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Critique de Denis_76


C'est un merveilleux petit livre, assez méconnu, de ce formidable auteur.
Merveilleux, car on voit, au fil des années de guerre, le caractère de Zweig changer.
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Je crois que c'est pendant la guerre de 14-18 que l'auteur a affermi ses convictions.
Ce livre est une chronique de la première guerre mondiale, qui paraît au fil des événements, dans les journaux.. Son originalité tient dans le coeur particulièrement sensible, et l'empathie de Stefan Zweig.
L'auteur est réformé, et observe « avec son coeur », l'évolution des opérations.
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En effet, en 1914-1915, en bon nationaliste autrichien, mais qui aime malgré tout ses amis étrangers, il leur dit « adieu avec regret », mais, en même temps, il admire les mortiers de son pays.
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Puis, peu-à-peu, il doute de l'intérêt de la guerre, prend pitié des Belges et des Polonais, car il a vu sur place, il est parti en Pologne pour le compte de l'Etat.
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Enfin, le livre-témoignage d'Henri Barbusse paru pendant la guerre, « Le Feu », qui relate pendant deux ans les espoirs et la misère des camarades « poilus » de son escouade, le fait craquer. Mais laissons la plume de Stefan Zweig courir sur ces lignes :
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«  C'est fini. les deux derniers hommes de cette escouade qui en comptait dix-sept rôdent sur le champ de bataille que les obus ont pilonné à mort. Ils cherchent les camarades qui, une heure auparavant, jouaient aux cartes avec eux, et trouvent des corps en lambeaux à la place des seuls frères qu'ils ont aimés, avec lesquels, deux années durant, comme les muscles et la peau, ils n'ont fait qu'un. »
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Pendant plusieurs pages, il fait ainsi l'éloge du livre d'Henri Barbusse.
Il est bouleversé et, profondément choqué par les décideurs hypocrites qui « ne mettraient pas un talon dans les tranchées », veut créer un grand mouvement pacifiste mondial, et lancer par une chronique anaphorique un appel solennel en été 1918  :
« Nous sommes des défaitistes : c'est-à-dire... » ...sept fois, sept raisons, sept explications différentes anti-orgueil, anti-frontières, anti-honneurs.
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Ce livre est bouleversant, pas au début, mais petit-à-petit, car on suit l'évolution de la pensée de l'auteur au fil de ces quatre ans de guerre, qu'il trouve justifiée, puis il doute, et enfin ses convictions pacifistes s'affirment.
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Il parle de « Cette boucherie sur ordonnance » , et ça me rappelle Louis-Ferdinand Céline ;
Il fait l'éloge de : « Le Feu », et ça m'évoque « Les Croix de Bois » ;
Plusieurs fois, il insiste sur l'hypocrisie des puissants qui, opportunistes, retournent leur veste, et je pense à Talleyrand et … Jacques Dutronc  ;
Il souligne la différence capitale entre opinion du peuple sur laquelle jouent les politiques, et conviction d'un homme, et ça me rappelle Socrate et le Mythe de la Caverne dans « La République » ; les apparences ne sont pas la réalité ;
Zweig a peut-être influencé les socialistes qui ont renversé Guillaume II pour arrêter la guerre, car il pense comme Rousseau qu'un homme vaut plus que des idées ; et me revoilà devant « Mein Kampf », quand Hitler s'excitait de ce que les Allemands n'aient pas été jusqu'au bout de la guerre, et je peux même l'imaginer :
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« Ach so ! Zes Gons de Deutsche Zozialistes  !
Ils ont Kapitulé !
Mais je me vengerai ! »
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Tout ça est loin d'être risible, la vengeance est un terrible défaut humain, et quand ce salopard a fait éclater la deuxième guerre mondiale, je comprends le dépit du pacifiste Stefan : ses nerfs ont craqué :
« ça ne s'arrêtera donc jamais ? » a-t-il sans doute pensé.
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Tu aurais dû attendre un peu, Stefan, au lieu de partir en 1942, et tu aurais vieilli dans la paix, car, si l'on exclut le drame de l'ex-Yougoslavie, ça fait enfin 75 ans que l'Europe est en paix !
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Le dernier mot est pour l'auteur :
« La justice, l'égalité, le droit à l'autodétermination des individus et des peuples, la fin de la violence, la concorde éternelle ; toutes ces grandes idées, aucun de ces morts ne les apportera par son sacrifice. Seuls les vivants créent le monde. »
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