Beaucoup de gaieté et d'esprit ressortent de cette oeuvre où l'auteur traite le sujet le plus bête du monde : le conflit entre deux voisins bruyants.
Chaque voisin parait très différent mais l'un et l'autre s'adore en réalité sans le savoir.
M. Verdelot, bibliothécaire, à la régularité de vie monastique, s'acharne méthodiquement sur un nouveau roman à sensation forte qui n'attend que la gloire : « de l'influence des plumes de fer de l'encre bleue et du papier mécanique sur la littérature française pendant la 2ème moitié du 19ème siècle » et il est aussi ambitieux que confiant sur le succès de son oeuvre : « Il se voyait dans un avenir prochain, publié par la fière Revue des Deux-Mondes, couronné de palmes académiques, la boutonnière ornée du ruban de la Légion d'honneur (…) » mais ses très fortes inspirations pleines d'ardeur s'accompagnent de fortes déclamations à voix haute quand il travaille à la lever du jour.
A l'inverse, M. Jacobet, clame bruyamment de la prose à des heures nocturnes.
Le premier à sortir les armes est M. Jacobet par le cornet à piston, cet horrible instrument à vent dont la sérénade aggrave terriblement les terreurs nocturnes du voisin dans l'idée de le dissuader d'être réveillé par lui le matin :
« A peine ces cacophonies eurent-elles pris naissance, M. Verdelot, pâle et glacé, se dressa sur sa couche. D'une voix étranglée, il murmura :
C'est fait de nous ! Pour sûr, c'est la trompette du jugement dernier !
Convaincu que les temps étaient accomplis, que la fin du monde était arrivée, il dit un Pater et un Ave et recommanda son âme à Dieu »
Il est si fier et si étonné d'avoir gagné avec tant de facilité que cela ne va pas sans une bonne humiliation, M. Jacobet savoure sa victoire et dépose ce message pour son voisin « Enfin il a déposé les armes, cet âne ; il se lasse ! »
Mais c'était mésestimer la colère sourde qui réside en notre honnête bibliothécaire :
« Des flots de haine et de fiel submergèrent sa poitrine oppressée. Brandissant comme une épée menaçante la cuiller qu'il serrait dans sa main crispée, il s'écria : tu te trompes, vile canaille ! Je n'ai point déposé mes armes ; cette vérité te sera clairement démontrée dans un avenir prochain ! Ah ! Tu m'as supplicié avec ton cornet à pistons ! … Attends un peu. Bientôt nous serons manche à manche car moi aussi je chercherai un instrument de torture (…) »
La première manche du duel sera remportée par M.Verdelot, ayant en ses mains une horrible serinette dont l'effet est pire encore que le cornet à piston : « Alors M. Jacoblet vous eût apparu se vautrant sur sa couche comme un sanglier blessé, mordant ses oreillers, réduisant ses draps à l'état de charpie (…) »
Ce duel d'enfantillages se serait sans doute fini à la mort de l'un des tympan des voisins si le hasard ne les avait pas mis à côte à côte à l'intérieur d'un restaurant. Ne se connaissant que par bruits et vacarmes interposés, leurs visages sont réciproquement inconnus l'un pour l'autre et pourtant tout les unis tant ils semblent avoir de points communs : même commande à la carte du restaurant, même opinions politiques ostensibles par le journal qu'ils tiennent entre leurs mains et même goût dramatique quand le soir même ils se trouvent proches d'un siège près lors d'une pièce de théâtre.
Toutes ces coïncidences frappent de stupeur nos deux voisins qui voudraient s'embrasser, s'enlacer et ne plus jamais se quitter mais oh maladresse en sortant, ils se perdent… Les deux idiots ne s'étaient aucunement demandés qui ils sont et encore moins où ils habitent.
Ils chercheront en vain à se retrouver tandis qu'ils continueront à se maudire derrière la mince cloison séparant leur appartement. Et quand s'y mêle en plus l'ami débauché que Jacobet traîne dans l'appartement et la famille nombreuse de Verdelot dans le sien, la situation sera plus cocasse encore…
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