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Critique de Osmanthe


Le narrateur rencontre sur un navire de croisière un homme étrange qui reste caché dans la nuit...Il va lui raconter ses déboires. Médecin, ses tendances masochistes se révèlent devant les femmes. Une première fois, il va détourner de l'argent pour l'une d'elles, ce qui l'obligera à s'exiler d'Allemagne vers la Malaisie coloniale. Une fois là-bas, une belle, fière et riche anglaise vient le trouver pour lui demander secours...Elle est enceinte...mais manifestement pas de son mari, qui rentre de voyage dans quelques jours. Avorter est plus qu'une nécessité, une question d'honneur, et même de vie ou de mort...
Lui est ébranlé, mais son esprit sado-masochiste se manifeste, pour réclamer un prix à payer pour ce service, en nature...

A partir de cette demande va s'engager un bras de fer impitoyable entre les protagonistes, entre cette "dame de fer" obsédée par la sauvegarde de son honneur et cet homme dont l'esprit est miné, tourmenté par des sentiments ambivalents d'amour et de haine...qui se croit lui-même, depuis sa rencontre avec cette femme obsédante, amok, ravagé par une folie furieuse et meurtrière propre aux autochtones...

Dans cette longue nouvelle, Zweig installe dès le départ une atmosphère oppressante...D'abord la mystérieuse et quasi inquiétante entrée en contact de ce médecin, sur le bateau, avec le narrateur principal...Puis lorsque le médecin entame son récit de son histoire en Malaisie, le malaise (sans jeu de mots) nous gagne. L'ambiance devient étouffante, moite, ça transpire le drame à venir...
La progression de la tension est impressionnante, mise en relief par une maîtrise extraordinaire de la construction du récit et de la forme : le médecin, par l'emploi du "je" exprime ce qu'il ressent en direct, bizarre impression d'être comme au coeur d'un reportage de guerre en totale insécurité...sauf que la guerre ici est aussi à l'intérieur du corps et de l'âme du narrateur. Et puis quelle maestria pour, entre les moments d'emballements furieux, ralentir comme pour zoomer sur chaque plan dans les confrontations-clés entre les deux êtres déchirés : la première rencontre, la scène de la réception...

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, qui bien qu'écrite en 1922, m'a semblé sonner encore par son style d'écriture et son rythme comme les oeuvres de Stendhal ou Mérimée, même si, sans doute pour servir cette nécessité de mise sous tension du lecteur, certains mots comme "horreur" sont un peu employés trop facilement et trop souvent.

Pour moi un petit bijou, qui se prêterait bien à une nouvelle adaptation au cinéma ! Sauf erreur, la dernière date de 1982.
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