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Citation de aleatoire


On vient d’enterrer Roger Nimier.
Il était jeune, il était beau, il était brillant, il était modeste et insolent, il était hussard, il était rapide, il est mort vite et d’un excès de vitesse.
C’était dans la logique des choses. Il ne pouvait finir qu’au galop. Son auto, son esprit, son cœur, allaient trop vite. Il a fini dans un écrabouillis. Jamais on ne vit pareil spectacle que celle de l’Aston-Martin dans laquelle il roulait au moment de l’accident.
Son style et son talent n’étaient pas moins rapides. Il cravachait les idées et les phrases ; si bien qu’elles donnaient l’impression non plus d’être successives, mais d’être simultanées ; on eût dit qu’il passait en foule. Jeune, il avait déjà la classe, l’autorité qui désigne les maîtres. L’âge aurait fait de lui notre plus grand écrivain.
On a tendance à croire frivoles ceux qui sont brillants, et mauvais cœurs ceux qui sont insolents. Il démontrait exactement le contraire. Il avait l’air de ne fréquenter que les bars et les salles d’entraînement, et il trouvait le moyen de diriger un journal ou d’être l’âme d’une maison d’éditions, d’avoir tout lu, d’écrire une œuvre et de consacrer à ses amis un temps qu’il prenait où ? On ne l’a jamais compris. Il avait pour eux des générosités de prince, des tendresses de nourrice, des délicatesses de maman, et sa pudeur savait aller jusqu’au cynisme.
Il avait certainement un secret. Le fond était certainement amer. Il le masquait par l’enthousiasme.
Qui était-il ? D’Artagnan, sûrement, et peut-être aussi Athos, d’une façon ou d’une autre : l’homme d’un mystère, et d’un mystère désespérant.

La Montagne – 9 octobre 1962
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