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La biographie De Balzac est sans doute l'oeuvre qui a coûté le plus de temps et d'efforts à Stefan Zweig. Non pas que ce grand écrivain autrichien aurait souffert d'un manque d'enthousiasme pour son héros littéraire français, sûrement pas, mais à 2 reprises il a dû reconstituer en partie le résultat de ses amples recherches de la vie d'Honoré de Balzac, à cause de son compatriote Adolf Hitler et la Seconde Guerre mondiale. Voir à ce propos l'excellent ouvrage de Laurent Seksik "Les derniers jours de Stefan Zweig". Ce sera finalement sur son lit de mort - façon de parler - à Petropolis au Brésil qu'il achèvera son oeuvre, commencée des décennies avant, en 1942. L'ouvrage fut publié à titre posthume en 1946 et la version française en 1950. L'exemplaire que j'ai en main, date de 1947, une édition de luxe de la maison d'édition Cassell, relié avec 13 illustrations et 31 vignettes exclusives par différents artistes, que j'ai eu la chance inouïe de trouver à Londres, lors d'une foire en 2012, comme livre d'occasion, les pages juste un peu jauni, pour la somme modeste d'exactement 7,72 euros (le prix de 3 cappuccinos chez Marks & Spencer).

C'est en 1945 que son ami, Richard Friedenthal (1896-1979), auteur de biographies, entre autres de Goethe et Jan Hus, a reçu à Londres le manuscrit de Zweig avec des annotations de Lotte Altman, sa seconde épouse qui s'est suicidée le même triste jour du 22-2-1942. À la demande du maître lui-même, son ami a fait du beau travail en ajoutant des textes de Zweig sur Balzac, restés éparpillés en Angleterre.

De Balzac, j'ai eu grand plaisir à lire sur une période assez longue plusieurs de ses romans, la plupart faisant partie de sa vaste "Comédie humaine", écrits entre 1829 et 1848. Je me limite au nombre biblique de 7, en ordre de mes préférences : "Eugénie Grandet", "La Peau de chagrin", "Ferragus", "La Cousine Bette", "Le Père Goriot", "Le Colonel Chabert" et "Splendeurs et misères des courtisanes".

Comme Balzac (1799-1850) a été un des plus grands écrivains et un des plus prolifiques de France, je présume qu'à l'école vous avez certainement appris l'essentiel de ses 51 ans de vie et comme la biographie de Stefan Zweig dépasse les 400 pages serrées, au lieu de résumer cette vie, je vais faire allègrement un peu d'éclectisme en m'arrêtant sur quelques aspects et événements en particulier. Un billet fatalement incomplet et arbitraire, pour lequel je sollicite votre compréhension.

L'histoire d'amour De Balzac avec Madame de Hanska, comme Zweig appelle délicatement Ewelina Rzewuska (1801-1882), devenue Hanska après la mort de son mari, en est un. Balzac avait rencontré cette dame noble en 1833, mais il lui a fallu patienter 17 interminables années avant que cette beauté polonaise ne consente à marier notre géant de la littérature...en 1850, quelques mois avant sa mort ! Dans l'intervalle, Balzac a entrepris de nombreux voyages pour être auprès de sa bien-aimée, même jusqu'à Wierzchownia, près de Berdytchiv en l'actuelle Ukraine, où elle habitait, ce qui lui prenait - en se dépêchant, car poursuivi par des créanciers - comme en l'hiver 1846 ... une bonne semaine. Pendant les longues absences entre leurs rencontres, Balzac lui a écrit 414 lettres d'amour !

Anecdote : En 1921, la princesse Catherine Radziwill, déclara posséder 17 lettres supplémentaires De Balzac à sa tante. S'il est exact que Madame de Hanska était sa tante - son vrai nom était Katarzyna Rzewuska (1858-1946) - au contraire, tout porte à croire qu'il s'agit de faux ! D'ailleurs, elle avait déjà fait 16 mois de prison au Cap en Afrique du Sud, pour avoir forgé sur des chèques la signature du Premier ministre de la Colonie du Cap, Cecil Rhodes. Il est vrai que l'homme, qui a donné son nom à la Rhodésie (l'actuel Zimbabwe), avait osé refuser de marier la chère Katarzyna !
De cette mythomane, je compte vous présenter sous peu un billet de son oeuvre historique (avec h minuscule) : "La malédiction des Romanov".

Madame de Hanska n'était pas le premier (grand) amour de celui qui, vers sa trentaine, décida d'ajouter un "de" avant son nom de famille. Zweig, avec beaucoup de sympathie pour son idole, raconte qu'il avait même fait décorer son fiacre des armes des "Balzac d'Entragues" , dont il se réclama, bien que descendent de pauvres agriculteurs du village La Nougayrié, près de Canezac/Montirat, en Occitanie. Son père, Bernard-François, parti de rien avait fait son chemin dans le monde de la finance, surtout en épousant à 51 ans Anne Charlotte Sallambier, 32 ans plus jeune que lui et fille d'un banquier. Aussi bien que lorsque Honoré naquit en 1799 , les Balzac appartenaient à la bourgeoisie prospère de Tours. Son père était un homme robuste, jovial et bon vivant (le père de quelques autres enfants, hormis les 4 de son ménage). Sa mère était tout le contraire, le plus souvent de mauvaise humeur, hystérique par moments et incapable d'affection pour son premier-né. Honoré la considérait comme un "monstre", la personne qui l'a fait souffrir le plus pendant son enfance. Apparemment le seul bon point pour Anne Charlotte était son faible pour les belles- lettres.

Et sans le vouloir, d'être à l'origine du premier Amour (A majuscule) de son fils, pour leur voisine, Laure de Berny. Un amour qui a fondamentalement changé la vie de cet écrivain, qui grâce à elle est devenu le géant que l'on connaît. En 1822, Honoré, à 23 ans, était timide et manquait dramatiquement de la confiance en lui-même. Pendant plus d'une décennie, jusqu'en 1833, Laure de Berny, qui avait 45 ans au début de leur liaison et avait mis au monde 9 enfants, a été son guide et bienveillante admiratrice avant de devenir - non sans hésitation et initiale longue résistance - sa maitresse. Cette métamorphose qu'elle a opérée en lui, Balzac pendant toute sa vie, lui en a été extrêmement reconnaissant, comme il apparaît indubitablement de ses nombreuses hymnes en sa faveur. Par ailleurs, toutes les femmes qu'il a conquises par après, étaient conformes au modèle de Laure de Berny. Il a toujours recherché les femmes d'un certain âge de tempérament maternel, tout comme il était insensible à la beauté de jeunes dames et filles, autant qu'aux "cocottes" et snobs littéraires.

La longue rencontre de ce maître autrichien avec son idole française était "condamnée" à résulter dans une biographie exceptionnelle. En fait, une des toutes meilleures que j'ai lues, car Stefan Zweig avec son amabilité de gentleman, s'y montre dans son admiration pour Honoré de Balzac lui-même tout à fait admirable. On regrette presque que les 2 n'aient pas pu devenir des amis, pour une bête raison de dates !

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Les biographies Stefan Zweig sont toujours passionnantes.
Pour Balzac, il arrive à nous communiquer son amour et sa connaissance de Balzac . Il décrit l'époque de Balzac , La biographie est pleine de renseignements facilement assimilables car Stefan Zweig présente la vie de Balzac comme un roman. et le personnage central vit au dessus de ses moyens qui sont pourtant très grands.

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Ce raidillon qui sépare le génie de la folie
OU
le roman vécu.

A peine né, le petit Honoré est mis en nourrice. Ce qui n'est pas une pratique inhabituelle en cette fin du 18 ième siècle. Mais souvent on laisse le nourrisson quelques jours avec sa mère- ici : non. Dehors. C'est à peine si la nourrice peut mener une ou deux fois le nourrisson chez sa mère. Qui ne lui montre aucun signe de tendresse.

Dès qu'il atteint l'age scolaire, Honoré est mis en pensionnat. le genre de pensionnat où l'on met les fils d'agriculteurs pour apprendre des rudiments de latin et de calcul. A la latte et à genoux. Petit garçon sensible et intelligent, Honoré se réfugie dans son imagination, dans ses rêves. Aidé en cela par le frère bibliothécaire qui le pourvoit en livres. de fait, il lit tant qu'il peut. Il essaye de lire dans son lit. Il a un livre sur ses genoux en classe. Alors quand on lui pose une question, il ne sait pas. Il n'a pas pris le temps d'apprendre sa leçon. Parfois il oublie de faire ses devoirs. Honoré est un petit cancre. Et la seule réponse que le système carcéral où il se trouve connaisse pour faire face à ce genre de situation, ce sont les coups, et les humiliations publiques. L'enfant se réfugie de plus en plus profondément dans son imaginaire...

Quelques années plus tard, c'est un garçon blême, maigrichon et très silencieux que les parents finissent quand même par mettre dans une institution plus humaine. Mais il est trop tard : Honoré a pris le plis. Toute sa vie, il vivra dans son monde intérieur, cet imaginaire sans limites...

Comment jeter un pont entre cet imaginaire et le monde extérieur ? C'est l'art qui sauve ce jeune homme de son enfermement. Est-il étonnant qu'il veuille devenir écrivain? le père, ouvrier agricole enrichi par toutes sortes de combines pendant la révolution ( il était devenu fournisseur aux armées), la mère, d'une petite noblesse provinciale trop récente pour avoir oublié combien il faut compter ses sous avant d'en arriver là, ne veulent rien savoir. Honoré sera notaire, et donc étudiera le droit , tout en travaillant comme clerc, car qui ne travaille pas ne mangera pas !

Après quelques mois à l'étude, Balzac prend son manteau et s'en va, laissant là plume, encrier et actes. S'en suit une scène épouvantable, dont il sort vainqueur. Ses parents lui donnent deux ans, et de quoi survivre de la façon la plus chiche pendant ce temps, deux ans donc, pour se prouver comme écrivain. Pas un jour, pas un centime de plus !

Bouillonnant d'idées, cherchant sa voie, ambitieux mais sans la moindre notion du métier d'écrivain, Balzac s'attaque à une tragédie en vers, puis à d'autres projets...avant d'écrire des romans alimentaires. En deux semaines tout au plus, il vous torche un bouquin qui lui permettra de survivre quelques mois. Toujours sous des noms d'emprunt, car il sait qu'il écrit des torchons. Et cela dure des années...

Un jour où il vend le enième bouquin à un éditeur, celui-ci lui dit lancer une affaire. Editer, chaque fois en un volume seulement, les grands auteurs des deux derniers siècles, avec quelques illustrations et une préface. Balzac écrirait -il les préfaces ? Mais, bien sûr ! Bien entendu que oui ! Dailleurs n'a t-il pas, au fil des années, économisé quelques milliers de francs, et ne pourrait-il pas participer au lancement de l'affaire ? Deux mille francs, c'est la mise qu'on lui propose d'investir. Les livres seront bon marché et mettront les classiques enfin à la portée du grand public.

Souvenons nous de ce que Balzac est, et restera toujours, un homme vivant dans son imaginaire. L'investissement qu'on lui propose est sensé, mais tout de suite, son imagination y voit la caverne d'Ali Baba. Balzac introduisant le public français à ses classiques. Car après La Fontaine, Molière, et puis ... On aurait son argent remboursé en un rien de temps, bientôt on ferait des bénéfices monstrueux, on deviendrait riche en quelques mois, quelques années...! La gloire, la richesse, la liberté, la jouissance, le pouvoir enfin... Voilà un monde externe tout aussi merveilleux que son monde intérieur, voilà le monde où il veut vivre !

Il y a six ou sept autres investisseurs dans l'affaire, et ceux-ci n'entendent pas partir comme des fusées. Qu'à cela ne tienne, Balzac rachète leurs parts. Lui qui avait peut-être sept ou huit mille francs d'économies réalisées à force de privations et de travail, il en a maintenant engagé quinze mille. On lance le Molière tout de suite ! Mais le La Fontaine sort, et ne se vend pas. Pas du tout. C'est que les tout petits caractères sont presqu'illisibles, les gravures médiocres, et personne n'a entendu parler de cet Honoré Balzac qui signe la préface. Manifestement un problème d'imprimerie. Donc... Balzac en achète une ! Et puis tant qu'à faire une entreprise de production de caractères d'imprimerie. Il se jette dans la bataille de toute sa force léonine. Et après deux ou trois années d'un combat féroce, doit déposer son bilan. Ou plutôt trois, trois bilans : comme éditeur, comme imprimeur et comme producteur de caractères d'imprimerie. Résultat : un trou de cent mille francs.

Balzac est un homme d'imagination et cette imagination, il la projette au dehors dans son oeuvre, bien entendu, mais aussi dans ses projets d'investissement et dans ses amours. C'est ce qui sabote tout ce qu'il fait dans ces domaines non artistiques de sa vie. En affaires, toute combine tant soit peu crédible lui parait une vraie mine d'or. En amours, une lectrice qui lui écrit une lettre un tant soit peu romantique devient l'amante idéale, la soeur, la mère, la confidente, la femme dans toutes ses dimensions et dans toute sa splendeur.

C'est ainsi que Balzac se dépensera, entièrement : au service de son oeuvre, oui, mais aussi au service du roman qu'il voulait que sa vie devienne. Car pour lui, imagination, littérature et vie n'étaient que trois domaines qui se rencontraient, se mêlaient, se pénetraient et finalement fusionnaient dans un même élan.

Zweig montre bien comment la vie et l'oeuvre d'un grand artiste peuvent interagir. Il m'a convaincu de ce qu'un homme très atypique, et loin d'être parfait, peut atteindre à l'universel dans son élan vers un bonheur très personnel. S'il arrive à gravir ce raidillon sinueux, sans tomber dans le précipice...
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Honoré de Balzac le roman de sa vie : que ce titre est approprié, sa vie fut un vrai roman !
Et Stefan Zweig nous la décrit en plus de cinq cent pages, pages qui se dévorent !

Il est bien aidé en cela par Balzac lui-même, personnage hors du commun, et par le choix de passages de ses écrits où manifestement, il se dépeint lui-même : les douleurs connues en famille, à l'école et au collège, il les fait relater par Félix de Vandenesse dans le Lys dans la vallée, la mansarde de misère de ses débuts est elle présentée dans La Peau de Chagrin, et ainsi de suite, de très nombreux passages de ce type émaillent le récit.

le portrait sans fard d'Honoré de Balzac est saisissant : bourreau de travail, rarement un écrivain n'a autant écrit, quand tous dorment, il écrit, et retouche sans cesse ses oeuvres, il a un grand souci de perfection, il rêve de gloire et de richesses, il a un aspect populaire qu'il s'efforce de dissimuler par des habits croyant par là se donner de grands airs mais sombrant dans le ridicule, un snobisme fou le poussant à ajouter une particule à son nom et à rechercher, durant toute sa vie la compagnie de la haute noblesse, une ambition qui lui fait dévier de son métier d'écrivain pour se lancer dans des opérations commerciales qu'il est incapable de mener à bien
« Toujours quand Balzac devient infidèle à sa sphère, son génie et son intelligence lucides sont en défaut »
Il voulut tout pour être célèbre : écrivain connu mais aussi imprimeur, député, académicien, boursicoteur, etc.

Stefan Zweig nous montre que plus il croule sous les dettes - elles l'accompagneront toute sa vie - qu'il veut le luxe et achète à prix d'or des objets coûteux

C'est d'autre part quand on le croit abattu que sa volonté se manifeste et que ses plus grandes oeuvres se créent.

Que dire encore de ses relations avec les femmes, il ne recherche pas une jeunesse ni une cocotte, il veut trouver une veuve, une aristocrate, très riche bien entendu.

Ce livre est passionnant, on constate que l'auteur s'est extrêmement bien documenté, qu'il a lu les oeuvres d'Honoré de Balzac. J'ai trouvé quelques pages d'un grand lyrisme .

Malgré le nombre de pages écrites en petits caractères, la tension de ma lecture ne s'est jamais relâchée !

Ajoutons que cette édition est agrementee de reproduction des portraits des femmes importantes de sa vie : sa mère, Laure de Bernt, Laure d'Abrantès, Zulmz Carraud,, la duchesse de Castries, sa soeur Laure Surville et bien entendu Éveline Hanska.
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Un livre remarquable : déjà par sa taille (508 pages dans l'édition de poche) et son ambition : il aura mis dix ans à naître, sans cesse retouché et agrandi, sa confection perfectionniste ayant été -- hélas ! -- interrompue par cet incroyable ou "incompréhensible" passage à l'acte autolytique du grand écrivain-conteur viennois à Petropolis (Brésil), pris dans l'impasse de sa dépression chronique et d'un monde devenu fou le 22 février 1942 ! [cf. "Les derniers jours de Stefan Zweig" de Guillaume Sorel, adapté d'un essai de Laurent Seksik].

Commen un fils de bourgeois et descendant des roturiers "Balssa" devient -- à la force du poignet -- "Balzac" puis "Monsieur de Balzac" (1799-1950)...

Energie de vie incroyable ! Tempérament fougueux et imprudent, 100.000 francs de dettes dès avant trente ans...

D'autres que l'imprudent jeune éditeur des intégrales de "La Fontaine" et "Molière" puis imprimeur puis fondeur de caractères (toutes "auto-entreprises" humaines successivement en faillite) auraient mis fin à leurs jours : pour notre bonheur, Balzac a préféré jouer à cache-cache tout le restant de son existence avec ses créanciers (qui furent parfois ses parents et Laure de Berny, l'Amie/amante fidèle...) et, après un pan de sa vie à torcher du (mauavais) roman-feuilleto sous pseudonyme [CF. la première période alimentaire de Georges Simenon...] commencer une carrière dans le roman historique "le dernier Chouan") puis psychologique "Physiologie du mariage").

Stefan ZWEIG reconnaît en "Honoré Balzac" un frère. Car cet empereur de l'Empathie juge avec une tendresse fraternelle cet homme malmené par l'existence (cette enfance désertée par l'amour...) et piégé par son propre caractère fantasque : un "bourreau de travail", aussi, autant attaché aux vertus de Sainte-Caféïne qu'aux signes extérieurs de réussite sociale...

Car Balzac voulait à la fois paraître et être.
Et nous savons aujourd'hui qu'il n'avait pas tort : sa "Comédie humaine" est bien un continent qui "tient debout tout seul" et traversera bien encore quelques siècles...

Sans doute comme l'univers atttachant du beaucoup plus modeste artisan/artiste Zweig...

Un portrait extrêmement attachant et un ultime roman biographique réellement prodigieux, à l'image de son "héros" de Littérature ! (*)

(*) Nous ajouterons ici ce POST-SCRIPTUM bien tardif après avoir clos (douloureusement) notre lecture de l'ample opus zweigien : nous garderons de cet ouvrage remarquable -- Oui, y compris dans la production si prolixe et qualitativement richissisme du "Grand Viennois" ! -- l'impression tenace d'un "calvaire d'existence"... d'un involontaire parcours christique du célèbre et immortel Tourangeau, dont la brûlante "carrière" est retracée depuis son enfance étouffée jusqu'à son décès à face violette et à odeur de gangrène insupportable (notée par son ami Victor Hugo) ! Aucun biographe, avant ou après Zweig, ne nous a fait ressentir -- comme de l'intérieur de la chair balzacienne si malmenée -- l'ampleur de ce drame intérieur ayant duré pas moins de 51 années...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Zweig aura consacré les dix dernières années de sa vie à la biographie De Balzac , avant de se donner la mort au Brésil où il a trouvé refuge pendant la seconde guerre mondiale. Il ne parviendra d'ailleurs pas à achever ce fascinant jeu de miroirs qu'il peaufine inlassablement et que son éditeur devra reconstituer à partir de documents épars. le travail et l'énergie qu'il met dans ce livre sont dignes de l'admiration qu'il voue à l'un des plus grands écrivains français, voire le plus grand à ses yeux.

Le livre est construit autour de l'antinomie entre la vie chaotique et infructueuse De Balzac sur tous les plans et la cohérence du monde imaginaire de la Comédie humaine qu'il a su bâtir.
Comme dans ses biographies précédentes, Zweig parvient, avec un talent rare, à saisir la personnalité du sujet de l'intérieur et à en comprendre les ressorts et le fonctionnement, ou tout du moins à en proposer des interprétations paraissant étayées.
L'existence de Balzac commence mal. Placé en nourrice dès son plus jeune âge, délaissé par ses parents, et notamment par une mère froide et peu aimante, cancre "surdoué" dans un pensionnat où il subit de mauvais traitements, il se réfugie à l'excès dans les livres et doit très rapidement entrer dans la vie active et multiplier les activités professionnelles, chez un notaire puis dans l'imprimerie.
Balzac, issu d'un milieu modeste ayant accédé à la bourgeoisie, n'aura de cesse de vouloir s'élever socialement, ajoutera une particule à son nom, montera, pour s'enrichir, des affaires systématiquement vouées à l'échec, et mènera grand train, alors qu'il est criblé de dettes.
Sa vie sentimentale est tout aussi tumultueuse ; les femmes, amies ou amantes, sont présentes et lui apportent leur appui, mais l'amour est souvent intéressé et triste, jusqu'à sa femme qui accepte de l'épouser quand elle apprend qu'il va mourir.
En contrepoint de cette débâcle matérielle et sentimentale dans une vie quotidienne où Balzac ne trouve pas de points d'équilibre, il y a, grâce à un travail de titan qui lui prend jusqu'à vingt heures par jour, la conception d'une oeuvre phénoménale, dans tous les sens du terme, par son ampleur, ses réalités sociologiques, son acuité psychologique.
Zweig souligne le génie, et ce terme est employé à maintes reprises dans le livre, du créateur hyper mnésique qui s'appuie sur ses expériences pour reconstituer, dans son oeuvre protéiforme, sociologue avant l'heure, l'ensemble des classes sociales.
Balzac qui ne se réalise que dans l'écriture est un monstre, d'avidité, d'ambition, de labeur, d'imagination et Zweig sait se montrer, dans cette biographie dense, à la hauteur du modèle.



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Je pouvais, pour aborder le roman de cette vie, vous parler de l'immense talent de Stefan Zweig et de l'incommensurable génie du romancier français. Je préfère souligner d'abord le choix de l'illustration de couverture (moûture 1996) du Livre de Poche. Tout y figure sous les quelques traits d'un autre créateur monumental, Pablo Picasso, dans une lithographie de 1952. le portrait large, l'ambition, la puissance de l'homme, les cheveux comme des ailes d'aigle ou de vautour prêtes à se déployer pour survoler, Prométhée de l'écrit, l'infinie extravagance de la comédie humaine. Les yeux inquiets: ennuis d'une vie inextricable. Les sourcils froncés: forçat devant l'oeuvre à bâtir et la société, tout ce qu'il en comprend et veut exprimer dans les milliers de feuillets nécessaires à une tâche digne de le placer à la tête de l'Europe littéraire, tels Goethe, Hoffman ou Walter Scott. Les cinq cent pages de cette biographie figurent dans cette gueule de couverture: un géant gras — voyez ce menton — que la férocité au service du travail d'écriture et une vie néfaste éteindront en à peine un demi-siècle: !e dessin d'un homme sur le point d'imploser, dans l'intensité du talent, l'insatiabilité et la détermination. Et la souffrance.

Je ne m'attendais pas, en demandant ce livre à l'occasion de la dernière opération Masse critique de Babelio, à découvrir une oeuvre si minutieuse, exhaustive et dense. Et je souris encore en pensant aux mots d'une blogueuse évoquant à juste titre Zweig comme la Rolls des biographes: copieux, costaud sont les mots qui me viennent sur le moment.

Le récit est charpenté en 26 chapitres, de la naissance à la mort de l'auteur. Il se lit effectivement comme un roman et certains seront peut-être contrariés par de nombreux longs extraits De Balzac qui entravent le cours du récit. Il aura fallu une dizaine d'années à Stefan Zweig pour réaliser ce travail, en grande partie sur base, je l'imagine, de la correspondance de l'écrivain.

Sans cesse aux prises avec l'adversité, les exigences financières, harcelé par ses éditeurs, Balzac poursuit inébranlablement l'écriture de la Comédie humaine. Selon Zweig, il semble que ce soit sous les contraintes que Balzac se soit montré le plus talentueux et le plus prolifique. Comme si la folie de son entreprise et l'adversité qu'elle engendrait étaient nécessaires à son génie. Il a écrit en moins de dix ans plus de septante romans et donné vie à quelques deux milliers de personnages. Qui plus est, il était perfectionniste et il n'était pas rare de le voir réécrire cinq ou dix fois le même passage. Un galérien du manuscrit qui se gavait de café pour éviter ensommeillement.

Artiste pur et très adroit, il était un homme intéressé et arriviste. Les complications de sa vie, qu'elles soient professionnelles ou sentimentales, en ont fait un personnage idéal de fiction, ce qu'a parfaitement compris Zweig. Ce dernier était aussi conscient de l'importance De Balzac en tant que littérateur essentiel, preuve en est cette biographie immense, à l'image du romancier. le biographe autrichien propose un texte facile d'accès, moderne et fluide, empreint d'une grande justesse historique et, surtout, l'essentiel selon moi, il avait parfaitement compris l'être qu'était Balzac grâce à un travail minutieux sur base de documents publics et privés liés à l'auteur français.

L'énergie nécessaire à ce labeur de longue haleine trouve forcément sa source dans une grande passion pour l'oeuvre balzacienne.

Un des aspects dynamisant du livre est qu'il pousse à lire ou relire Balzac. J'avoue que je n'étais pas un grand lecteur de cet Honoré qui restait pour moi un grand classique de lycée. J'ai d'abord entrepris un texte court, "Le chef-d'oeuvre inconnu". Je ne l'ai lâché qu'à la dernière page. Brillante réflexion sur l'art, le démon de la peinture, ses excès, la folie des artistes, l'oubli de l'être cher au profit de la chimère artistique.

Sur la même lancée, je viens de terminer le curé de Tours. Un texte prenant d'où émerge un magistral discernement psychologique: nous entrons de plain-pied dans une grande tragédie humaine où Balzac s'entend fameusement à en déceler la monstrueuse hypocrisie. Tour cela roule et coule, intelligent, à travers l'expression de l'intériorité individualiste de prêtres et de vielles filles.

Vifs remerciements à Stefan Zweig, au Livre de Poche et à Babelio de m'avoir (re)conduit là.

Voilà une excellente biographie, que tout amateur De Balzac ou de littérature classique du 19ème siècle gagnera à posséder. Ne fût-ce que pour y retrouver le talent d'un auteur, qu'à tort, on estimerait anachronique.

Lien : http://www.christianwery.be/..
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Balzac, que je découvre, raconté par Zweig, que j'adore : on ne pouvait rêver mieux.
C'est en effet un destin exaltant que celui de cet homme, fait d'ombre et de lumière.
D'un côté le génial peintre de son temps, bourreau de travail, doté d'une imagination sans bornes et d'une acuité de regard hors normes, façonneur d'une oeuvre monumentale chez qui les phrases ourlées coulaient comme d'une corne d'abondance.
De l'autre, un être épris de luxe inutile, n'aboutissant jamais dans ses entreprises autres que l'écriture: papeterie, journaux, immobilier, agriculture, rien ne dure et tout échoue sur des murs de dettes colossales.
D'un côté amoureux fou, de l'autre calculant les entrées que ses belles lui feraient dans le grand monde.
Toute sa vie aimé par des femmes protectrices, et mort dans une solitude désespérante, avec pourtant Victor Hugo à son chevet.
L'empathie et le respect de Stefan Zweig perlent à chaque ligne de cette biographie qui fait un lien constant entre tous ces thèmes : l'oeuvre, les femmes, l'argent. C'est passionnant comme l'est le bonhomme, mais je me suis pourtant un peu trainée à la lecture de cette biographie publiée après la mort de l'auteur, dont on sent à je ne sais quoi d'inachevé, à des redondances nombreuses, que Zweig n'a pas eu le temps de lui apporter la couche de polissage final qui font de ses oeuvres les pièces d'orfèvrerie qu'on lui connait.
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Le 28 octobre 2017 j'ai visité le Musée Balzac de Saché en Touraine (le ticket d'entrée qui me sert de marque-page l'atteste). C'est là aussi que j'ai acheté cette Biographie**, même si le titre le dit bien, la vie De Balzac fût surtout un Roman**, que même lui n'aurait pas osé écrire. À Saché, où Balzac est venu souvent se reposer et se mettre à l'abri de ses nombreux créanciers, j'ai vu le plan qu'il avait élaboré pour La Comédie Humaine : Dantesque (le clin d'oeil à la Divine Comédie est assumé par Balzac lui-même) ; C'est le mot qui vient en voyant ce qu'il a eu le temps d'écrire (90 livres dont 74 romans écrits en 20 ans (dont une bonne partie de chefs-d'oeuvre)) et ce qu'il prévoyait d'écrire - notes et synopsis à l'appui -. Mais Balzac meurt à cinquante et un ans, épuisé ; La description de sa mort par Victor Hugo est retranscrite dans les dernières pages. Stephan Zweig utilise d'ailleurs beaucoup d'extraits de romans, de correspondances etc., pour enrichir son texte. Balzac fût endetté toute sa vie malgré l'incroyable succès qu'il eu dans toute l'Europe (peut-être même plus qu'en France) ; Il fût aussi extrêmement dépensier, toujours dans l'excès, souvent sauvé psychiquement et financièrement par des femmes (merveilleux personnage que Zulma Carraud, l'une de ses amies de toujours). Cherchant dans des aventures spéculatives (mines en Sardaigne, Chemins de Fer du Nord ...) l'argent qu'il dépensait dans des objets luxueux ou supposés tels. Avide qu'il était d'entrer dans le grand monde de l'aristocratie, en même temps qu'il peignait à la perfection les vaniteux et autres ambitieux de ce monde. On ressent toute l'admiration que Zweig voue à Balzac pour son travail, pour l'artiste, pour sa volonté, et en même temps la pitié qu'il a pour le fantasque, l'inconséquent et le pathétique personnage qu'il fût. J'oublie certainement des choses de cette vie affolante ; sa jeunesse de mal-aimé, ses voyages à la poursuite de la Comtesse Hanska, son métier d'entrepreneur dans l'imprimerie, de journaliste, de piètre dramaturge ... Page 67 : « Il travaille pour se libérer de la nécessité de travailler, il se rend esclave pour se libérer de la servitude, et ce tragique paradoxe va devenir dorénavant la forme et la formule de sa vie. ». S. Zweig fait ici oeuvre de journaliste d'investigation et d'historien, mais surtout de romancier pour décrire si finement les sentiments ambigus, les ambitions et les contradictions de ce génial personnage ... de roman ( ?). Allez, salut.
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Au premier abord, le portrait n'est pas flatteur. Balzac, un homme trop gras, trop rouge, suant, soufflant et dont l'éducation laisse à désirer. Balzac, un homme qui n'assume pas son origine modeste et qui n'aura de cesse de vouloir accéder à l'aristocratie en cherchant une épouse noble et riche. Balzac, un homme naïf qui mille fois a cru faire fortune et mille fois échoué se retrouvant endetté jusqu'au cou et continuant cependant à vivre au-dessus de ses moyens. Bref, un homme en qui on ne pouvait faire confiance et dont le sens des affaires était en dessous de zéro.
En réalité, un génie de l'écriture avec une capacité de travail inégalé, un homme à l'intelligence hors du commun qui n'avait pas son pareil pour sonder l'âme humaine et particulièrement celle des femmes.
Et l'écriture précise et magnifique de Zweig qui nous emporte dans la vie passionnante mais trop brève de cette comédie humaine.
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Le joueur d'échec de Zweig

Quel est le nom du champion du monde d'échecs ?

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Thème : Le Joueur d'échecs de Stefan ZweigCréer un quiz sur ce livre

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