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Critiques de Al Feldstein (28)
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Crime SuspenStories, tome 3

Cette anthologie de récits policier permet de plonger dans les années 50 américaines. On retrouvera les cheveux gominés, les blondes fatales, les voitures rutilantes, les costumes sur mesure. Ces histoires courtes et indépendantes mettent souvent en scène des héros de roman noir, des personnages courant à leur perte, sur lesquels les griffes du destin s'apprêtent à se resserrer, à la manière d'Hitchcock et de Clouzot au cinéma, ou de W. R. Burnett pour la littérature. Les intrigues sont classiques – des escroqueries en tout genre, des meurtres parfaits, des crimes passionnels, des captations d'héritage, etc. – mais démontrent une effroyable efficacité et un talent d'écriture, dans un registre souvent proche de l'horreur. D'ailleurs la plupart des auteurs, tels que Al Feldstein, Bill Gaines, travaillaient également pour "Les contes de la crypte", une série voisine qui influencera les maîtres de l'horreur contemporaine. 200 planches pour ce seul épais volume, d'une série qui en compte 4.
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Weird science, tome 3

Voilà bien la richesse de ces histoires, dépeindre un avenir plus ou moins utopiste qui n'est pas là pour systématiquement rassurer.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Came the Dawn and Other Stories

En 2012, Fantagraphics commence à rééditer des histories publiées par EC Comics, en les organisant par dessinateur. Le premier tome est consacré à Harvey Kurtzman (Corpse on the Imjin and other stories), le second à Wallace Wood, le troisième à Al Williamson (50 Girls 50 and other stories), le quatrième à Jack Davis (Taint the meat...it's the humanity! and other stories). Ce tome comprend 26 histoires (de 7 pages) dessinées par Wallace Wood (17 juin 1927 - 02 novembre 1981), dans les genres "horreur" et "crime". Les histoires de science-fiction dessinées par Wood pour EC ne sont pas dans ce tome.



Le tome commence par une introduction de 7 pages, rédigée par Bill Mason (un universitaire avec une solide connaissance des comics) qui contextualise chacune des histoires en 3 phrases. Chacune des histoires est bâtie sur le principe d'une situation conflictuelle, avec une chute ironique ou horrifique, relevant d'une forme de justice poétique. Les premières histoires appartiennent au registre de l'horreur avec un loup garou, un magicien qui découpe vraiment son assistante, un cadavre qui refuse de rester allongé dans une morgue, un collectionneur de têtes réduites, des monstres de foire dans un cirque, un artiste travaillant la chair humaine, un vampire, une vieille sorcière ayant changé de corps avec une jeune femme, etc.



À peu près à la moitié du volume, les histoires changent de registre pour mettre en scène le racisme contre les noirs, les condamnations sommaires sur la base de la suspicion (sans preuve), l'antisémitisme, la corruption passive, l'éducation conservatrice de parents bornés, les dérives des milices civiles, et l'incitation à la haine raciale.



Sur ces 26 histoires courtes, 20 ont été écrites par Al Feldstein, 4 par Gardner Fox, et 2 par des scénaristes non identifiés. Le tome se termine avec 3 pages retraçant la carrière de Wallace Wood, 2 évoquant rapidement les scénaristes et éditeurs d'EC Comics, et enfin 3 pages consacrées aux EC Comics.



EC Comics est le nom d'un éditeur mythique de comics américain. Il est mythique parce qu'il a opéré pendant les années 1950 (soit une époque très reculée en termes de comics) et parce qu'il publiait des histoires d'horreur (en particulier dans 3 anthologies "Tales from the crypt", "The vault of horror" et "The haunt of fear"), mais aussi parce que ces histoires s'adressaient à des adolescents plus qu'à des enfants. Le niveau d'horreur graphique (très relatif pour un lecteur d'aujourd'hui) et quelques sujets délicats (le racisme ordinaire) ont valu à ces comics d'être pointés du doigt par le docteur Fredric Wertham, comme l'une des sources de la délinquance aux États-Unis du fait de leur impact sur l'esprit sensible des jeunes lecteurs.



Les premières histoires ressemblent à ce à quoi on peut s'attendre : des images manquant un peu de sophistication, des bulles de pensée explicative, un texte trop écrit, et des chutes que l'on peut sentir venir. Il reste quand même possible de détecter de ci, et là, une case dont la profondeur de champ ou les détails impressionnent. Dans la première histoire, page 6, la case en base à gauche montre 2 personnages marchant dans une rue, vus en plongée, et les dessins des maisons prouvent que Wallace Wood possède une bonne connaissance de ce qu'il dessine. Page 13, la case en bas à droite montre une jeune femme marchant sous la pluie, sur une route de campagne. Wood a pris du temps pour figurer le revêtement sous la pluie, pour montrer la jupe flottant au vent, l'éclair, la palissade longeant la route, l'alignement des arbres ; il y a une quantité de travail impressionnante en 1 seule case. Passé le premier tiers de l'ouvrage, chaque dessin devient un petit plaisir pour lui-même, que ce soit les têtes des personnages, les vêtements, les décors, les bâtiments, etc. Malgré la taille relativement réduite des cases (de 7 à 9 cases par page, dans un format légèrement plus petit que celui d'un comics traditionnel), Wood crée à chaque fois un dessin dense en informations visuelles.



Passé les histoires de Gardner Fox, le lecteur découvre celles d'Al Feldstein qui mettent en scène des sentiments réalistes pour des drames humains plausibles (même si la construction avec une chute conduit à un dénouement prévisible), et plus adultes dans leur propos. La narration proprement dite reste assez pesante avec des bulles de pensées et des textes copieux au dessus de chaque case. Mais une fois passées les histoires horrifiques, les dialogues deviennent plus vivants et sonnent juste pour exprimer le racisme ordinaire, la suspicion, la mesquinerie, la peur de l'autre. Les bulles de pensée se transforment petit à petit en une narration intérieure du personnage principale, toujours un peu empruntée, mais moins artificielle. La deuxième moitié se lit avec plaisir, sans que les histoires ne paraissent leur âge. Le texte introductif permet de comprendre que pour l'époque ces histoires à caractère social avaient un impact très fort, car elles mettaient en scène des problématiques peu médiatisées (les actions de Martin Luther King prennent de l'ampleur à partir du milieu des années 1950).



Parallèlement, le lecteur peut voir les dessins de Wallace Wood se bonifier d'épisode en épisode, pour atteindre une puissance d'évocation et d'immersion peu commune à partir de la moitié du tome. Petit à petit, il est possible de voir l'influence de Will Eisner s'estomper pour laisser la place à un style plus personnel. À partir de "The guilty" (la quatorzième histoire du recueil), le lecteur a l'impression de côtoyer chacun des personnages, de se trouver dans leur salon, d'arpenter les rues de leur ville. Il est possible de regarder chaque page et de s'abîmer dans la contemplation de chaque case pour le plaisir esthétique qui s'en dégage. Page 91, une foule conduit un noir menottes au poing, chaque visage est différent et exhale un sentiment de violence haineuse. Page d'après, le prisonnier monte les marches menant au poste de police, et une trentaine d'individus le prennent à partie. Le lecteur peut voir la tension qui émane de la scène.



Page 100, un homme en costume est assis dans son fauteuil en train de téléphoner dans son salon. Le lecteur n'a pas de doute sur la réalité de la situation, sur la véracité de sa tenue vestimentaire, sur l'expression un peu ennuyée de son visage. Page 119, le lecteur voit l'inspecteur de sécurité incendie pénétrer dans une salle de boîte de nuit en sous-sol. En 1 case, Wood dépeint les danseurs, l'atmosphère enfumée, les gens attablés, un serveur se frayant un passage ; en 1 case le lecteur est là, présent dans cette salle, à cette époque. Page 135, un chasseur accueille une belle pépée blonde dans sa cabane au fond des bois. Cette femme est magnifique de sensualité et de candeur, d'ingénuité et de manipulation. Dans chaque histoire, Wallace Wood fait des merveilles pour dépeindre les scènes de foule, reproduire l'apparence ordinaire des individus de tous les jours, recréer des environnements qui ont l'apparence de la réalité de l'époque, et dessiner de magnifiques jeunes femmes.



Ce tome constitue une entrée idéale pour découvrir les histoires réputées d'EC Comics dans la veine sociale, ainsi qu'un dessinateur capable de dépeindre une Amérique réaliste, dramatique, et très crédible. Il est à réserver aux lecteurs curieux de découvrir des comics des années 1950, sans superhéros, et Wallace Wood dans ses oeuvres plus réalistes.
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Weird science, tome 1

De 1979 à 1982, il aurait été hors de question de ne pas être face à ma télévision le samedi après-midi.



Impensable. Même pas en rêve. Il y avait Temps X et j'avais 8 ans.



On dira ce qu'on voudra sur les frères Bodgdanoff. Tout et son contraire l'ont déjà été. Sauf que ce furent de véritables pédagogues, des passeurs, dans le sens le plus noble du terme.

Sciences et science-fiction réunies, abordées avec un même bonheur de comprendre le monde et ce qu'il nous réserve. Quand je regardais Temps X, ces deux frères étaient un peu les miens alors qu'ils m'expliquaient le monde et mettaient des étoiles dans mes yeux... J'en profite pour ajouter que, rencontrés dans des salons, les jumeaux sont extraordinaires de gentillesse et de générosité avec leur public. Certains auteurs pourraient heureusement s'en inspirer. Là, c'est dit.



Et puis, dans Temps X, il y avait la Quatrième dimension.



De courtes histoires, présentées par Rod Serling où le fantastique le disputait à la science-fiction. Une science-fiction des années 50, typiquement américaine, tiraillée entre fascination scientiste, angoisse techno-apocalyptique et crainte provinciale de l'étranger.

Que ce soit l'épisode de l'homme qui arrête le temps avec sa montre, celui du monstre sur l'aile de l'avion que personne ne voit sauf un seul passager, celui de l'invasion martienne de la Terre finalement supplantée par des vénusiens à trois yeux, les scénaristes de ces petites bijoux (au rang desquels Richard Matheson) se sont clairement inspirés des histoires publiées dans Weird Science.



Les éditions Akiléos rééditent les premiers numéros publiées entre 1950 et 1951 de cette revue. Quatre histoires par numéro et huit numéros, ce sont donc trente-deux histoires en 230 pages. Des histoires aux noms superbement évocateurs tels que Perdu dans le microcosme, Les sons venus d'un autre monde, L'invasion des soucoupes volantes, la micro race...



Des histoires qui se dévorent et se lisent d'une traite. Il est même quasi impossible de lâcher l'ouvrage une fois commencé. Des histoires qui passent finalement assez bien la rampe des années. Bien sûr, le dessin accuse son époque mais cela n'est vraiment pas gênant, au contraire, il s'en dégage un charme évident. Il est aussi assez amusant de constater l'évolution des sociétés américaines et plus largement occidentales, que ce soit dans la représentation du scientifique (ah, le microscope omniprésent !) ou dans celle de la femme et des couples : l'exemple le plus croustillant est celui de Produit du futur où le héros se rend par hasard dans le futur et achète une femme en kit (p. 122), la vendeuse lui fait l'article :



"Eh bien, le kit normal contient une femme normale, alors que le kit de luxe vous propose une femme de luxe. Jamais de harcèlement... jamais de disputes... ne s’oppose jamais à ce que vous restiez tard avec les copains... sourit toujours... cuisine divinement... coud... vous adore en tout... obéit à tous vos désirs. En d'autres mots, la femme parfaite !"



No comment.



Un pur bonheur que ces BD ressurgies du passé, auxquelles on regrettera juste (comme le font remarquer les chroniques ci dessous) l'absence d'introduction. Bref une magnifique surprise ! Il ne reste plus qu'à attendre le deuxième tome (prévu courant de l'année).
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Tales From The Crypt - Antologie, tome 1

Peut-être que vous vous souvenez des Contes de la Crypte ou du Crypte Show ? 😏



Et bien nous y sommes ! Car ceci n'est autre que la version originale de cette licence horrifique. On y retrouvera avec délice le Gardien de la Crypte et la Sorcière, les deux conteurs emblématiques, toujours ravis de nous raconter leurs horreurs, très "à l'Américaine", ces histoires cruelles et sans morale dont ils ont le secret. 💚💜🖤



Je vous rappelle tout de même que nous sommes dans les années 50 quand ce titre est sorti pour la première fois. Les clichés vont donc bon train et certaines intrigues ont tellement été vu, et revu, depuis, que vous risquez d'apercevoir les ficelles... 😬mais pour les amateurs du genre ça a le goût des madeleines et des belles soirées d'été avec les copains. 🤭
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Shock SuspenStories, tome 2

Un vrai régal, encore une fois ! Indispensable !
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Spawn of Mars and Other Stories

Ce tome est le deuxième que l'éditeur Fantagraphics consacre aux histoires dessinées par Wallace Wood, et éditées par EC Comics. Le premier tome se concentrait sur les récits de type surnaturel : Came the dawn, and other stories. Le présent tome regroupe les histoires s'inscrivant dans le genre de la science-fiction, toujours publiées par EC Comics.



Ce tome comprend 30 histoires en noir & blanc, dont 22 écrites par William M. Gaines et Al Feldstein. Wallace Wood a écrit 4 histoires. Les 4 autres histoires sont écrites par Harry Harrison. Wood a dessiné et encré 25 de ces récits. 4 sont mis en images par une collaboration entre Wood et Harry Harrison. Ce dernier dessine et encre le récit restant.



À l'origine, ces récits sont principalement parus dans les magazines "Weird science", "Weird fantasy" et "Shock SupspenStories", entre 1950 et 1952. Ce recueil comprend également une introduction (8 pages) de Bill Mason sur les points saillants des récits, une postface de 4 pages de RC Riggenberg sur la vie de Wallace Wood, 1 page laconique sur les différents auteurs, et 3 pages pour un bref historique contextuel des EC Comics.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse s'inscrivant dans le genre de la science-fiction (de type technologie futuriste et impossible, ou mission d'exploration spatiale), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. Les histoires comportent 6, 7 ou 8 pages. D'une histoire à l'autre, les intrigues proposent des explorations spatiales, des paradoxes temporels, des premiers contacts avec une vie intelligence extraterrestre, des planètes inhospitalières cachant bien leur jeu, un ou deux robots, et bien sûr une apocalypse nucléaire.



Avec ce recueil, le lecteur peut apprécier toute la pertinence de l'éditeur Fantagrahics d'avoir constitué des anthologies autour d'un dessinateur. Le brassage de récits provenant de sources différentes assure une diversité qui empêche la redite. Comme les autres tomes de la collection, le lecteur reste abasourdi devant l'imagination sans cesse renouvelée de William M. Gaines & Al Feldstein. Certes il retrouve plusieurs fois les mêmes prémices, mais il n'éprouve jamais la sensation de lire 2 fois la même histoire. Même lorsqu'il s'agit pour une peuplade survivante ayant tout oublié d'explorer les ruines de la civilisation humaine ravagée par la guerre, la chute est de nature sensiblement différente d'une histoire à l'autre. Par rapport à d'autres recueils, il y a quand même 2 ou 3 histoires plus faibles (celles qu'ils n'ont pas écrites).



Au fil de ces récits, les scénaristes abordent des thèmes aussi divers que les dangers de la science, le caractère destructeur de l'arrogance, la peur de l'étranger et de la différence, le sens de l'intérêt général primant sur l'intérêt particulier, les apparences trompeuses. Au-delà de la forme un peu surannée avec chute poétique, le lecteur peut donc apprécier l'affichage et la mise en scène de valeurs morales bien éprouvées.



Certes ce recueil présente une valeur pour l'importance des EC Comics dans l'histoire de ce médium, mais ce qui attire le lecteur c'est la perspective de découvrir des récits devenus mythiques du fait de l'artiste. Wallace (surnommé Wally) Wood a laissé une marque durable dans le monde des comics, pour plusieurs de ses histoires, et en particulier ses récits de science-fiction. Le lecteur ouvre donc ce recueil avec la promesse de découvrir un des summums visuels de dessins de vaisseaux spatiaux, et de cosmonautes.



Les 5 premières histoires déconcertent un peu. Certes Wallace Wood réalise des images à la hauteur des standards des EC Comics, mais il est encore loin de son niveau dans "Came the dawn, and others stories".



Arrivé à la page 33, le lecteur se frotte les yeux et regarde chaque case avec attention. Dans une case de la hauteur de la page, il y a une fusée oblongue, assez classique, avec des astronautes foulant le sol, leur casque encore sur la tête. C'est à la fois une représentation archétypale, et des dessins détaillés, montrant une technologie d'anticipation crédible, des individus tous différenciés, des vêtements plausibles, avec des plis normaux, des postures ordinaires, etc.



Quelques histoires plus loin, l'image principale page 69 est encore plus immersive. Le costume d'astronaute est réel, la configuration de la cabine de pilotage est logique, avec peu d'espace dans ce genre de vaisseau. Les coupes de cheveux correspondent à la formation militaire. Le panneau de contrôle est raccord avec une technologie d'anticipation.



La densité d'information visuelle permet à Wally Wood de reprendre le dessus sur les phylactères pourtant très copieux, et faire porter la narration aux dessins (un exploit par rapport aux textes de Gaines et Feldstein). À partir de là et jusqu'aux épisodes coréalisés avec Harry Harrison (page 177), le lecteur voit par lui-même Wallace Wood poser les bases d'un nouveau niveau d'exigence en termes de narration visuelle.



Avec ces épisodes, le lecteur observe Wallace Wood définir les archétypes visuels du genre science-fiction de l'époque (années 1950). Il voit la forme des fusées oblongues prendre la forme qui deviendra générique par la suite. Il voit les uniformes des astronautes converger vers la forme qui deviendra canonique par la suite, sauf que les représentations de Wood sont d'une qualité supérieure à ses imitateurs à venir. Wood représente des personnages plein de vie, à l'allure adulte, à la virilité réelle, sans être exagérée. Il fait exister ces environnements imaginaires, en leur conférant une substance et une cohérence remarquables.



Même pour un lecteur assidu des rééditions des EC Comics par Fantagraphics, ce recueil réserve aussi des surprises narratives. Contre toute attente, une ou deux histoires laissent le premier rôle à une femme (en particulier la scientifique de "Spawn of Mars"). Tout aussi étonnant, Gaines et Fledstein s'autorisent une chute à base d'humour absurde dans "The die is cast").



Même pour un lecteur assidu des rééditions des EC Comics par Fantagraphics, ce recueil tient ses promesses de pages historiques, et de dessins d'exception. Arès ces histoires, les 5 dessinées en collaboration avec Harry Harrison apparaissent assez fades. Les 4 pages de biographie consacrée à Wallace Wood viennent compléter la curiosité du lecteur sur la personnalité et la carrière de ce dessinateur hors pair, qui créera des années plus tard le costume rouge de Daredevil. Vivement les rééditions des comics plus coquins de Wallace Wood !
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Zero Hour and Other Stories

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) en noir & blanc, éditée par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Jack Kamen. Ce tome comprend 22 histoires en noir & blanc, 19 écrites par William M. Gaines et Al Feldstein, 3 écrites par Feldstein sur la base d'une nouvelle de Ray Bradbury, toutes dessinées par Kamen. À l'origine, ces récits sont principalement parus dans les magazines "Weird science" et "Weird fantasy", entre 1952 et 1955. Il comprend également une introduction (8 pages) de Bill Mason sur les points saillants des récits du recueil, une postface de 4 pages de RC Riggenberg sur la vie de Jack Kamen, et une page laconique sur les différents auteurs.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse ou d'un meurtre s'inscrivant dans le genre de la science-fiction (de type technologie futuriste et impossible, ou extraterrestres venant sur Terre), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. La plupart des histoires comportent 8 pages, quelques exceptions n'en comportent que 6 ou 7. D'une histoire à l'autre, les intrigues proposent l'apprentissage d'une intelligence artificielle (un superordinateur), la vie du dernier homme sur Terre, de la dernière femme sur Terre, les intérêts cumulés sur 500 ans d'un compte en banque, un coffret de chimiste - en provenance de 2952 - pour élaborer la femme parfaite, une plante dont les fruits sont des femmes lilliputiennes, des voyages dans le temps, la loi des moyennes, des tentatives d'invasion extraterrestre, une voiture atteignant des vitesses extraordinaires, des marionnettes parfait simulacres d'être humain, le triste sort d'un homme ayant toujours rêvé de voyager dans l'espace.



Les 2 illustrations de couverture ne rendent pas bien compte de la qualité des dessins de Jack Kamen. Il n'a pas la luxuriance romantique d'Al Williamson, ou la minutie gracieuse de Wallace Wood. Ses dessins présentent une esthétique beaucoup plus prosaïque, tout en restant descriptifs. Néanmoins un lecteur de comics contemporains se rend vite compte que Jack Kamen réalise des dessins dont le niveau de détails dépasse largement les simples obligations fonctionnelles.



Le premier critère qui permet de s'en rendre compte est le pourcentage de cases comprenant un arrière plan. Alors que la majeure partie des dessinateurs de comics de superhéros sont passés expert dans l'art de masquer la vacuité des arrières plans (bien aidés par les possibilités infinies de la mise en couleurs par infographie), Jack Kamen prend soin de rappeler le décor dans 4 cases sur 5, ce qui génère un sentiment d'immersion important pour le lecteur. En outre, ces arrières plans ne se limitent pas à 3 ou 4 traits pour figurer vaguement un mur, ou un décor vaguement futuriste. Quand il dessine un laboratoire, il y a la paillasse, les cornues, les armoires de rangements. Quand il dessine des personnages dans une rue 500 ans dans le futur, dans une simple case le lecteur voit une demi douzaine d'immeubles, plusieurs piétons, une marquise, une pile de pont, il distingue même 2 aéronefs dans le ciel. Kamen ne se contente pas d'un environnement vaguement esquissé, il décrit un environnement consistant et substantiel.



Malgré le grand nombre d'histoires, tous les personnages ont des visages spécifiques. Kamen dessine de manière différente des adultes, des personnes âgées ou des enfants. Il dote chaque personnage d'une tenue vestimentaire différente et réaliste. Il a l'art et la manière de faire apparaître des expressions ambigües sur les visages, ce qui entretient la déstabilisation du lecteur. Ainsi sous des dehors peu séduisants et fonctionnels, les dessins de Kamen contiennent de nombreuses informations visuelles participant à la création d'une réalité très cohérente et palpable.



Comme dans chacun des tomes de cette collection, l'imagination de Gaines et Feldsein semble inépuisable. Le lecteur passe d'un récit à l'autre, sans jamais éprouver d'impression de redite ou de manque d'originalité. Il y a bien une intrigue ou deux basées sur un point de départ stéréotypé tel que le dernier survivant sur Terre ou l'individu naufragé sur une planète inhabitée, ou encore les extraterrestres en mission de repérage. Toutefois, en quelques cases, les 2 auteurs croquent des personnages uniques et des situations inattendues. Il s'agit d'un art de la narration plus difficile qu'il n'y paraît puisque le lecteur sait très bien que ce type d'histoire se termine par une chute qu'il essaye d'anticiper. Tout l'art du conteur consiste à distiller les éléments d'information en masquant la nature de cette chute.



Gaines et Feldstein se révèlent également des concepteurs d'intrigues originales et accrocheuses. Il y a ce couple qui a l'idée d'hiberner 500 ans après avoir placé une somme d'argent à la banque. L'homme a calculé les intérêts cumulés sur cette période et en déduit qu'ils se réveilleraient très riches. Il y a cet individu passant dans une autre dimension pour retrouver une autre version de son amoureuse, décédée dans sa dimension d'origine. Il y a encore se professeur donnant un cours sur le principe des moyennes, voyant s'effondrer les lois de la probabilité sous ses yeux.



Pour étoffer leur narration, Gaines et Feldstein se reposent sur des textes conséquents pour chaque case, d'un tiers à la moitié de la case est occupée par le texte. Les 3 histoires adaptées de nouvelles de Ray Bradbury soulignent à quel point la prose de Gaines et Feldsein est fonctionnelle, par rapport à celle plus littéraire (plus porteuse de sens) de Bradbury. Cela reste le point noir de ces histoires, ces textes laborieux mais indispensables à la narration.



Comme le fait remarquer Bill Mason dans son introduction, la majeure partie de ces récits comprend une dimension sexuelle, de manière explicite ou implicite, sans nudité graphique bien sûr. Parmi les récits les plus explicites, il y a donc cette livraison de 2952 de 4 mélanges pour créer la femme de ses rêves, il y a les marionnettes de compagnie, il y a les différentes infidélités conjugales, voire le meurtre prémédité du conjoint gênant. Il y a même la question de la perpétuation de la race humaine quand il n'y a plus que 2 survivants de sexe différent. Ces récits sont donc chargés de désir et de frustration, leur conférant un intérêt intemporel, et une dimension adulte.



Ce recueil bénéficie d'une collection de scénarios de premier choix dont l'intérêt dépasse largement le simple témoignage historique d'une époque. Pour un lecteur contemporain, le suspense ne s'est pas émoussé et la mécanique de ces histoires fonctionne encore, de nombreuses chutes ayant conservé leur capacité de surprendre et d'étonner. Les dessins en apparence simples et fonctionnels révèlent toute leur saveur, et l'art consommé avec lequel ils ont été pensés et composés, donnant à voir des environnements détaillés dont le lecteur peut percevoir la prolongation par delà les bordures de la case.
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Judgment Day and Other Stories

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) en noir & blanc, éditée par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Joe Orlando. Ce tome comprend 23 histoires en noir & blanc, 15 écrites par William M. Gaines et Al Feldstein, 2 écrites par Feldstein sur la base d'une nouvelle de Ray Bradbury, 2 écrites par Jack Oleck, et 4 écrites par Feldstein sur la base de nouvelles d'Otto Binder, toutes dessinées et encrées par Joe Orlando.



À l'origine, ces récits sont principalement parus dans les magazines "Weird science", "Weird fantasy" et "Shock SupspenStories", entre 1953 et 1955. Il comprend également une introduction (8 pages) de Bill Mason sur les points saillants des récits du recueil (en particulier l'histoire "Judgment day"), une postface de 6 pages de RC Riggenberg sur la vie de Joe Orlando, 2 pages laconiques sur les différents auteurs, et 3 pages pour un bref historique contextuel des EC Comics.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse s'inscrivant dans le genre de la science-fiction (de type technologie futuriste et impossible, ou extraterrestres venant sur Terre), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. Les histoires comportent 6, 7 ou 8 pages. D'une histoire à l'autre, les intrigues proposent des robots, des conquêtes spatiales, des retours dans le temps à l'époque de nos premiers ancêtres hominidés, des invasions extraterrestres, des premiers contacts avec une vie intelligence extraterrestre, des situations de vie post apocalyptique, une inspection de civilisation (qui donne son titre au présent recueil).



Avec ce recueil, le lecteur peut apprécier toute la pertinence de l'éditeur Fantagrahics d'avoir constitué des anthologies autour d'un dessinateur. Le brassage de récits provenant de sources différentes assure une diversité qui empêche la redite. Comme les autres tomes de la collection, le lecteur reste abasourdi devant l'imagination sans cesse renouvelée de William M. Gaines & Al Feldstein. Certes il retrouve plusieurs fois les mêmes prémices, mais il n'éprouve jamais la sensation de lire 2 fois la même histoire. Même lorsqu'il s'agit pour une peuplade survivante ayant tout oublié d'explorer les ruines de la civilisation humaine ravagée par la guerre, la chute est de nature sensiblement différente d'une histoire à l'autre.



Au fil de ces récits, les scénaristes abordent des thèmes aussi divers que la solitude de l'individu (le colon seul sur son astéroïde), les paradoxes temporels, la peur de l'envahisseur, le poids de la culpabilité, la justice immanente, la civilisation parfaite, l'ostracisation de l'individu différent, l'appât du gain, l'aspiration à vivre dans un environnement meilleur, et l'intolérance.



L'histoire "Judgment day" est restée dans les annales à la fois pour son thème, et pour les menaces de censure dont elle a fait l'objet. Un inspecteur terrien se rend sur une planète pour juger si le niveau d'évolution de sa civilisation la rend apte à rejoindre la colonie terrestre. Il y fait le constat d'un racisme entre robots de couleurs différentes.



Il est possible que le lecteur qui ouvre cette anthologie soit déjà familier du nom Joe Orlando. En effet en 1987, il a réalisé le seul dessin de la série "Watchmen" qui ne soit pas effectué par Dave Gibbons, une page du Black Pirate, illustrant le texte de fin de l'épisode 5. À partir de 1968, il a commencé une carrière de responsable éditorial, qui l'a mené jusqu'au titre de "executive editor".



Le texte de présentation de la carrière de Joe Orlando explique qu'il travaillait avec Wallace Wood (voir Came the Dawn, and other stories et Spawn of Mars, and other stories dans la même collection) qui l'incita à venir travailler pour EC Comics. Il fut embauché pour la ressemblance de ses dessins avec ceux de Wood.



Joe Orlando réalise des dessins descriptifs, détaillés et minutieux, sans la légère touche romantique de Wallace Wood. Comme les autres artistes travaillant pour EC Comics, il doit fournir des dessins dont une partie sera mangée par le texte (bulles et cellules), occupant de 25% à 60% de la surface de la case. Orlando met en scène des personnes d'âges différents, il n'y a pas de jeunisme systématique dans ces individus, qui sont surtout de race blanche. Le lecteur voit défiler de nombreux individus, tous avec des visages différents, et des tenues vestimentaires variées. Orlando réussit mieux les visages de ces messieurs que ceux des dames qui manquent un peu de finesse.



Au vu des scénarios, Orlando doit dessiner de nombreuses scènes en milieu naturel. Il n'est pas possible de reconnaitre les essences des arbres, mais les paysages de végétation ont une apparence convaincante. Il doit également dessiner de nombreux extraterrestres. Il s'en tient à la forme humanoïde, avec des appendices étranges et variés, et des visages avec des déformations de type trop d'yeux, des écailles à la place de la peau, ou un front trop large, l'ordinaire des représentations de l'époque.



Il doit également représenter de nombreux vaisseaux spatiaux, souvent sur la base d'une forme oblongue, ou d'une soucoupe volante. Ses dessins de petites villes américaines comportent suffisamment de détails pour que le lecteur n'ait pas l'impression qu'il s'agit de simples façades en carton. Sa représentation des technologies d'anticipation ou futuriste est assez passe-partout, sans réel parti de nature esthétique ou de nature scientifique.



Cette anthologie dédiée à Joe Orlando permet de satisfaire la curiosité du lecteur sur les travaux de ce monsieur, dont le nom est resté dans l'histoire des comics, pas uniquement parce qu'il a travaillé pour EC Comics. La nature même de ses dessins en fait un bon faiseur, mais pas un artiste remarquable comme certains de ses collègues ayant œuvré pour le même éditeur. Il n'y a pas de manque criant dans ses cases, mais il n'y a pas de souffle ou personnalité comme chez Wallace Wood, Al Williamson, Johnny Craig ou Jack Kamen.



Elle est également l'occasion de découvrir une histoire entrée dans le patrimoine culturel des comics pour son importance historique et son intrigue : "Judgment Day". Elle permet aussi de constater une fois encore le degré d'inventivité inextinguible et inépuisable de William M. Gaines et d'Al Feldstein. Enfin, elle contient les 3 histoires de robot d'Otto Binder, dont celle intitulée "I, robot" qui a influencé des auteurs comme Isaac Asimov (pour sa série des robots). Ce recueil vaut donc avant tout pour ces intrigues astucieuses et pour sa valeur historique des comics.
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Sucker Bait and Other Stories

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) en noir & blanc, éditée par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Graham Ingels. Ce tome comprend 26 histoires en noir & blanc, 24 écrites par William M. Gaines et Al Feldstein, 2 écrites par Feldstein sur la base d'une nouvelle de Ray Bradbury, toutes dessinées par Ingels. À l'origine, ces récits sont principalement parus dans les magazines "Vault of horror", "Haunt of fear" et "Tales from the crypt", entre 1952 et 1953. Il comprend également une introduction (8 pages) de Bill Mason sur les points saillants des récits du recueil, une postface de 6 pages de RC Riggenberg sur la vie de Graham Ingels, et un texte de 3 pages contextualisant les comics EC dans leur époque.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse ou d'un meurtre s'inscrivant dans le genre de l'horreur (de type apparition de créatures surnaturelles), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. La plupart des histoires comportent 8 pages, quelques exceptions n'en comportent que 6 ou 7. D'une histoire à l'autre, les intrigues reposent sur des femmes se vengeant de promesses de mariage non tenue, une infestation de rats dans un village du moyen-âge, l'angoisse d'être mis en bière vivant, des mariages d'intérêt à la suite desquelles les épouses décèdent malencontreusement, des donneurs de sang cooptés de force, des arnaques et filouteries d'individus très cupides, des suicides causés par les dénonciations d'un corbeau, la vengeance d'esprit réincarnés en êtres humains ou même en singe, des mutilations de cadavres par le croquemort, des transplantations de cerveau dans un autre corps ou même dans un chien, des marionnettes attentionnées, etc. Il y a bien sûr des apparitions régulières de vampires, de loups garous, d'une momie et de goules. Gaines et Feldstein n'oublie pas de rendre hommage à Edgar Allan Poe ("The tell tale heart", le cœur révélateur) et aux contes et légende tels que celle de Barbe Bleue.



En ouvrant l'un de ces tomes thématiques consacrés à un dessinateur des comics EC, le lecteur actuel a toujours le même mouvement de recul devant ces cases chargées de texte qui en mange un à deux tiers. Il s'agit d'un mode de narration qui ralentit la lecture, qui l'alourdit. Fort heureusement il s'agit d'une compilation d'histoires courtes, ce qui permet de les lire une par une, pour prendre le temps de les lire et mieux les apprécier.



À nouveau le lecteur ne peut qu'être impressionné par l'imagination prolixe de William M. Gaines et Al Feldstein qui créaient des histoires comme s'il suffisait de se baisser pour en ramasser. Bien sûr, la psychologie des personnages est souvent sommaire, la chute se devine avant la fin une fois sur deux et le niveau des jeux mots reste très basique. Mais une fois sur deux, la chute surprend par sa noirceur ou par la forme de justice poétique qu'elle délivre. En ce qui concerne les copieuses cellules de texte, il s'agit souvent d'un texte explicatif et même simplement descriptif (reprenant pour partie ce que montre le dessin) qui ralentit la narration sans l'enrichir énormément. La lecture des 2 histoires adaptées à partir d'une nouvelle de Ray Bradbury apporte un point de comparaison mettant en évidence leur qualité littéraire, et la pauvreté de celle de Gaines et Feldstein. Toutefois, au détour de l'un de ces 26 récits, le lecteur peut découvrir une histoire à la construction plus ambitieuse (en particulier celle rendant hommage à E.A. Poe), celle reprenant la trame de l'un des contes des frères Grimm, ou encore celle racontant la naissance de la sorcière (celle qui introduit et clôt chaque histoire).



Le choix de l'éditeur Fantagraphics est donc de mettre en valeur les différents artistes ayant travaillé pour DC Comics. À ce titre, Graham Ingels impressionne dès le premier dessin qui est un gros plan sur la tête de la sorcière. Il représente la texture de la peau par le biais de traits très fins, transcrivant avec application les plissures de cette peau de personne âgée. La forme du nez est singulière, à la fois tordue et plausible, à la fois le stéréotype de la méchante sorcière, mais aussi une simple difformité. Son regard joue également sur la difformité avec un œil affligé d'un fort strabisme et un autre dont les paupières sont anormalement écartées, comme si la sorcière faisait l'effort de plus les ouvrir pour compenser le manque de vision de l'autre œil. Tout au long des histoires, Ingels réalise un gros plan différent sur le visage de la sorcière, avec une rare cohérence visuelle de l'une à l'autre, et une forte personnalité se dégageant de son visage. Dans quelques histoires, elle se livre à une occupation dans cette première case : regarder un numéro de cirque, remuer la mixture de son chaudron, peindre, etc.



Histoire après histoire, le lecteur peut se lasser de ces visages aux expressions souvent exacerbées, avec des bouches grandes ouvertes (d'où le conseil d'une lecture fractionnée). Mais il peut aussi apprécier la facilité avec laquelle Ingels est capable de faire apparaître la veulerie ou la méchanceté sur un visage. Dans "Sucker bait", le lecteur prend également conscience qu'Ingels était un artiste investi dans son art, au point de fournir plus d'efforts que ses collègues de l'époque pour faire croire à ce qu'il représente. L'image du bas de la couverture est extraite de "Sucker bait" ; le lecteur constate qu'Ingels a réalisé une composition élaborée pour rendre compte des ridules à la surface de l'eau, en fonction de la forme qui en émerge, pour montrer que les cheveux filasses sont mouillés, pour faire apparaître l'état de décomposition de la peau. Il y a là un niveau de détails peu commun, et une capacité impressionnante à intégrer une forme de réalisme. Au fur et à mesure de la découverte de ces dessins, le lecteur peut appréhender l'une des influences majeures de Bernie Wrightson et de Steve Bissette. Ingels apporte une grande attention à l'environnement de chaque récit, insérant dans la place laissée par le texte des éléments de décors concrets et réalistes, qu'il s'agisse de scènes d'intérieur ou de décors naturels.



Ces histoires datant des années 1950, les créateurs n'avaient pas toute latitude pour être explicite. Ainsi les blessures et les plaies ne sont pas représentées de front, mais sous-entendues. Il en va de même pour l'acte sexuel qui reste implicite. Gaines, Feldstein et Ingels font donc avec les moyens du bord pour se faire comprendre. Ce mode de narration à demi-mots peut sembler un peu fade. Néanmoins avec un peu de recul, le lecteur s'aperçoit que les auteurs n'hésitent pas à pousser le bouchon pour sous-entendre un acte relevant de la nécrophilie, des prélèvements de sang illégaux sans consentement, les sévices infligés par un tueur en série à l'orée d'un bayou, etc.



Dans la présentation de ce tome et dans le choix des histoires, les éditeurs ont privilégié les récits avec monstres ou éléments surnaturels (20 histoires sur 26), avec une prédilection marquée pour les morts revenant se venger. Les histoires de simple vengeance s'avèrent cependant nettement plus cruelles que les autres, avec des individus très crédibles. Le summum de la noirceur est atteint dans "Hail and heart-y", où un mari laisse sa femme réaliser toutes les corvées et aller au travail, pendant qu'il ménage son cœur un peu fragile. Pour cette histoire, les textes copieux de Gaines et Feldstein assurent leur fonction en étoffant le ressenti des 2 conjoints, aboutissant à une nouvelle cruelle et pénétrante sur la condition humaine.



Graham Ingels est resté dans les mémoires comme l'artiste qui a défini l'apparence des comics EC, en montrant un vrai goût pour l'horreur. De ce point de vue historique, ce tome est aussi parfait que les autres de la collection, avec une excellente qualité de reproduction des dessins. Pour un lecteur simplement curieux, le mode de narration pesant ôte une partie du plaisir de la lecture, surtout du fait des textes copieux, mais aussi de plusieurs chutes prévisibles, et de quelques expressions des visages outrées.
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Child of Tomorrow and Other Stories

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur), éditée par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Al Feldstein. Ce tome comprend 23 histoires en noir & blanc, toutes écrites par William M. Gaines et Al Feldstein, 16 dessinées par Feldstein, 1 par Graham Ingels, 3 par George Roussos, 1 par George Olesen, 1 par Max Elkan et 1 par Sid Check. À l'origine, ces récits sont parus dans les magazines "Weird science" et "Weird fantasy", entre 1950 et 1952. Il comprend également une introduction (6 pages) de Bill Mason, un court paragraphe de Gilbert Hernandez (également en introduction), un entretien de 8 pages d'Al Feldstein (réalisé par Gary Groth pour cet ouvrage), une postface de 6 pages de RC Riggenberg sur la vie d'Al Feldstein, un texte de 3 pages contextualisant les comics EC dans leur époque, et 2 pages de présentation des différents créateurs.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse ou conflictuelle s'inscrivant dans le genre de la science fiction, le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. La plupart des histoires comportent 8 pages, quelques exceptions n'en comportent que 6 ou 7. D'une histoire à l'autre, les intrigues reposent sur des invasions extraterrestres de la Terre, un individu dont le cerveau a été transplanté dans un corps de robot, l'invention d'une nouvelle arme de destruction massive (bombe aux rayons cosmiques, bombe atomique à la puissance 1.000 fois supérieure à celles existantes), une émission de radio décrivant une invasion extraterrestre, un dôme impénétrable protégeant New York de toutes armes de destruction, un robot servant d'épouse parfaite sur tous les points. Il est également question de survie post-guerre nucléaire, de voyage dans l'espace, de monstre à 4 dimensions, de génie scientifique adolescent, de voyage temporel, et d'esclavagisme.



A priori le lecteur familier des travaux d'Al Feldstein le connaît surtout pour être l'auteur (ou le coauteur avec William M. Gaines) de centaines de scénarios pour les EC Comics (environ 500 histoires à son actif). Il se trouve qu'au départ, Al Feldstein a également illustré une trentaine d'histoires pour les comics EC. Le présent tome propose donc d'en découvrir 16, ainsi que 7 autres illustrées par d'autres collaborateurs moins fréquents. En tant que dessinateur, Feldstein a un style assez clair avec des traits précis pour délimiter les contours, mais une tendance marquée à charger ses cases en encrage, ralentissant un peu la lecture, le temps d'assimiler toutes les composantes de chaque image. Étrangement ses dessins semblent un peu moins écrasés par le texte que ceux d'autres dessinateurs (à commencer par Al Williamson, voir le recueil qui lui est consacré). Mine de rien les dessins de Feldstein ne sont pas trop naïfs, grâce à une volonté de réalisme qui se traduit par des postures assez naturelles pour les personnages, et des arrières plans assez variés rendant régulièrement compte (plusieurs fois par page) du lieu où se trouvent les protagonistes.



Le lecteur attentif pourra même repérer de temps à autres des images plus travaillées que d'autres. Par exemple, il apparaît rapidement que Feldstein innove pour représenter des explosions atomiques les plus effervescentes possibles. La première page de "The last city" utilise un contraste noir / blanc pour figurer l'intensité lumineuse que n'aurait pas renié Frank Miller dans "Sin city". La vision d'une vieille guimbarde conduite par 2 péquenots au pied du Capitole à Washington DC est assez irrésistible de drôlerie. Par contre Feldstein éprouve de grande difficultés à varier les expressions des visages, plus d'un personnage sur deux arborant une bouche ouverte pour figurer sans nuance toute une gamme d'émotions allant de l'étonnement à l'effroi. Si l'on peut comprendre la volonté de l'éditeur Fantagraphics de faire découvrir d'autres dessinateurs moins connus des EC Comics, la pertinence de leur inclusion dans le présent tome consacré à Feldstein m'a échappé (nonobstant du fait que l'histoire dessinée par Graham Ingels m'a convaincu d'acheter le tome qui lui est consacré).



Ce recueil consacré à Feldstein permet donc de le découvrir en tant que dessinateur, mais il permet également de découvrir une palette assez large des thèmes de science-fiction qu'il abordait. Cela va de la peur de la bombe atomique, à la peur de la conquête de la Terre par des races extraterrestres inamicales (l'invasion par des étrangers), en passant par le voyage dans le temps. Le lecteur s'attend bien sûr à ce que la science-fiction de l'époque reflète l'angoisse relative à une guerre nucléaire, aux mutations qui s'en suivront, et à toutes formes d'invasion. En ce sens, ces histoires sont le témoin de leur époque, et même de l'inconscient collectif des États-Unis. Certaines des scènes illustrées ont gagné le statut d'archétypes, telles les foules fuyant sous la menace d'un monstre à 3 yeux, ou le champignon atomique mettant un terme à la race humaine. Les années passant, ces mêmes scènes ont été parodiées maintes et maintes fois. L'interview de fin entre Feldstein et Gary Groth fait ressortir que Gaines & Feldstein ne se contentaient pas de recycler ces thèmes.



En effet le lecteur pourra en découvrir mettant en évidence que ces 2 scénaristes profitaient de la liberté des comics pour aborder des sujets plus nuancés ou plus ambitieux. Ils étaient capables de se mettre en scène dans leur propre histoire pour inventer une intrigue à base de bombe à rayons cosmiques, en expliquant qu'ils avaient sans le savoir dévoilé un projet secret de l'armée. Ils s'amusent à donner leur propre version de l'émission radiophonique de la "Guerre des Mondes" d'Orson Welles (The War of the Worlds). Ils utilisent le voyage dans le temps pour mettre en scène un homme de leur époque acquérant une femme robotique parfaite, conçue pour répondre à tous ses désirs. L'épisode "Monster from the fourth dimension" implique l'apparition sur Terre d'un monstre à 4 dimensions, à partir d'un postulat que n'aurait pas renié Alan Moore. D'une certaine manière, Gaines et Feldstein vulgarisaient les différents thèmes de science fiction de l'époque sous forme de bande dessinée, tâche ardue pour ne pas risquer de verser dans l'infantile réducteur.



La lecture de ce tome permet de découvrir Al Feldstein en tant que dessinateur (sympathique, sans être exceptionnel) et de disposer d'un échantillon représentatif des histoires de science-fiction écrites par Gaines et Feldstein qui ne se contentent pas de recycler ad nauseam la peur atomique et les invasions extraterrestres.
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EC Library: Fall Guy for Murder: And Other ..

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) éditées par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Johnny Craig.



Ce tome comprend 21 histoires de 8 pages et 2 de 7 pages, écrites, dessinées et encrées par Johnny Craig (sauf pour 3 écrites par William Gaines et Al Feldstein, et 1 adaptation d'une nouvelle de Ray Bradbury), toutes initialement parues entre 1951 et 1953. Parmi ces 23 histoires, 22 relèvent de crimes à base de vengeance (dont 7 comprenant un élément surnaturel), et 1 s'inscrit dans le genre science-fiction (l'adaptation d'une nouvelle de Ray Bradbury). Ce tome comprend également une introduction de 5 pages écrites par Bill Mason, une présentation de la carrière de Johnny Craig de 5 pages écrites par S.C. Ringgenberg, un article de 3 pages sur les publications EC Comics rédigé par Ted White, et une courte page de présentation des auteurs (Bradbury, Feldstein et Gaines).



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation conflictuelle (vengeance, envie, haine, etc.), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. D'un récit à l'autre, le lecteur découvrira un lanceur de couteaux luttant contre les mauvais penchants de sa femme, un tueur ayant perdu la vue (étrange essai de dessiner à la manière de Will Eisner), un neveu prenant la place de son vieil oncle pour hériter, un odieux propriétaire d'un atelier de couture maltraitant ses pauvres employées, une femme se débarrassant de son riche mari tatoué avec l'aide de son jeune frère, une séance de spiritisme mouvementée, une avaleuse de sabres, un homme se préparant à passer à la chaise électrique, la relation amoureuse entre un goule et une vampire, un mari se vengeant de sa femme et de son amant, un professeur et son assistante essayant de convaincre les autorités qu'ils ont mis à jour un plan d'invasion extraterrestre déjà bien avancé, le plan machiavélique d'un mari pour se débarrasser de sa femme en faisant porter le chapeau à un autre (Fall guy for murder), etc.



À la découverte de cet auteur, plusieurs caractéristiques ressortent avec force. La première est à rapporter à la narration des autres tomes de ces rééditions. Dans la mesure où Johnny Craig est majoritairement son propre scénariste, il a la latitude de se reposer plus sur ses propres dessins, et donc de minimiser quelque peu l'importance des cellules de texte. Par contraste avec le tome consacré à Al Williamson où le volume de texte dissuade de lire plus d'une histoire à la fois, ces histoires se lisent plus rapidement (en exigeant malgré tout 2 fois plus de temps qu'un comics actuel), avec une meilleure complémentarité entre mots et images, moins de répétition (de type : le texte expliquant ce que montre l'image).



La deuxième caractéristique sautant aux yeux concerne les personnages féminins. Johnny Craig s'écarte du modèle des comics de l'époque en donnant un rôle majeur aux femmes dans la plupart des histoires. Loin d'être réduite à la victime de circonstance, les femmes de Craig sont des êtres humains disposant d'un caractère bien trempé et faisant tourner les hommes en bourrique, souvent des garces, plutôt que des femmes fatales. Si elles disposent systématiquement de formes sculpturales, leur visage est toujours marqué d'une légère imperfection qui les éloigne d'un idéal sublimé, pour les rendre humaines. Même si la position de femme au foyer est majoritaire (en cohérence avec la forme de la société américaine à cette époque), ces différentes femmes ne sont en rien des potiches. Elles disposent de tenues vestimentaires toutes différentes et de personnalités diverses et variées, très éloignées des idiotes évanescentes et vaporeuses. Indéniablement elles apportent une touche de séduction sophistiquée, d'autant plus remarquable que Johnny Craig ne les réduit jamais à l'état de simple objet sexuel.



Par la présence de premiers rôles féminins affirmés, les premiers rôles masculins sont remis en cause dans leur suprématie. Ils en deviennent plus complexes, moins infaillibles, moins pertinents dans leur posture virile, moins efficaces, plus enclins à l'erreur. Leur rôle de chef de famille ou de dominant dans le couple est remis en cause, miné par l'assurance et la force de caractère de la femme qui leur fait face. D'un côté ces récits correspondent bien à un format très classique à base d'infidélité conjugale ou de convoitise du bien d'autrui (fin du récit avec une chute ironique imprégnée de justice poétique, vengeance relativement basique, machinations dont le lecteur devine le fin mot au bout de 2 pages), de l'autre la nature des relations entre personnages est plutôt adulte, même si la psychologie reste basique.



Le plaisir de lecture se trouve augmenté par la qualité des dessins, à la fois sobres, descriptifs au point d'équilibre parfait dans le niveau de détail (ni trop, ni trop peu), élégants sans sophistication superflue ou outrée, une mise en scène vivante, une variété de formes de visage rafraîchissante, classiques sans être dépourvus de personnalité. Johnny Craig s'applique pour planter chaque décor de manière à ce qu'il soit spécifique, facilement assimilable par l'œil, sans en devenir fade ou stéréotypé. D'histoire en histoire, le lecteur aura la sensation de se retrouver aux côtés des personnages, sur une route de campagne, dans une chambre d'hôpital, dans une belle maison de banlieue, dans un atelier de couture à l'atmosphère oppressante, dans l'appartement richement meublé d'un homme ayant réussi, dans le boudoir d'une médium, dans la cellule d'un condamné, dans une chambre à coucher proprette, sur un pont en plein vent, dans l'appartement un peu stérile de 2 vieilles filles, etc. Si certaines émotions telles que la terreur ou l'angoisse sont parfois surjouées (faisant penser au style de Steve Ditko), la majeure partie des expressions sont nuancées, à la fois très parlantes, et réalistes.



Pour un lecteur cherchant des comics classiques des années 1950, prêts à accepter une forme de narration moins psychologiques, avec des intrigues faciles à anticiper, ce recueil est une petite merveille permettant de découvrir une narration un peu mieux équilibrée entre textes et dessins (Johnny Craig étant à la fois scénariste et dessinateur), des personnages s'éloignant des stéréotypes (en particulier les femmes dont la présence étoffée et complexe éclaire différemment les hommes) et des thèmes dépassant parfois la vengeance de base (attente dans le couloir de la mort et erreur judiciaire, exploitation de la main d'œuvre, abus de confiance professionnel).
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The Ec Comics Library: 50 Girls 50 and Othe..

Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) éditées par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Al Williamson.



Ce tome comprend les 31 histoires illustrées par Al Williamson pour EC Comics, ainsi que 4 histoires bonus (1 prévue pour être éditée en 3D et jamais parue, 3 réalisées par ses proches collaborateurs Krenkel, Torres et Frazetta). Chacune de ces histoires comporte 7 pages, plus rarement 6 ou 8. La majeure partie de ces histoires s'inscrivent dans le genre science-fiction (soit 24), certaines dans les genres crime ou horreur (soit 7). Ce tome comprend une introduction de 9 pages de Mark Schultz (auteur de "Xenozoic"). Les auteurs des scénarios sont Al Feldstein (25 histoires), Ray Bradbury (adapté par Feldstein, 3 histoires), Otto Binder (1 histoire), Harlan Ellison (1 histoire), Jack Oleck (3 histoires) et Carl Wessler (1 histoire) et 1 par un auteur anonyme. Il comprend également une postface de 8 pages sur les influences graphiques d'Al Williamson, rédigée par Bill Mason, une courte biographie de 3 pages, une présentation des auteurs en 3 pages, et une présentation des EC Comics et de leur contexte en 3 pages.



Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse, le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. En fonction des récits, le lecteur pourra découvrir des extraterrestres, des planètes inhospitalières, des voyages dans l'espace hasardeux, des dinosaures, des extraterrestres découvrant et lisant un comics (en l'occurrence "Weird Fantasy"), un planétoïde qui vomit, une propriétaire de ranch peu commode, un vaisseau spatial doté de conscience, un inventeur d'un carburant pour fusée très particulier, des couples réduits à l'état de Robinson Crusoé sur des planètes peu hospitalières, des voyages dans le temps dans le passé (pour chasser le dinosaure) ou vers le futur (en quête d'un monde meilleur), des extraterrestres aquatiques, des baigneuses impitoyables, etc.



Al Williamson (1931-2010) a travaillé pour l'éditeur EC Comics de 1951 à 1956. S'il ne s'agit pas de ses premiers travaux, il s'agit d'œuvres de jeunesse. Par la suite il illustrera des épisodes de "Flash Gordon", il reprendra la série X-9: Secret Agent Corrigan avec des scénarios d'Archie Goodwin, et réalisera des adaptations de films comme "The Empire strikes back" ou "Blade Runner". Il deviendra également un encreur de renom en travaillant pour Marvel Comics, en encrant en particulier John Romita junior (par exemple sur "Daredevil", Lone stranger).



Le travail d'Al Williamson chez EC Comics est resté dans les mémoires pour plusieurs raisons. Pour commencer, il réalise des illustrations minutieuses, empreintes d'une forme de romantisme dessinant de magnifiques individus élancés, évoluant dans de somptueux décors. En cela, son style se rapproche de celui d'Alex Raymond sur la série "Flash Gordon". Dans la postface, Bill Mason évoque également l'influence d'Hal Foster (créateur de la série "Prince Valiant"). Dans l'introduction, Mark Schultz cite des illustrateurs du début du siècle tels que Henry van Dyke et JC Coll. Tout du long de ces histoires, le lecteur est effectivement frappé par la force d'évocation des dessins, la cohérence de style qui se dégage d'une histoire à l'autre, la beauté des personnages, la finesse et la délicatesse de leurs traits, l'expressivité de leur visage. Le soin apporté aux images semble souvent disproportionné par rapport aux histoires dont les dialogues n'arrive pas se mettre au niveau de sophistication visuelle. Alors que les images parlent d'elles-mêmes, le texte est trop copieux (au moins 30% de chaque case), décrivant souvent inutilement (et en moins bien) ce que montre le dessin. Malgré la perfection de la reproduction (chaque trait, si fin soit-il, est net et précis), le lecteur regrette que Williamson n'ait pas bénéficié d'un format plus grand.



L'une des autres raisons pour lesquelles Williamson reste une référence réside dans les artistes avec lesquels il travaillait. L'équipe d'EC Comics les avait affublés du sobriquet de "Fleagle gang", composé de Frank Frazetta, Roy Krenkel, George Woodbridge et Angelo Torres. En fonction des spécificités de l'histoire, l'un ou l'autre ou plusieurs du Fleagle Gang pouvait prêter main forte à Al Williamson pour dessiner un décor, améliorer l'encrage, compléter la faune ou la flore. Loin d'introduire des hiatus visuels, ils complétaient à merveille les dessins, palliant les éventuelles faiblesses de Williamson, ou apportant un degré d'expertise artistique supérieur, qu'il s'agisse des magnifiques encrages sensuels de Frazetta ou des décors élaborés de Krenkel. Lorsque le lecteur pense aux illustrations légèrement surannées de la science-fiction des années 1950, il y a fort à parier que son inconscient a retenu l'esthétique gracieuse d'Al Williamson et ses compères.



Cependant la lecture de ces histoires requiert une adaptation de la part du lecteur. Les conventions en vigueur à l'époque dans les comics requéraient que l'histoire soit plus portée par le texte (dialogue et voix off) que par les images, de préférence dans une forme très écrite (phénomène encore accentué lorsqu'il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de Ray Bradbury). Il faut donc que le lecteur fasse l'effort conscient d'accepter de tout lire malgré le volume et la prose un peu verbeuse. Il faut également qu'il réussisse à passer outre la dissonance narrative apparaissant entre ces textes envahissant et ces dessins si élégants. Prises pour elles mêmes, les intrigues oscillent entre l'anecdotique et le futé. Globalement tous les individus présentent des personnalités interchangeables, sans caractère marqué. Tout l'intérêt de l'histoire réside donc dans l'intrigue proprement dite : de l'inventivité de la situation de départ, à la force de la résolution. Plus de la moitié des histoires constitue une preuve flagrante de l'imagination débridée d'Al Feldstein qui semblait écrire la moitié de la production des EC Comics. Néanmoins, il y a forte à parier que le lecteur appréciera d'autant plus ces histoires qu'il en fera une lecture fractionnée. La patience est mise à rude épreuve du fait de la lenteur de lectures de ces textes copieux et pesants.



Pour la petite histoire, l'histoire qui donne son titre au présent recueil a bénéficié d'une adaptation récente par Frank Cho (au scénario) : 50 Girls 50 - Shakedown.



La lecture de ce tome est à réserver aux personnes souhaitant compléter leur collection d'œuvres d'Al Williamson, ou au curieux fermement décidé à découvrir cet illustrateur remarquable. À condition d'être prêt à passer outre une forme de narration pesante, le lecteur sera récompensé par une reprographie d'une qualité optimale, des dessins magnifiques et des histoires bien troussées pour moitié.
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Tales from the Crypt, tome 5

Tome final qui boucle les dernières histoires de ce célèbre magasin d’horreur des années 50. Depuis le précédent livre, je trouve que l’écriture s’est vraiment améliorée, nous proposant de meilleurs contes macabres. Encore plus réussis en termes de chutes et d'humour noirs.



J’ai souri au clin d’œil et à la pique sur les accusations dont a fait fasse l’éditeur à l’époque sur la violence pour les jeunes et qui, malheureusement, a fait arrêter la série.



Bref, des histoires plus réussies, moins clichées dans l’ensemble avec des chutes un peu plus pertinentes, drôles et parfois surprenantes.
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Tales from the Crypt, anthologie, tome 4

Un tome 4 bien meilleur que le précédent. J’ai trouvé les histoires, en grande partie, plus originales. J’ai trouvé l’humour noir plus piquante, drôle et avec un peu moins de clichés, il en a toujours un peu, mais l’écriture axe plus dans des récits parfois plus surprenant et drôle. Une de mes histoires préférées est celle du coffre pour sa façon de la raconter.



J’ai pris un vrai plaisir à le lire. Il y a une bonne évolution en termes d’écritures et d’idées. Les dessins n’ont toujours pas pris une ride pour ce genre de comics à l’ancienne. Plus qu’à découvrir le dernier tome de cette collection.
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Weird science, tome 2

Weird Science est un monument culte de la BD et SF américaine au même titre que la foule de publications liées à l'horreur (les fameux et mythiques Contes de la crypte) et au policier (les fameux SHOCK et Suspens story) qui fleurirent dans les 50's et début 60's avant de décliner suite à l'avènement en masse des super-héros. Il y eut là un vivier incroyable de talents (mes préférés étant Wood et Kamen) qui zigzagua avec bonheur d'un genre à un autre et illustrant parfois des grands auteurs (Ray Bradbury fut adapté savoureusement à plusieurs reprises). Ici Weird Science se focalise uniquement sur des récits de SF mais contrairement au livre précédant, ne se borne pas qu'au "Space-opéra", c'est à dire au genre des vaisseaux qui vrombissent dans l'espace. Non, ici on aura une histoire à la frankenstein, une arnaque bien trop moderne, un fou qui change de dimension en dimensions, des extra-terrestres qui n'en sont pas vraiment...



Comme souvent ces histoires réflètent une période troublée (la guerre froide) où la menace du nucléaire et de "l'autre" (et les aliens et autres mutants ne sont dès lors qu'une singulière métaphore de la peur du communiste...) perce en grattant bien sous le vernis. A l'instar des géniales Twilight zone (la quatrième dimension) et The outer space (Au delà du réel) , voire The invaders (Les envahisseurs) qui vont ensuite fleurir sur le petit écran avec à chaque fois des scénarios qui vont du n'importe quoi au brillant-qui-te-met-à-genoux. Ce n'est pourtant pas la première fois que ces comics sont publiés chez nous et je me souviens en avoir lues beaucoup chez mon tonton plus jeunes, déjà traduites en français et dans de gros tomes également. J'étais fasciné et terrifié par les scénarios tordus et ce tracé noir et blanc semi-réaliste.



Encore aujourd'hui le charme désuet de ces BDs fonctionne relativement bien. Un conseil, lisez ça dans le noir, avec juste une petite lampe qui vous éclaire. Effet garanti.
Lien : http://dvdtator.canalblog.co..
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Weird science, tome 1

Après « Frontline Combat » (récits de guerre), « Crime Suspenstories » (récits policiers) et « Tales from the Crypt » (récits d’horreur), les éditions Akileos poursuivent ce véritable travail de Mémoire qui consiste à rééditer des chefs d’œuvres de la bande dessinée populaire américaine, en s’attaquant à la publication de « Weird Science ».



Cette anthologie bimensuelle de science-fiction publiée par EC Comics entre 1950 et 1953 connaîtra vingt-deux numéros au total, dont Akileos propose ici les sept premiers numéros. Ce premier recueil qui réunit trente-deux histoires angoissantes de moins de dix pages qui abordent des thèmes variés tels que l’existence d’extraterrestres, des expériences scientifiques qui tournent mal, la course à l’armement, la recherche atomique, la conquête de l’espace, le voyage dans le temps ou la science en général. Derrière cette superbe couverture délicieusement rétro, le lecteur pourra donc découvrir l’histoire de cet homme qui rétrécit à l’infini, celle de cet individu qui ne cesse de rêver, de celui qui entend la douleur des plantes ou de ceux qui se tuent ou causent la mort de leurs proches en voyageant dans le temps. Sans oublier le récit de cet enfant radioactif qui aide un dictateur à conquérir le monde, celui de cet animateur radio qui crée une panique sans précédent en annonçant la venue des martiens, celui de cette maison dont les portes permettent de voyager dans le temps ou celui des ces explorateurs qui effectuent des expériences sur des cobayes avant de se retrouver eux-mêmes prisonniers d’une autre espèce.



Il s’agit évidemment d’histoires écrites dans les années 50, qui paraissent aujourd’hui un peu kitsch, mais qui fonctionnent toujours. Les histoires sont un peu courtes et très bavardes, mais l’ambiance est prenante et les chutes sont souvent efficaces. Les ficelles sont parfois devenues un peu grosses au fil des ans et des avancées scientifiques effectuées depuis, mais ces histoires témoignent d’une époque : celle de la SF américaine de l’après-guerre. Quoi qu’il en soit, ces récits ont constitué une formidable source d’inspiration pour les auteurs des années qui suivirent.



Visuellement, j’ai été fort surpris par ce dessin en noir et blanc qui a finalement mieux vieilli que je ne le pensais. Les différents dessinateurs se succèdent avec grande efficacité et l’album permet de découvrir le travail de quelques grands artistes, tels que Wallace Wood et Harvey Kurtzman, pour n’en citer que deux.



À l’instar de L’Eternaute, cette anthologie est un must indispensable pour tous les amateurs de SF !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
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Tales from the Crypt, tome 3

Un tome 3 que j’ai moins aimé aux autres. J’ai trouvé que certaines histoires avaient assez mal vieilli, répétitives ou moins intéressantes. Ma préférée reste celle du charbon, mais dans l’ensemble y’en avait quelques-unes de moins mémorables avec des clichés un peu trop utilisés à mon goût.



Cela reste cependant toujours une lecture cool, à l’ancienne et qui me rend nostalgique de la série TV que je regardais dans les années 90. Un humour noir grinçants et des dessins en noir et blanc efficaces.
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Tales from the Crypt, tome 2

Très bon deuxième tome que j’ai préféré au premier. Il y a 3-4 histoires oubliables mais le reste c’était plus maitrisées et mieux écrits. On retrouve comme d’habitude des thèmes classiques et récurrents de l’horreur des années 50. Pas de quoi surprendre, mais agréable à lire pour la nostalgie du genre.
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Shock SuspenStories, tome 3

Une bouffée patrimoniale oxygenante de suspens, de frissons et de contes moraux, en noir et blanc et « dans la grande tradition ».
Lien : http://bdzoom.com/144172/pat..
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