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Bibliographie de Albéric Second   (4)Voir plus

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Et ce fut dans ce jardin que Balzac se proposa successivement, toujours avec les mêmes illusions, de créer une vacherie dont il évaluait les profits annuels à dix mille francs, au bas mot ; de cultiver des ananas qui lui rapporteraient douze mille francs, au bas mot ; de planter des vignes originaires de Malaga, estimant sa vendange à quinze mille francs, au bas mot. Au bas mot ! Le cri de guerre de tous les rêveurs, la devise de tous les chasseurs de chimères !

Il fallait pourtant meubler et orner la maison. Balzac eut recours à un procédé qui mariait ingénieusement les somptuosités les plus effrénées à la plus sévère économie.

Sur les murs, nus comme ceux d'une église de village, étaient tracées au charbon ces indications flamboyantes : Ici, une tapisserie flamande du treizième siècle ; ici, un tableau de Raphaël ; en face, deux toiles : l'une du Titien, l'autre de Rembrandt ; ici, un canapé, deux fauteuils et six chaises en bois doré (tapisseries d'Aubusson, fables de La Fontaine) ; ici, une cheminée en malachite (don du tsar Nicolas), avec pendule et bronzes de Gouttières ; ici, un lustre de Venise, et sur le modeste buffet en noyer de la salle à manger ici, un service complet d'argenterie massive (mon argenterie de famille).

C'est dans cette salle hospitalière qu'on s'asseyait le dimanche, à six heures. Le menu était modeste. Très sobre, Balzac faisait surtout honneur au dessert. Il aimait les fruits avec passion, principalement les poires, et il en dévorait des quantités inquiétantes.
J'ai toujours pensé qu'on devait lire sur les murs de sa cave des inscriptions non moins fallacieuses que celles reproduites ci-dessus, témoin ce curieux dialogue noté le même soir sur mon carnet :

« Messieurs, dit-il un jour qu'on avait mis les petits plats dans les grands, il va vous être versé un vieux château-laffitte tel qu'aucun de vous n'en bût de sa vie. Dégustez-le religieusement, comme c'est votre devoir. »

Servi le premier, Laurent-Jan, qui jamais ne farda la vérité, porta son verre à ses lèvres, fit une effroyable grimace et s'écria : « Ça, du château-laffitte... allons donc ! Du château de la rue Laffitte, c'est possible. »

Un autre se fût troublé ; Balzac ne sourcilla pas :
"Oui," dit-il fièrement, "oui, ce nectar vient en droite ligne de la rue Laffitte, car il sort de la cave même du baron James de Rothschild.
Il n'en donne à ses convives qu'aux fêtes carillonnées.
J'en reçus deux barriques l'autre semaine et suis profondément reconnaissant d'un cadeau si magnifique.
Buvez donc, messieurs, et saluez !"

Laurent-Jan n'avait pas injustement calomnié ce nectar. C'était une exécrable piquette.
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À chacun de nous, convoqué aux Jardies, Balzac avait adressé cette circulaire : « Communication urgente. » De quelle sorte de communication s'agissait-il ? Personne ne s'en doutait.

- « Où se cache-t-il, le monstre qui nous attire dans sa caverne, sous prétexte de communication urgente ? » demanda Léon Gozlan, qui n'était pas la patience même.

- « Le maître va venir, » se hâta de répondre Lassailly, en essayant de redresser son nez récalcitrant.

- Cette communication, quelle est-elle ? Le savez-vous ?

- J'ai défense de le révéler ; mais apprenez qu'il y va de notre fortune à tous.

Cette déclaration jeta un froid. Jules Sandeau dit doucement :
- Ce sera la quinzième fois qu'il m'aura proposé de me faire millionnaire.

- Laurent-Jan ricana : « Je parie qu'il a trouvé une mine de diamants dans le carré de choux de son potager. »

Une trombe humaine fit irruption parmi nous. C'était Balzac qui entrait dans le salon de la même façon que le mistral pénètre dans un tuyau de cheminée. « Une mine de diamants ! » s'écria-t-il avec un formidable haussement d'épaules. « J'ai trouvé mieux. On voit la fin des mines de diamants. La mienne durera autant que nous et après nous. Écoutez-moi. »

Il exposa que la profession de romancier était un métier de meurt-de-faim. Que lui payait-on la ligne ? Trente-cinq centimes... La belle affaire ! Il ne ferait plus de livres. Il ne serait désormais qu'auteur dramatique.
Une pièce à succès rapporte des quatre et cinq cents francs par soirée à Paris ; ensuite elle est jouée sur tous les théâtres de France.

Aidé de ses collaborateurs, il se chargeait de fournir toutes les scènes parisiennes, de la plus grande à la plus petite.
Au bout de l'année, on aurait encaissé trois millions - au bas mot ! Les théâtres seraient ainsi partagés :

- Avec de Gramont et de Belloy pour les pièces en vers ; avec Sandeau pour les pièces en prose, il monopolisait la Comédie française et l'Odéon ;
- Avec Gozlan, le Gymnase et le Vaudeville ;
- Avec Henri Monnier et Louis Desnoyers, les Variétés et le Palais-Royal ;
- Avec Laurent-Jan et Lassailly, la Porte-Saint-Martin, la Gaîté et l’Ambigu.

Je faillis m'évanouir de joie et d'orgueil en apprenant que mon lot se composait des Folies-Dramatiques, de la Porte-Saint-Antoine et de Bobino. (Il englobait aussi Bobino !)

Dutacq, qui avait une imprimerie et une librairie, éditerait les pièces ; elles seraient illustrées par Gavarni.

Il parla deux heures, emporté par sa fougue déchaînée, grisé par sa verve capiteuse.
L'or qui ruisselait de sa bouche entrait dans nos poches et les bourrait.
Lorsqu'il se tut enfin, nous étions tous riches comme le baron James de Rothschild et affamés comme les matelots de la Méduse.

- Et à quelle heure dîne-t-on ? demanda Monnier d'une voix dolente.

- Le dîner ? répéta Balzac ; tiens, vous m'y faites songer. J'ai oublié de le commander.


Heureusement, le restaurant de la Grille-du-Parc est voisin des Jardies. Si nous trinquâmes à nos futurs triomphes dramatiques, on peut le croire.

À l'Odéon, les Ressources de Quinola ; à la Porte-Saint-Martin, Vautrain ; à la Gaîté (…) réalisèrent-ils les espérances du grand rêveur ?
Hélas ! non... Et quand son Mercadet fut applaudi au Gymnase, depuis un an Balzac dormait le dernier sommeil sur la funèbre colline du Père-Lachaise.
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