A peine, Monsieur Mirabel eut-il fini son petit qu'un flot tempétueux d'élèves empressés, cadenas en main, se rua contre le mur. Gaston essaya de se frayer un passage au milieu des autres, à plusieurs reprises il fut sur le point de harponner lui aussi un fermoir, mais rien n'y fit. Son dernier espoir se referma violemment devant son nez, poussé par la main de Kilian qui envoya valser le garçon d'un petit coup de pied en prenant possession du casier.
Gaston se releva, prêt à en découdre avec ce Kilian de malheur quand il aperçut dans un petit couloir perpendiculaire qui ne menait qu'à un ancien placard à balais, un vieux vieux vieux casier, abandonné, un peu comme lui en somme. Tout gribouillé, tout usé, tout seul. Gaston se dit qu'ils seraient bien assortis.
J'écoutais ces histoires avec beaucoup d'attention dans l'enfance ; aujourd'hui, je les connais par coeur. Alors quand la voix des Anciens résonne au coin du feu, je laisse mon esprit vagabonder comme un aigle au-dessus des gorges et je chante parfois les paroles que le vent m'a apprises.
Je pense à l'heure secrète...
Quand l'Astre Père embrasse la Terre Mère et que le ciel devient rouge de leur amour, personne, ou presque, ne sait où je me rends. Un moment volé que je ne dis pas. Un secret.
La nuit redevient silencieuse quand j'arrête de pleurer. J'ai épuisé mes larmes. Le vent chante et je murmure avec lui pour ne pas mourir.
Vivre et mourir ensemble parce que nul n'est pareil à toi pour moi