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Critique de cprevost


Balzac me fait immanquablement penser à la petite route ombragée le long de l'Indre que je prenais à vélo lorsque j'étais encore enfant. Il n'y a pas si longtemps, elle était sans circulation et la rivière qui l'accompagnait sauvage et limpide. Ce n'était pas difficile alors, lorsque l'on apercevait les premiers moulins à Pont-de-Ruan, d'évoquer « le lys dans la vallée » ou le long chemin fait à pied jusqu'à Tours par Balzac. A Saché, on entendait portés par l'eau les rires des adolescents piquant une tête du haut du pont de l'Indre. Après les nombreux coups de pédales donnés sur une route facile et surchauffée, c'était un grand plaisir de laisser tomber la bicyclette et de se baigner aussi ! C'est dans le château de ses amis, les de Margogne, que venait se réfugier et écrire douze heures par jour le grand homme. Entre ses différents séjours, il y aurait passé plus d'un an. J'y suis allé plusieurs fois. Sa petite chambre inchangée était pratiquement son seul séjour et sa cafetière, que l'on peut encore apercevoir, sa seule compagne. Ce forçat de l'écriture a sans doute -contrairement à nous- peu profité de cette belle demeure et de l'ombre de ses grands arbres. On ne résiste pas facilement à un peu de nostalgie et à un écrivain que l'on aime, j'ai lu d'une seule traite les cinq cent pages de « Balzac le roman de sa vie » …

Le plus réussi dans cette biographie de Stefan Zweig est sans aucun doute l'évocation d'un Balzac au travail, précurseur, puissant créateur, couvert de dettes et poursuivi par ses éditeurs. L'auteur de « La comédie humaine » accumule toute sa vie les catastrophes et génère sans cesse des déficits colossaux. «Toujours passe à travers sa vie cette ligne fine comme un souffle qui sépare la raison de la folie». Mais cette folie et l'adversité qui l'accompagne sont pour Zweig la conséquence et la condition nécessaire de son génie. Il n'est jamais si prolifique et talentueux que contraint et forcé. En moins de dix ans, on croit rêver, il aura en effet composé plus de soixante-dix romans, donné vie à quelques deux milles personnages. Perfectionniste, il aura repris de multiple fois les épreuves de ses livres, les réécrivant à cinq, dix reprises. Pour composer en si peu de temps son oeuvre, Balzac restera éveillé des jours entiers, consommera quelques cinquante milles tasses de café et mourra prématurément.

La biographie De Balzac n'a pas été publiée du vivant de Stefan Zweig et pour ma part, j'ai eu le sentiment d'un travail très intéressant mais pas véritablement convainquant. Il faut donner là deux exemples. le modèle, sosie De Balzac, a été trouvé par Rodin pas loin de Saché, à Azay-le-Rideau, cela ne s'invente pas. Il a commencé à le représenter nu, conscient qu'il était de la puissance qui émanait de ce corps. Il n'en ai pas moins vrais que l'écrivain à un visage remarquable qui donne également la mesure de sa force littéraire, n'en déplaise à Zweig. Faut-il citer la description De Balzac laissée par Lamartine : « Il avait le visage d'un élément […] Il possédait tant d'âme, qu'elle portait son corps lourds comme rien ». Faut-il parler de Nadar ou de Picasso ? le jugement du biographe n'est pas moins tranché lorsqu'il s'agit de Laure Salambier. La mère d'Honoré de Balzac, personnage complexe, est en effet présentée dans cette biographie comme un être froid et indifférent. « Je n'ai pas eu de mère » déclare Balzac dans sa correspondance. C'est oublier la propension de l'écrivain à transfigurer la réalité et son besoin insatiable de se faire plaindre lorsqu'il écrit à Madame de Hanska. Il existe aussi dans sa correspondance des lettres où il encense le « clan » Balzac, Zweig n'en dit rien. La mère De Balzac n'est-elle pas entièrement dévouée à son fils à la fin de sa vie ?

Lorsque Stefan Zweig parle de l'oeuvre De Balzac il est un critique admirable. Il nous donne envie de le relire et de le lire. Il reste toujours en effet à découvrir en Balzac, comme Stefan Zweig le dit si bien, « un monde entier grouillant de personnages typiques […] une immense imagination d'une inexprimable densité ; l'imagination la plus grande, la plus dense depuis Shakespeare.

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