Alice Broadway

Dormir est un don merveilleux. Une bonne nuit de sommeil résout la majorité des problèmes, apaise la plupart des maux et adoucit bon nombre d’humeurs maussades.

Tout comme quand mon père avait fait le test. Je me rends compte que le système repose sur notre peur. Il faut avoir peur de la mort et d’être oublié pour obéir. Mais quand tout ça n’a plus d’importance, on ne peut plus nous atteindre.
C’est juste un spectacle.

Nous n'avons pas peur de la mort. Nous lui survivons en intégrant nos tatouages dans un livre.

L'histoire de notre vie, inscrite sur notre peau, y est conservée pour toujours - seulement si nous en sommes dignes.

Notre histoire se poursuit ainsi pour l'éternité.

J'étais suffisamment proche pour tout voir mais je ne voyais rien. Pas d'encre, pas de mots, pas de dessins, pas de tatouages. Son corps à la dérive était silencieux. Muet. Cet Immaculé était conservé à titre d'avertissement. Notre professeur nous a raconté que seules les personnes qui avaient quelque chose à cacher gardaient leurs histoires pour elles. J'imaginais ses secrets comme des vers sous sa peau, le dévorant de l'intérieur.

Les livres de peau de nos ancêtres remplissent nos étagères. Je peux respirer leur odeur, les toucher, lire leurs histoires.
Mais ce n'est qu'à la mort de mon père que j'ai vu le livre de quelqu'un que j'avais vraiment connu.

C'est comme une fleur. Les jolies pétales représentent ce qui a été enjolivé et la racine, c'est la vérité.

- Je pense que tu es face à un choix, Leora. ( Elle se penche vers moi.) Qu'est-ce que tu préfères ? Planter des aiguilles dans les vivants ou des scalpels dans les morts ?

L'amour est une chose terrible. Est-il une seule raison de vouloir l'éprouver ? Oui. C'est une douleur nécessaire, semblable à celle que cause une pointe trempée d'encre au contact de la peau. Une douleur où fleurit la beauté.

Les morts dont la vie se révèle suffisamment méritante retournent dans leur famille et prennent place parmi leurs ancêtres, pour qu'on les lise et qu'on se souvienne d'eux à jamais.

Nous n'avons pas peur de la mort. Nous lui survivons en intégrant nos tatouages dans un livre. L'histoire de notre vie, inscrite sur notre peau, y est conservée pour toujours - seulement si nous en sommes dignes. Notre histoire se poursuit ainsi pour l'éternité.

Tu sais que je t'aime, hein ?
-Évidemment, tu es ma maman. Pas le choix.

Bien sûr, nous n'avons pas voix au chapitre concernant nos marques officielles, qui sont les mêmes pour tous : une marque de naissance avec notre nom, , un point de plus à chaque anniversaire, et une indications pour les vaccins que nous avons reçus. Sur l'avant-bras droit, des lignes de longueurs et de couleurs différentes immortalisent nos réussites. Notre bras gauche est réservé à nos échecs.