Rouge. Il y a déjà un moment que c’est rouge. Rouge partout, rouge dedans et rouge dehors, il n’y a plus d’autre couleur. Rouge brûlant, rouge comme la terreur d’un soleil invaincu qui me darde sans pitié de ses rayons acérés. Rouge. La terre est rouge comme une orange sanguine. Rouge tuerie, rouge boucherie, la bave aux lèvres annonce le repas du guerrier. Rouge sanglant, rouge telle une éternité en fusion, tel un lac de lave dans lequel je me baigne et me brûle...
Je ne crois pas être quelqu’un de foncièrement mauvais. Au contraire, j’ai le sentiment de m’en tenir le plus souvent possible à ce que l’on appelle « le bien », avec la marge d’erreur liée à l’absolue solitude à laquelle je suis astreint. Bien entendu, je suis parfois victime de « glissements », mais le noir et le blanc n’existent que dans les films expressionnistes allemands, n’est-ce pas ?
L'homme-seringue s'entrouvre, il a une haleine de poubelle, sa langue est une aiguille qui s'insinue entre mes lèvres... Alors je serre les dents de toutes mes forces, je mords jusqu'à ce que j'entende un hurlement, je serre et serre encore... Il y a du sang dans ma bouche, je mords de plus en plus fort, mes dents tranchent quelques chose de grumeleux que je crache aussitôt dans l'égout.
Comment quelqu'un qui aurait passé soixante ans de sa vie dans un état d'idiotie béate et d'inculture crasse pourrait-il soudain accéder au stade du vieux sage érudit, sous le seul prétexte que ses cheveux ont blanchi et que ses dents sont tombées ?
Satan est une idée qui se nourrit de celle de Dieu. Je ne crois pas en Dieu. Les pigeons ont besoin de la croix pour déféquer dessus. Et moi, les pigeons, je les bouffe.