Pauline Duhamel

Jo promena son regard dans la pièce. Ses yeux s’éclairèrent de bonheur devant la vision qui s’offrait à elle.
Son père et sa mère étaient assis côte à côte, revivant dans la sérénité le premier chapitre de ce roman qui, pour eux, avait commencé quelque vingt ans auparavant. Amy dessinait les deux amoureux, assis à part dans le monde si beau qui était le leur , et dont la lumière illuminait leurs visages avec une grâce que la jeune artiste n’aurait su rendre. Beth reposait sur le sofa, bavardant gaiement avec son vieil ami M. Laurence. Il tenait sa petite main comme s’il percevait qu’elle possédait le pouvoir de le mener le long du chemin paisible où elle marchait. Jo s’installa sur sa chaise basse préférée avec sur son visage cette expression calme et grave qui lui allait si bien. Laurie, appuyé au dossier de sa chaise, le menton à la hauteur des cheveux bouclés, souriait de son sourire amical et lui adressait des clins d’œil dans le long miroir qui les reflétait tous deux.

_ Je suis venue vous remercier, Monsieur, pour un…
Mais elle n’acheva pas, car il avait un air si amical qu’elle oublia son petit discours et, se souvenant seulement qu’il avait perdu une petite fille qu’il aimait, elle lui mit les bras autour du cou, et elle l’embrassa. Si le toit de la maison s’était envolé, le vieux monsieur n’aurait pas été plus plus surpris; mais cela lui plut - mon Dieu, oui, cela lui plut terriblement !

Il y a de nombreuses Beth dans le monde, timides, tranquilles, vivant pour les autres si naturellement que personne ne s'aperçoit des sacrifices qu'elles font jusqu'à ce qu'elles disparaissent, laissant le silence et l'ombre derrière elles.