le gars aux appâts. Les habitués parce qu’il sait toujours quels poissons nagent ces temps-ci dans les parages et ce qu’ils vont pêcher, et qu’il ne leur fourgue jamais des appâts inadaptés. Les pêcheurs occasionnels pour les mêmes raisons, et aussi parce que, quand on amène son gamin un samedi, on sait que Frank l’équipera convenablement et, même s’il doit pour ce faire déloger un habitué pour un petit moment, lui trouvera un coin où ça mordra vraisemblablement. Les touristes adorent Frank parce qu’il est toujours souriant, qu’il a toujours la plaisanterie aux lèvres et, pour ces dames, un compliment qui frise le flirt mais jamais le rentre-dedans.

Les malfrats plumaient Vegas à qui mieux mieux.
Et pourquoi pas ?
Les gains coulaient à flots.
Le seul problème, c'était que les boss en voulaient toujours davantage et que d'autres familles guignaient le magot ; de sorte que les "écrémeurs" ne se contentaient plus d'écumer le puits, mais en étaient venus à creuser de plus en plus profond.
Or, il n'y a qu'une faible quantité d'eau dans le désert.