— Ça va, tu n’as rien ?
Alice cligna des yeux. Elle se retint de rappeler à la jeune femme qu’elle n’avait aucune substance et que même si ça avait été le cas, elle n’aurait pas été programmée pour ressentir la douleur. À ses débuts, elle aurait fait l’erreur. Plus maintenant.
Elle préféra donc jouer le jeu, une attitude illogique et foncièrement humaine qu’elle
avait apprise au contact de Monica.
— Tout va bien, merci, dit-elle en époussetant ses vêtements inexistants. Le repas est prêt, tu me rejoins à table ?"
Monica passait ses journées chez elle et ne sortait que pour aller au bureau, faire les courses, se rendre à la clinique… Elle ne recevait jamais personne. Au début, dans la période suivant son activation, Alice lui en avait régulièrement fait la remarque, soucieuse de la santé mentale et affective de sa propriétaire. Pourquoi ne jamais inviter le moindre ami ou collègue de travail ? La réponse de Monica avait toujours été la même : « Mon amie, c’est toi, et tu es déjà là. »
Les hologrammes comme Alice tenaient compagnie aux gens contraints à la solitude par leur physique, leur travail, leur inaptitude en société… En ce qui concernait Monica, ses yeux bruns brillaient d’intelligence au milieu d’un visage aux traits bien dessinés, mais elle manquait d’assurance et ne faisait aucun effort pour entretenir une vie sociale.
Jusqu’à présent, les faits avaient donné tort aux sociologues qui prédisaient le cloisonnement et même l’extinction de l’espèce humaine. Les cas d’extrême isolation de ce genre étaient une minorité à l’échelle mondiale. L’être humain restait un animal social, et la technologie reflétait cette nature.
Les lois contre la cyberdépendance avaient été allégées des années plus tôt.
Ces asociaux coûtaient moins cher à la société quand on ne leur imposait pas de thérapies remboursées… Tant qu’ils restaient productifs, c’était inutile de les forcer à rentrer dans le rang.
— Le repas est bientôt prêt, l’appela Alice depuis le salon.
Monica revint dans la pièce à l’aveugle, un pull à moitié passé sur la tête, et heurta une étagère avec un cri de surprise. Le meuble bascula sur Alice et la traversa.
Alice resta silencieuse quelques secondes, une éternité à l'échelle de son processeur. Assez longtemps pour que Monica commence à angoisser. C'était absurde, Alice n'était pas programmée pour avoir de la rancœur, mais Monica se sentait suffisamment mal pour pouvoir imaginer des reproches dans le regard calme posé sur elle.
Le robot policier ne lèverait pas le petit doigt. C'était le principe de la privatisation de la police et des pompiers.
Au début, dans la période suivant son activation, Alice lui en avait régulièrement fait la remarque, soucieuse de la santé mentale et affective de sa propriétaire. Pourquoi ne jamais inviter le moindre ami ou collègue de travail ? La réponse de Monica avait toujours été la même : « Mon amie, c'est toi, et tu es déjà là. »
Le robot policier ne lèverait pas le petit doigt. C'était le principe de la privatisation de la police et des pompiers