La peau de l'ours

On croit trahir l'autre, alors qu'en réalité, on se trahit soi-même.

- Veuillez excuser le retard, Don Palermo ! J'ai crevé, comme pour changer...
- En avance, en retard... Avec le temps, tu apprendras que tout cela est bien relatif, Amadeo.

À l'époque, je me demandais souvent : à quoi peuvent donc bien rêver les hommes comme Don Pomodoro ? Aujourd'hui, je sais : comme tous les hommes, les hommes mauvais rêvent de leur jeunesse.

J'allais sur mes 15 ans. Et à 15 ans, les nuits blanches, on les enfile au collier de ses souvenirs pour les égrainer dans ses vieux jours.

Je m’étais endormi enfant, je me suis réveillé avec le sale goût dans la bouche, qu’on a quand on est adulte.

J'ai 16 ans, Don Palermo, J'vous ai pas attendu pour découvrir que le Bon Dieu - dans son immense bonté - nous a doté de bras juste de la bonne longueur !

Franchement, mon père ne valait pas les fleurs qu'on lui aurait tressées pour une couronne mortuaire!

- Ecrivain ! Voilà bien un métier de lâche !
- C'était ça ou vendre des billets de loterie.
Alors tant qu'à vendre un peu de rêve aux gens ...

Ce soir là, plus encore que tous les précédents, je me répétais le serment que j'avais fait sur la peau de mon ours Roosevelt...
Demain je le bute!

Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. En effet, il ne faut pas considérer comme acquis un avantage ou une chose avant d'être sûr de pouvoir en disposer.