Olivier Arnaud se régala du récit, plein de fraîcheur, de cette amoureuse de la nature qui avait décidé de vouer sa vie à Dieu et à son prochain. Blancheteau avait raison : les hommes et les femmes de loi et ceux de foi étaient les facettes d’une même médaille, seules les armes différaient. Ils étaient tous les garants de l’ordre et de la moralité. Sœur Marie-Thérèse et lui possédaient la même foi, la même passion, la même vocation pour leur métier. La SR et la Gendarmerie étaient pour lui ce que sa vocation de religieuse était pour elle : un sacerdoce, une profession de foi, une partie inhérente de leur personnalité, de leur vie. Il se sentit étrangement proche d’elle. Lui aussi avait renoncé à tout pour intégrer la gendarmerie.
Elle avait toujours admiré l’imagination sans borne et la mémoire infaillible du petit garçon. Contrairement à ses condisciples qui méprisaient ses capacités d’invention, elle, elle les avait toujours encouragées, y voyant l’œuvre de Dieu qui, dans sa grande sagesse, avait doté ce petit orphelin malmené par la vie du don de rêver et de faire rêver les autres.
Il avait nourri son esprit extraverti et imaginatif avec et depuis il ne se passait pas une journée sans qu’il ne mette en scène l’une ou l’autre des aventures du film. Il y avait fort à parier que cette histoire avait mis sens dessus dessous cette petite tête blonde, si impressionnable, au point de lui faire confondre réalité et fiction.
Qui qu’elle soit, la jeune victime était issue d’une famille aisée, et une telle enfant ne restait jamais longtemps inconnue. Sa famille devait déjà faire des pieds et des mains pour la retrouver. Il écrivit l’inventaire précis des pièces et glissa le tout dans une enveloppe officielle qu’il scella consciencieusement.
Par un paradoxe des plus amusants, c’est grâce à ces « chers disparus » que ce lieu doit d’être
encore vivant, sauvé in extremis de la destruction par leurs riches héritiers. Ces derniers, en
effet, stoppèrent net le projet ambitieux d’un maire visionnaire et novateur qui rêvait de
construire un grand parc arboré en lieu et place du vieux cimetière qui périclitait à vue d’œil.
Ils n’eurent aucun mal à obtenir la sauvegarde et la protection du site, en tant que haut lieu de
l’Histoire locale, contre une coquette compensation financière suffisante pour réaliser les rêves
de l’ambitieux édile. Chaque partie y ayant trouvé son compte, le vaste parc sortit du sol à l’orée
du cimetière nettoyé, rénové et confié aux bons soins d’un gardien embauché pour l’occasion.
Elle était à l’affût du moindre indice, même minime, tendant à prouver que l’enfant était encore en vie, mais la distance qui les séparait et la position du corps ne lui permettaient pas de voir si de l’air soulevait encore sa poitrine.
L'homme partit d'un grand éclat de rire.
-Et vous n'avez rien trouvé de mieux qu'un tueur à gages recherché par les autorités ?
-Mais vous n'êtes pas un simple tueur à gages... Je suis votre carrière depuis plusieurs années. Vous êtes un homme d'honneur, vous aves une âme, des principes. Vos contrats ne répondent pas qu'à des conditions pécuniaires.
-Je ne suis pas un saint, Directeur, et je ne suis pas un marshal. La protection des témoins, c'est leur job. Pas le mien.
Combien de fois t’ai-je répété qu’à force de crier au loup à tort et à travers, personne ne viendra à ton secours le jour où tu seras vraiment en danger ?
Sarah avait raison quand elle disait qu'il gardait sciemment ses distances avec l'enfant, bien qu'il ait prétendu le contraire. Lui aussi appréciait la fillette, mais il estimait que l'un des deux au moins se devait de garder les pieds sur terre, de garder en tête qu'elle devrait repartir un jour ou l'autre et qu'il faudrait bien que l'un des deux ne souffre pas trop de son départ pour pouvoir consoler l'autre...
La tombe était anonyme, seul subsistait le mot « beloved
Ils déposaient sur le haut de la pierre tombale une fleur rouge