Le problème avec les hommes, ou les mâles en général - et je l'avais découvert au cours de ma vie -, c'était leur grande bouche. Un requin-baleine, ce n'est rien en comparaison du gars moyen accompagné d'un copain ou deux. Honnêtement.
L’air fut expulsé de mes poumons comme si l’on venait de me donner un coup de poing. A ma tempe, une veine se mit à palpiter. Ne fais pas ça. Les poils de mes bras se dressèrent.
Lentement, je laissai retomber la main contre mon flanc et forçai ma bouche à se refermer. Ce gros con ne serait pas la raison pour laquelle je resterais assise toute une saison.
Pas question.
L’envie irrépressible d’ouvrir la bouche et de lui dire d’aller se faire foutre était bien là, juste au bord de mes lèvres, pourtant je parvins à la ravaler lentement mais sûrement, car elle se débattait tel un barracuda luttant pour sa survie. Oui, je réussis. Je la gardai profondément logée dans ma poitrine, dans mon cœur, et verrouillai le tout.
Il ne me déposséderait pas de ça.
Les gens te jugement quoi que tu fasses, Sal. Ne les écoute pas car, au bout du compte, c'est toi qui devras vivre avec tes choix et l'endroit où ils te mèneront. Personne ne vivra ta vie à ta place.
À vingt-sept ans, sachant ce que je savais de lui à ce stade, j’aurais été ravie de passer le reste de ma vie dans la plus grande discrétion.
Seulement parfois, le destin était inconstant et immature, car quelques jours après que j’eus raconté à Gardner comment le manque d’attention de l’ancienne superstar affectait tout le monde dans l’équipe, mes prières de préadolescente furent exaucées par miracle.
On ne mettait pas en danger une carrière qui avait coûté tant de sacrifices pour un rien. Chacune d’entre nous sans exception avait fait une croix sur les anniversaires, les fêtes de famille, la vie sociale, les relations, le temps libre avec ses proches et autres pour obtenir ce que nous avions. Cette réussite était précieuse à mes yeux, et je serais bien bête d’y renoncer sur un coup de tête. Et jusqu’à un certain point, toutes les autres filles de l’équipe devaient penser la même chose.
— Les gens te jugeront quoi que tu fasses, Sal, m’avait-il avertie. Ne les écoute pas car, au bout du compte, c’est toi qui devras vivre avec tes choix et l’endroit où ils te mèneront. Personne ne vivra ta vie à ta place.
Quand j’avais grandi, les gens avaient trouvé d’autres sujets de moquerie à mon égard. On m’avait traitée de bégueule, de coincée, de garce, de garçon manqué, voire de gouine, plus de fois que je ne pouvais les compter. Tout ça parce que j’aimais jouer au foot et que je prenais ça au sérieux.
« Être préparé à la guerre, c’est l’un des moyens les plus efficaces de préserver la paix ».
Je pouvais jouer devant des milliers de gens, mais à l’instant où une caméra s’approchait à moins de trois mètres de moi, je me refermais comme une huître.