AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 3 : Le Ventre de Paris (223)

Le lendemain, vers quatre heures, Lisa se rendit à Saint Eustache. Elle avait fait, pour traverser la place, une toilette sérieuse, toute en soie noire avec son châle tapis. La belle Normande, qui, de la poissonnerie, la suivit des yeux jusque sous la porte de l’église, en resta suffoquée. – Ah bien ! merci ! dit-elle méchamment, la grosse donne dans les curés maintenant… Ça la calmera, cette femme, de se tremper le derrière dans l’eau bénite.
Commenter  J’apprécie          300
On l’eût dite enveloppée d’une odeur de frai, d’une de ces odeurs épaisses qui montent des joncs et des nénuphars vaseux, quand les œufs font éclater les ventres des poissons, pâmés d’amour au soleil. Elle s’essuya les mains à son tablier, souriant toujours, de son air tranquille de grande fille au sang glacé, dans ce frisson des voluptés froides et affadies des rivières.
Commenter  J’apprécie          300
Muche, à sept ans, était un petit bonhomme joli comme un ange et grossier comme un roulier. Il avait des cheveux châtains crépus, de beaux yeux tendres, une bouche pure qui sacrait, qui disait des mots gros à écorcher un gosier de gendarme.
Élevé dans les ordures des Halles, il épelait le catéchisme poissard, se mettait un poing sur la hanche, faisait la maman Méhudin, quand elle était en colère.
Alors les "salopes", les "catins", les "va donc moucher ton homme", les "combien qu'on te la paie ta peau?", passaient dans le filet de cristal de sa voix d'enfant de chœur.
Et il voulait grasseyer, il encanaillait son enfance exquise de bambin, souriant sur les genoux d'une Vierge.
Les poissonnières riaient aux larmes. Lui, encouragé, ne plaçait plus deux mots sans mettre un "nom de Dieu!" au bout.
Mais il restait adorable, ignorant de ces saletés, tenu en santé par les souffles frais et les odeurs fortes de la marée, récitant son chapelet d'injures graveleuses d'un air ravi, comme il aurait dit ses prières.
Commenter  J’apprécie          270
À l’étalage, les beaux fruits, délicatement parés dans des paniers, avaient des rondeurs de joues qui se cachent, des faces de belles enfants entrevues à demi sous un rideau de feuilles ; les pêches surtout, les Montreuil rougissantes, de peau fine et claire comme des filles du nord, et les pêches du Midi, jaunes et brûlées, ayant le hâle des filles de Provence.
Les abricots prenaient sur la mousse des tons d’ambre, ces chaleurs de coucher de soleil qui chauffent la nuque des brunes, à l’endroit où frisent de petits cheveux.
Les cerises, rangées une à une, ressemblaient à des lèvres trop étroites de Chinoise qui souriaient ; les Montmorency, lèvres trapues de femme grasse ; les anglaises, plus allongées et plus graves ; les guignes, chair commune, noire, meurtrie de baisers ; les bigarreaux tachés de blanc et de rose, au rire à la fois joyeux et fâché......
...... À côté, les prunes transparentes montraient des douceurs chlorotiques de vierge ; les reines-claudes, les prunes de monsieur étaient pâlies d’une fleur d’innocence ; les mirabelles s’égrenaient comme les perles d’or d’un rosaire oublié dans une boîte avec des bâtons de vanille.
Et les fraises, elles aussi, exhalaient un parfum frais, un parfum de jeunesse, les petites surtout, celles qu’on cueille dans les bois, plus encore que les grosses fraises de jardin qui sentent la fadeur des arrosoirs.
Les framboises ajoutaient un bouquet à cette odeur pure.
Les groseilles, les cassis, les noisettes, riaient avec des mines délurées ; pendant que des corbeilles de raisins, des grappes lourdes, chargées d’ivresse, se pâmaient au bord de l’osier, en laissant retomber leurs grains roussis par les voluptés trop chaudes du soleil.
Commenter  J’apprécie          263
Au milieu du grand silence, et dans le désert de l'avenue, les voitures des maraîchers montaient vers Paris, avec les cahots rythmés de leurs roues, dont les échos battaient les façades des maisons, endormies aux deux bords, derrière les lignes confuses des ormes.
Un tombereau de choux et un tombereau de pois, au pont de Neuilly, s'étaient joints aux huit voitures de terre; et les chevaux allaient tout seuls, la tête basse, de leur allure continue et paresseuse, que la montée ralentissait encore ......
...... Un bec de gaz, au sortir d'une nappe d'ombre, éclairait les clous d'un soulier, la manche bleue d'une blouse, le bout d'une casquette, entrevus dans cette floraison énorme des bouquets rouges des carottes, des bouquets blancs des navets, des verdures débordantes de pois et des choux ......
Commenter  J’apprécie          260
Autour de lui, le soleil enflammait les légumes. Il ne reconnaissait plus l’aquarelle tendre des pâleurs de l’aube. Les coeurs élargis des salades brûlaient, la gamme du vert éclatait en vigueurs superbes, les carottes saignaient, les navets devenaient incandescents, dans ce brasier triomphal. À sa gauche, des tombereaux de choux s’éboulaient encore. Il tourna les yeux, il vit, au loin, des camions qui débouchaient toujours de la rue Turbigo. La mer continuait à monter. Il l’avait sentie à ses chevilles, puis à son ventre ; elle menaçait, à cette heure, de passer par-dessus sa tête. Aveuglé, noyé, les oreilles sonnantes, l’estomac écrasé par tout ce qu’il avait vu, devinant de nouvelles et incessantes profondeurs de nourriture, il demanda grâce, et une douleur folle le prit, de mourir ainsi de faim, dans Paris gorgé, dans ce réveil fulgurant des Halles. De grosses larmes chaudes jaillirent de ses yeux.
Commenter  J’apprécie          260
La Sariette était adorable, au milieu de ses fruits, avec son débraillé de belle fille.
Ses cheveux frisottants lui tombaient sur le front, comme des pampres. Ses bras nus, son cou nu, tout ce qu'elle montrait de nu et de rose, avait une fraîcheur de pêche et de cerise.
Elle s'était pendu, par gaminerie, des guignes aux oreilles, des guignes noires qui sautaient sur ses joues, quand elle se penchait, toute sonore de rires.
Ce qui l'amusait si fort, c'était qu'elle mangeait des groseilles, et qu'elle les mangeait à s'en barbouiller la bouche, jusqu'au menton et jusqu'au nez; elle avait la bouche rouge, une bouche maquillée, fraîche du jus des groseilles, comme peinte et parfumée de quelque fard du sérail.
Une odeur de prune montait de ses jupes. Son fichu mal noué sentait la fraise.
Commenter  J’apprécie          255
À présent il roulait doucement sur cette couche de verdure, qu'il trouvait d'une mollesse de plume .........
......... La faim s'était réveillée, intolérable, atroce. ses membres dormaient; il ne sentait en lui que son estomac, tordu, tenaillé comme par un fer rouge. L'odeur fraîche des légumes dans lesquels il était enfoncé, cette senteur pénétrante des carottes, le troublait jusqu'à l'évanouissement.
Il appuyait de toutes ses forces sa poitrine contre ce lit profond de nourriture, pour se serrer l'estomac, pour l'empêcher de crier.
Et, derrière, les neuf autres tombereaux, avec leurs montagnes de choux, leurs montagnes de pois, leurs entassements d'artichauts, de salades, de céleris, de poireaux, semblaient rouler lentement sur lui et vouloir l'ensevelir, dans l'agonie de sa faim, sous un éboulement de mangeaille.
Commenter  J’apprécie          250
Non, la faim ne l'avait plus quitté. Il fouillait dans ses souvenirs, ne se rappelait pas une heure de plénitude. Il était devenu sec, l'estomac rétréci, la peau collée aux os. Et il retrouvait Paris, gras, superbe, débordant de nourriture, au fond des ténèbres ; il y rentrait, sur un lit de légumes ; il y roulait, dans un inconnu de mangeailles, qu'il sentait pulluler autour de lui et qui l'inquiétait. La nuit heureuse de carnaval avait donc duré pendant sept ans. Il revoyait les fenêtres luisantes des boulevards, les femmes rieuses, la ville gourmande qu'il avait laissée par cette lointaine nuit de janvier ; et il lui semblait que tout cela avait grandi, s'était épanoui dans cette énormité des Halles, dont il commençait à entendre le souffle colossal, épais encore de l'indigestion de la veille.
Commenter  J’apprécie          250
Les livres lui déplaisaient; tout ce papier noirci, au milieu duquel il vivait, lui rappelait la classe puante, les boulettes de papier mâché des gamins, la torture des longues heures stériles.
Puis, les livres ne lui parlaient que de révolte, le poussaient à l'orgueil, et c'était d'oubli et de paix dont il se sentait l'impérieux besoin.
Se bercer, s'endormir, rêver qu'il était parfaitement heureux, que le monde allait le devenir, bâtir la cité républicaine où il aurait voulu vivre : telle fut sa récréation, l'œuvre éternellement reprise de ses heures libres.
Il ne lisait plus, en dehors des nécessités de l'enseignement ....
Commenter  J’apprécie          240






    Lecteurs (7822) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les personnages des Rougon Macquart

    Dans l'assommoir, quelle est l'infirmité qui touche Gervaise dès la naissance

    Elle est alcoolique
    Elle boîte
    Elle est myope
    Elle est dépensière

    7 questions
    592 lecteurs ont répondu
    Thème : Émile ZolaCréer un quiz sur ce livre

    {* *}