Là où le vent joue à se cacher dans la forêt sombre, et danse avec la poudreuse légère. Là où il peut courrir sur la glace en criant, sans barrière pour l'arrêter. Là se trouve la réelle liberté, dans une nature primaire et des hommes perdus dans l'espace, le blanc recouvre de sa tranquillité le vert profond des mélèzes emprisonnés. 





Baikal. 





Toundra. 





Puis un claquement retentit près de votre oreille, et le cadre se fissure de part en part. Le socle fragile, reconstitué de morceaux de votre vie brisée, s'effondre. Les rouages terrifiants de la Russie paranoïaque se mettent en route. Et pris dans la gueule du monstre, le Dr Pierre Morland, médecin légiste français, assistant à un étrange duel entre deux hommes extrêmement déterminés. Un témoin malgré lui, une épine dans une histoire sans interprétation autorisée par l'Etat.





J'ai connu le temps de l'URSS, et j'ai vu tomber les dictatures de l'ancien bloc, révélant le règne de la peur et des exactions. Les cours d'histoire de mon enfance ne regorgaient pas de la Grande Russie, mais palpitaient de Guerre froide. Et j'avoue que le gigantesque Etat Slave me fait encore trembler aujourd'hui, alors que résonnent des histoires d'empoisonnement et d'accidents malencontreux mais bienvenus. J'avoue que le fait seul d'écrire cette peur me glace terriblement. 





Le parcours du Dr Morland ne fait que confirmer cette terreur, et j'ai lu ce thriller haletant en faisant le moins de bruit possible, pour ne pas éveiller l'attention, sur lui, comme sur moi. Et pourtant, il me reste un parfum de liberté et d'amour transfusé par Jean-François Pasques. Un amour sans limite pour ce territoire immense qu'est la Russie, et encore plus pour cette Terre gelée qu'est la Sibérie. Une Terre cristallisant jalousement ses secrets, cachant ses occupants - hommes, animaux, végétaux - dans une enveloppe soyeuse de neige, et une coque de glace. Une Terre de liberté, où un homme s'obstine à se mêler aux éléments, par-dessus toute peur.





Un roman bouleversant, un cri de peur et d'amour mêlés, qui dit toute la fragilité et la force qu'il faut pour vivre. Le feu et la glace.





Svetlana