Un grand merci à Babelio et aux Editions Serge Safran pour « LSD 67 » d’Alexandre Mathis.
LSD 67…ou… Liliane Sonny Dora 1967
Entre roman et souvenirs, A. Mathis nous raconte la vie d’un groupe d’adolescents drogués dans le Paris de la fin des années 60 (Liliane, Sonny, Dora, Chico, Hervé et les autres).
Entre étude sociologique participative et chronique quotidienne (telle une coupe transversale microscopique) d'une bande d'étudiants ou vagabonds dont la vie est centrée sur la drogue : journée à errer dans les rues de Paris, à chercher leur dope, à faire la manche pour quelques francs, de quoi se payer d’abord leur dose et ensuite peut-être de quoi bouffer.
Entre liberté et prison. Parce qu’il faut éviter la rousse (la police) mais plus par cette constante obligation de trouver leur dose journalière. S’il y a quelques drogues privilégiées, tout est bon ou presque, du moment que cela met suffisamment la tête à l’envers.
LSD, opium, pilules, dragées, fioles, acid, romilar, ether, benzedrine, seringues, amphés, sticks, hash et parfois héro…
Véritable Vidal des drogues et de leurs effets, de leurs avantages et inconvénients.
Dictionnaire des synonymes des consommateurs et de leurs us et coutumes : drogués, dopés, hallucinés, comateux, décalqués, défoncés…
Mais, être des « drogués », c’est aussi tout un état d’esprit. Les années 60, c'est la période de la Beat Generation, des beatniks, du Pop Art, des psychédéliques, des junkies, des garçons aux cheveux trop longs, des filles aux jupes trop courtes, des lunettes noires qu’on porte à toute heure pour cacher les yeux défoncés ou, au contraire, pour revendiquer leur état de « drogués ».
Alors, c’est bien sûr aussi la musique qu’il faut écouter pour un bon shoot dans le studio de l'un ou le squat de l'autre ou encore sur les juke-box de certains cafés, ces chanteurs engagés, ces groupes de rock au même penchant : « LSD » des Pretty Things, Bob Dylan, Brian Jones, Hendrix, « Stoned » des Rolling stones (Stoned… Out of my mind… Here I go… Where I am… my head…), sans oublier “Lucy in the Sky with Diamonds” des Beatles...
Mais, c’est aussi des auteurs qu’on lit, des livres qu’on pique chez les bouquinistes, d’autres qu’on a dans la poche lorsqu’on se balade, Vian, Poe, etc., et, pour le narrateur, Burroughs et Huysmans qu’il affectionne.
Entre guide touristique et guide culinaire des troquets du Paris de l’époque. Enumération à la Prévert de toutes ces rues, ces impasses, ces quartiers où traîner, où dealer, ces jardins pour se droguer tranquilles ou errer hallucinés.
Le quartier Latin, St Miche, la rue de Buci, l’église St Eustache, le Mabillon, le Mazet, le boulevard St Germain...
Enumération de tous ces troquets, ces bars, ces patrons qui ferment plus ou moins les yeux sur leur état. Enumérations de tous ces menus, de ces brasseries où on peut manger pour quelques francs seulement (ça fait rêver).
Enumérer, lister, détailler, toujours et encore à en perdre la tête. Tel un drogué. Ou plus certainement comme une preuve de son attachement pour ces potes, cette période, cette vie, cette ambiance, cette accoutumance.
Journal de bord et critique cinématographique enfin parce qu'Hervé, le narrateur, est un véritable féru de cinéma (il semble aller à quelques cours de cinéma lorsqu’il n’a rien de mieux à faire). Ses journées pour ne pas louper un film, se faire un maximum de séances, pour passer en douce et voir des films interdits aux mineurs (il faut se rappeler que la majorité est à 21 ans), ses calculs pour quitter rapidement un cinéma de quartier et filer vers un autre, quitte à ne pas prendre le temps de manger ou de dormir, juste peut-être de se griller une clope. C’est la nouvelle vague, les critiques de ciné, l’officiel des spectacles qu’on épluche, Godard, Chabrol, Lelouch, Zimmer, Truffaut, Rohmer, Gabin, Noiret, Anna Karina, Pasolini, Polanski, A. Hepburn et tant d’autres. (beaucoup de films d’ailleurs que je ne connaissais pas. D’une part parce que je ne peux me prétendre aussi passionnée ou addict mais d’autre part, parce que j’ai la petite excuse de n’être pas une ado des années 60)…
Entre réalité et hallucinations : les amours, les rêves colorés, les paranoïas, les délires, les transes et jusqu’à la mort d’overdose de certains amis.
Une tranche de vie d'ado en marge, en décalage assumé.
Au final, il m’est autant difficile de mettre un terme exact sur ce livre que d’en faire la «critique».
C’est un roman atypique, empli d’une foule de souvenirs et de documentations de l’auteur. Et c’est peut-être cela qui m’a le plus impressionnée, cette abondance de détails, ces énumérations en tout genre, tout au long du livre, parfois trop longues certes (à mon goût). (Moi-même je manque d'esprit de synthèse ici et j'abuse d'énumérations...).
C'est peut-être ce style d'écriture qui a permis de se sentir vraiment en plein cœur du Paris des années 60, parmi ces jeunes (drogués bien sûr), avec leurs vocabulaires, leurs habitudes, leurs errances, leurs plaisirs, leurs émotions, leurs défonces.
Et ce roman-chronique-guide-étude ne pouvait être complet sans l’ajout d’une note (détaillée ?) en toute fin pour préciser le numéro de la rue de tel hôtel, de tel bar, du cinéma, de la date du film… J’avais presque le plan de Paris dans la tête en lisant ces pages.
L’énoncé de certains lieux parisiens m'a amenée des petits sourires. Me sont revenus en mémoire mes propres moments passés dans ces cinémas, ces soirées dans ces quartiers et bars parisiens, ces endroits où j’ai traîné moi-même, seule ou avec ma "bande", et où j’erre parfois encore…
Ces sourires méritent un remerciement à l’auteur et à Babelio.
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