AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Albert Naud (11)


D’un seul jet, tout à trac, il jeta sa défense en pâture aux jurés et aux journalistes. Ce fut un travail prodigieux. Les yeux lavaliens, inoubliables, mesurèrent la salle, le public, les juges, avec angoisse d’abord, avec assurance bientôt, avec une familiarité bonhomme pour finir. Tout à tour pathétique, drôle, émouvant, finaud, s’aidant de la voix qui n’était pas sans beauté, s’aidant de ses mains merveilleuses pour affirmer, réfuter, blâmer, convaincre, Laval, témoin d’un jour, réussissait à l’issue de l’audience une entreprise de séduction, qui devait lui fausser son optique d’accusé et contribuer à le perdre quelques semaines plus tard.

(Laval, témoignant au procès de Pétain. Eté 1945)
Commenter  J’apprécie          130
M. le Procureur général Mornet est lancé. Il a entrepris son réquisitoire. Non seulement il estime l’instruction inutile, mais il se demande ce que font là tous ces jurés. Pourquoi des débats judiciaires ? Pourquoi une Haute Cour ? Que signifie toute cette mise en scène ? L’œil en feu, le pectoral aussi gonflé qu’il se peut, il lance ses périodes accusatrices, il se croit déjà à l’instant qui précède le verdict. Que n’a-t-on amené dans la salle le peloton pour en finir !
Laval indigné, hors de lui, se précipite, m’ont dit des témoins, jusqu’au pied du bureau des magistrats.
« Mais vous étiez tous aux ordres du gouvernement à cette époque, vous tous qui me jugez, magistrats, et vous, Monsieur le Procureur général... »

(Suite à la demande des avocats de Laval, de reprendre l’instruction du dossier, avortée, interrompue bien avant son terme prévu, et donc de repousser l’audience de jugement, ouverte ce jour-là)
Commenter  J’apprécie          120
Et puis, il faut bien le reconnaître, Laval réalisait contre lui l’unanimité de l’opinion publique.
(...) De son côté, la bourgeoisie qui avait versé en silence et bien clandestinement, des larmes d’amour et de pitié sur les malheurs du vieux Maréchal, n’éprouvait aucun élan lorsqu’il s’agissait de Laval. L’allure un peu gouape de notre client, ce mégot éternel qui charbonnait à sa lèvre, cette peau noiraude aux reflets jaunâtres de Mongol, ce cheveu gras et indiscipliné, toute cette vulgarité de grand seigneur bohémien que dégageait sa personne, tout un passé réputé trouble et plein de compromissions, de marchandages et d’habiletés, faisaient que Laval ne pouvait pas être l’homme de la bourgeoisie.
Commenter  J’apprécie          120
- Pierre Laval. – (...) si nous avons connu la guerre, on pouvait l’éviter, empêcher Hitler de nuire. Il ne fallait pas se lancer dans la guerre dans les conditions où on l’a faite ; nous n’avions rien, pas un seul avion moderne de bombardement. Il ne fallait pas commencer la guerre après l’accord de Moscou. Il ne fallait pas faire la guerre pour la Pologne quand on avait refusé de la faire pour l’Autriche, et quand on avait laissé mettre la main sur la Tchécoslovaquie. Il fallait faire autre chose.
(...)
J’ai comme une vague idée et je veux l’exprimer en public...
- M. le Premier Président. – Exprimez-la
- Pierre Laval. – Que c’est peut-être cette instruction sur les origines de la guerre qu’on ne veut pas, et que la brusquerie qu’on apporte à clore l’instruction, à clore ces débats, à me ligoter vite, c’est pour m’empêcher de parler.
Commenter  J’apprécie          100
C’est Franco qui a livré Laval. Il n’a peut-être pas pu refuser de donner ce gage à ses adversaires.
A partir du moment où les Alliés admettaient de traiter comme criminels de droit commun les hommes politiques français qui avaient accepté, préconisé ou pratiqué la collaboration, il fallait évidemment que Franco prît à l’égard de Laval une position de principe.
(...)
En tout cas le fait est constant que certains pays étrangers reconnurent, pendant l’occupation de la France, le gouvernement de Vichy comme le seul légal et n’éprouvèrent, pour autant, aucun embarras, après notre libération, à traiter en criminels de droit commun les membres épars de ce même gouvernement que la France réclamait pour les fusiller.
Commenter  J’apprécie          80
Maître, la Justice, ou plus exactement la Haute Cour, est ce qu’elle est, me fit observer le garde des sceaux désabusé, je n’y puis rien changer. C’est une juridiction politique, alors... (et il leva les yeux et les bras vers le ciel comme pour prendre Dieu à témoin de l’imperfection des choses humaines).
Je profitais de ce geste muet pour exprimer notre doléance.
- Monsieur le garde des sceaux, nous entendons bien que vous ne pouvez pas supprimer la Haute Cour et nous donner en échange une autre juridiction. C’est, du reste, bien regrettable. Peut-être pourriez-vous, au moins, exiger de son président qu’il fasse son métier, et de son procureur général qu’il ne mente pas. Le président a toléré de la part de ses jurés les plus basses insultes et les pires menaces à l’égard de notre client. Quant au procureur général, il crie à tue-tête que nous avons eu communication du dossier alors qu’il sait bien que c’est inexact.
- Messieurs, repris le ministre, M. Mongibeaux lui aussi est ce qu’il est. Je ne peux pas le changer. J’ai demandé à sept magistrats de présider la Haute Cour, sept ont refusé. M. Mongibeaux seul a accepté, sans doute parce qu’on lui a donné la première présidence de la Cour de Cassation. Quant au procureur général, il m’en fallait un qui n’ait pas prêté serment à Vichy. J’ai vainement cherché, je n’ai trouvé que M. Mornet, et encore son cas est-il douteux...
Commenter  J’apprécie          70
(Laval a la parole)

Mais il y a une chose beaucoup plus invraisemblable. Comment se fait-il qu’on attende le mois d’octobre 1945 pour élever une protestation contre les conditions dans lesquelles a été obtenu le vote de l’Assemblée nationale*. Comme c’était plus clair de le faire au moment de l’Assemblée nationale !
(...)
Mais M. Jeanneney n’a rien dit, mais M. Herriot n’a rien dit ; celui-ci a parlé du Massilia, tandis que M. Jeanneney a parlé du quorum. Aucun n’a dit qu’on étranglait la République. Aucun n’a élevé la moindre protestation et n’a formulé la moindre réserve.

*Vote du 10 juillet 1940 qui a donné les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Commenter  J’apprécie          60
Pourquoi ne pas essayer de faire vraiment un grand procès ? Un pays comme le nôtre, qui a retrouvé son équilibre et sa force, qui a retrouvé ses institutions, qui a retrouvé – ou qui le retrouve plutôt, très doucement – le goût de la liberté, a bien, je pense, le droit de faire un grand procès à sa taille.
Pourquoi toujours recevoir des leçons d’ailleurs ? Nos yeux de Français se portent trop souvent, depuis quelques temps, au-delà de la Manche et de l’Atlantique, pour admirer comment fonctionnent la vraie liberté et la vraie justice. Je voudrais, pour la fierté de mon pays, n’avoir qu’à porter les yeux chez moi, dans mon pays que j’aime, pour y voir fonctionner la justice comme j’aime.

(Albert Naud)
Commenter  J’apprécie          50
« M. le Premier Président - Mais je tiens cependant à ce que vous ne sortiez pas du cadre de votre affaire. Vous êtes l’objet de deux accusations...
Pierre Laval – Je demande deux choses : complément d’information, une remise...
M. le Premier Président - Est-ce que vous me laisserez parler ?
Pierre Laval – Evidemment, je n’ai pas le moyen de vous en empêcher.
M. le Premier Président - Je vous ai déjà adressé deux avertissements. Voulez-vous qu’au lieu de vous en faire un troisième, je vous fasse expulser ?
Je vous dis que si vous n’avez pas d’avocat ce n’est pas de notre faute.
(Laval, furieux, m’a-t-on dit, jeta avec violence sa serviette sur son pupitre et s’écria :
- Condamnez-moi tout de suite, ce sera plus clair !)
M. le Premier Président - Gardes, emmenez l’accusé.
Cette décision provoqua des remous dans la salle. Un jeune homme cria : « vive Laval ! »
« Arrêtez-le ! » ordonna un juré.
M. le Premier Président - Arrêtez immédiatement le perturbateur et conduisez-le au dépôt.
M. Prot (juré) – C’est la cinquième colonne, la clique.
Un autre juré – Il mérite, comme Laval, douze balles dans la peau.
M. le Premier Président - Demain, monsieur l’huissier, vous appellerez le premier témoin. Je ne poursuivrai pas un interrogatoire dans ces conditions et l’audience se poursuivra en l’absence de l’accusé. »

Douze balles dans la peau ! L’arrêt était, en somme, rendu.
Comme l’avait annoncé le président, les débats pouvaient en effet, se poursuivre en l’absence de l’accusé. Il suffirait qu’il fût là le jour de son exécution.
Commenter  J’apprécie          40
"Laval est pacifiste jusqu'à la lâcheté, c'est ce qui explique son crime."
Cette dernière phrase me frappe encore aujourd'hui, elle définit le vrai Laval. Un jour, il est allé jusqu'au tréfonds de sa pensée, et j'ai été douloureusement blessé dans mon patriotisme. "Rien ne justifie la guerre, qu'elle soit offensive ou défensive", m'a dit Laval.
J'ai protesté qu'on ne pouvait cependant pas, en cas d'agression, se borner à tendre le cou au sabre de l'ennemi. Laval a jugé mon objection ridicule : "Comptez les morts, a-t-il crié, chiffrez les ruines, appréciez les misères dont l'humanité souffrira pendant des siècles peut-être et dites-moi sincèrement si tout, vous m'entendez bien, tout n'est pas préférable à une guerre. Je ne la voulais pas, moi, la guerre, à aucun prix, parce que je savais ce qu'elle contenait, gagnée ou perdue."

(Pages 262-263)
Commenter  J’apprécie          40
- Maître, me dit-il, votre client n'est pas juridiquement mort, son coeur s'est remis à battre. Alors je dois faire exécuter l'arrêt de mort. Ne croyez-vous pas que, par humanité, il serait préférable de faire cela tout de suite ?
Je ne réponds pas.
Monsieur le procureur général insiste :
- Nous pourrions attacher Laval sur un brancard et l'appuyer contre le poteau, comme ça (il fait un geste de la main pour figurer dans l'espace la réalité de sa proposition) et il serait fusillé, sans nouvelle souffrance.
- Votre souci d'humanité vous honore, monsieur le Procureur général; au surplus vous avez déjà fait fusiller quelqu'un dans des conditions analogues, ce qui vous rend la chose plus familière qu'à moi. Pour ma part, voici ce que j'ai à vous répondre : Si vous faites cela, je le dirai, si je le puis, au monde entier. Je dirai que c'est vous qui l'avez voulu ainsi. Je considère que si Laval doit mourir des balles du peloton, ce doit être en pleine possession de sa lucidité et de son contrôle.

(Pages 279-280)
Commenter  J’apprécie          30

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Albert Naud (20)Voir plus


{* *}