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Critique de candlemas


Je reprends le clavier sur Babelio après une longue césure, en ce jour si particulier pour toute l'humanité de noël 2020. Dans chaque coin de la planète, cette année, qui culmine et s'achève avec la conjonction de Saturne et Jupiter aura été celle du triomphe du petit.

En rappel à nos rêves stériles de grandeur, à nos égoïsmes, à notre désir insatiable de tout tout de suite, et même à nos tentatives de transcendance de cette volonté de puissance dans de grandes causes, de grandes luttes, la nature s'est rappelé à nous par l'invisible, l'imprévu, le non contrôlable.

En cette année si particulière, chacun de nous aura pu prendre conscience -par la privation- de ces petites choses du quotidien qui fondent notre sentiment d'être libre, nourrissent notre existence sociale, notre existence au monde, et participent ainsi de notre bien-être intérieur en tant qu'humain.

Comme vous, comme nous tous peut-être, mes émotions m'ont porté de soumission en rébellion, du désoeuvrement à l'expérimentation de champs nouveaux, de la poursuite éperdue de lien social à la découverte des vertus de la solitude, et en tous les cas à l'abandon des certitudes.

Les femmes et hommes modernes que nous sommes, passé la torpeur du 1er choc, ont aujourd'hui l'opportunité de se reconnecter non de manière intellectuelle, mais très concrète. Nous ne pouvons plus être dupes des postures, rôles sociaux, systèmes, médias, qui nous bercent d'irréel.

L'environnement se rappelle à nous, et nous force à prendre conscience que ce que nous croyons être est tout petit face à ce grand tout. L'environnement, pas seulement planétaire, mais celui de notre proximité immédiate, traversée de peurs, de haines de l'autre, de pertes, de souffrances économiques et sociales, est venu nous bousculer dans notre choix paresseux de l'aveuglement, ou de la passivité coupable, qui revient au même.

Par le recours à l'infiniment petit, à des bourrades de cour de récré, si petites finalement face aux forces sauvages que la nature est capable de déployer, ces temps de pandémie mondiale nous ont déjà appris la valeur de la résilience, qui tient finalement à si peu de choses, pourtant essentielles. Ils nous invitent à présent à cesser de subir en esclaves plaintifs la volonté des dieux, des puissants ou de forces sans anima, et à concentrer l'énergie de cette vie donnée, si petite, courte et fragile, et en même temps si précieuse, pour re-devenir acteurs de notre propre transformation.

Face à ce retour aux questions fondamentales du vouloir, de la liberté, de l'interdépendance et de l'impermanence, il n'est peut-être pas inutile de (ré-)interroger la sagesse des anciens :
Le Manuel d'Epictète est à ce titre un modèle de synthèse et de clarté.

S'il s'agit de simplement le lire, cela vous prendra une heure tout au plus, mais s'il s'agit de le méditer, de l'intégrer, personnellement j'en ai fait mon compagnon durant quatre mois, et si enfin l'ambition -la seule qui vaille finalement- est de le pratiquer, des générations de stoïciens -malheureusement en voie de disparition parmi nos intellectuels et décideurs contemporains- vous diront qu'une vie n'y suffira pas... d'où l'urgence de commencer dès maintenant...

La longue introduction de Pierre Hadot étant remarquable, nourrie par les commentaires d'Arien, Simplicius , Marc-Aurèle ou Cicéron, je conclurai cette critique par des extraits choisis du texte lui-même :

Extraits du Manuel d'Epictète. Arien.
Traduit et commenté par Pierre Hadot.Classiques de Poche.

"Parmi les choses qui existent, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Dépendent de nous jugements, valeurs, impulsions à agir, désir, aversion. Ne dépendent pas de nous le corps, nos possessions, les opinions que les autres ont de nous, les magistratures.
Les choses qui dépendent de nous sont par nature libres, sans empêchements, sans entraves. Les choses qui ne dépendent pas de nous sont dans un état d'impuissance, de servitude, d'empêchement, et nous sont étrangères.

Si tu veux, ayant un désir, ne pas le manquer, tu le peux, à condition de désirer une chose qui dépend de toi, c'est-à-dire par exemple de pratiquer telle ou telle vertu. Exerce toi donc dans les choses dont tu es capable. Mais est maître de chaque homme celui qui a pouvoir sur les choses que cet homme veut, ou bien ne veut pas, soit pour les lui procurer, soit pour les lui enlever. Quiconque veut être libre ne doit ni vouloir ni refuser quoi que se soit des choses qui dépendent des autres.Sinon il est nécessaire qu'il soit esclave."

Joyeux noël 2020 et prenez soin de vous.
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