Citations sur De quoi avons-nous vraiment besoin ? (27)
Aborder les études sous l'angle de leur valeur économique marchande, c'est accepter qu'elles soient subordonnées à des intérêts économiques. C'est donc renoncer à ce qu'elles soient un temps à part dans l'existence, un temps de construction d'une conscience citoyenne et d'acquisition d'une culture commune. L'acquisition de connaissances et la construction d'une pensée critique laissent donc place à la recherche de "compétence professionnelles", ce qui passe par la formation d'une main-d'œuvre et de "ressources humaines" dociles.
C'est que, point d'orgue d'une évolution sur laquelle nous allons revenir, la philosophie progressivement imposée à l'hôpital était qu'il adopte une logique de flux. L'hôpital ne devait plus être ce lieu d'hospitalité, où l'on prend soin, mais un lieu de passage, où le patient ne devait être retenu que le temps le plus court possible. Priorité absolue à "l'ambulatoire". Exit la relation patient/soignant, l'écoute, le temps passé à comprendre, à adapter la thérapie au cas particulier. Exit le soin. Tout était fait pour que l'hôpital sans hospitalité, centre de tri et de traitement, avant réexpédition, devienne la norme.
La question des besoins est au cœur de la confrontation sociale.
Parallèlement, dans l'objectif d'une société reposant sur le vivre-ensemble, il semble important de définir un plafond, une rémunération maximale qu'un individu ne pourrait dépasser.
Aborder la période qui s'ouvre devant nous sous l'angle du soin, comme nous entendons le faire ici, permet d'aller au-delà des idées convenues et d'affirmer ceci: il ne peut y avoir de santé sans soin, c'est-à-dire sans relation entre les hommes, un rapport au monde, un souci du monde, autres que ceux qui ont prévalu jusqu'ici. Dans le champ de la santé aujourd'hui, le soin est quasi systématiquement associé à une simple activité curative qui se trouve par ailleurs trop souvent réduite à un ensemble de pratiques techniques mesurables. Continuer de s'y soumettre, c'est se condamner à se priver des moyens de faire face. Il convient d'opérer une véritable révolution, une reconquête du soin.
L'égalité ne s'oppose pas à la liberté, elle en est la condition indépassable. La dérive autoritaire du néolibéralisme est l'expression la plus éclatante que la liberté purement individuelle affichée par les néolibéraux est un faux nez qui cache de plus en plus mal les rapports de domination brutes qui fondent depuis toujours le capitalisme.
Ainsi, plusieurs décennies de néolibéralisme se soldent par une détérioration des solidarités et une recrudescence des inégalités économiques et sociales. Rappelons qu'il s'appuie sur l'idée que le marché et la liberté individuelle fondée sur la propriété privée mèneraient au bien-être de chacun. Nous voyons que non seulement le bien-être de chacun se dégrade, mais les liens sociaux également; le vivre-ensemble semble de plus en plus difficile quand les écarts de revenus, de patrimoines ou les inégalités sociales dans leur ensemble sont si grands. Les néolibéraux présupposent que le marché constitue un lieu non conflictuel où se rencontrent des individus égaux dont les transactions elles-mêmes garantissent cette égalité. C'est l'inverse. Le marché est un lieu de lutte où se rencontrent des entités au pouvoir très différent économiquement et socialement - quel poids a le consommateur lambda face à Amazon ? - et où se creusent les inégalités.
La qualité des denrées alimentaires est directement déterminée par l'organisation du travail et le système technique mis en œuvre. Il est évident qu'une tomate produite par l'agriculture industrielle avec beaucoup d'intrants chimiques, des moyens techniques mécaniques et puissants, beaucoup de conditionnement et de transport et peu de travail humain n'aura pas la même qualité qu'une tomate biologique produite au sein d'une AMAP et distribuée en circuit court. C'est le discours fallacieux des industriels de l'agro-industrie que de tenter de nous faire croire qu'il s'agit exactement des mêmes tomates.
Il n'en est rien. Non seulement pour la tomate elle-même, mais surtout que ce que coproduit la tomate industrielle en termes de déqualification et de précarité du travail, de dégradation de la biodiversité et d'émission de carbone. Les deux tomates, avec un nombre de calories similaire, n'ont pas le même goût social et écologique et probablement par les mêmes effets sur la santé.
La domination des marchés financiers sur la stratégie des entreprises conduit systématiquement à donner priorité absolue aux actionnaires, au détriment des salariés et des usagers ou clients. Les fusions-acquisitions sont en effet une manière de créer artificiellement de la "valeur" pour les actionnaires à travers la recherche de "synergies", en clair des destructions d'emplois pour doper à court terme les dividendes.
Introduire le "bien manger" à l'hôpital, abolir les plateaux-repas sous plastique, remettre des cuisines dans les hôpitaux et promouvoir une alimentation saine et locale, est-ce là une demande vraiment extraordinaire ?