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Critiques de Amar Annus (3)
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Ludlul bêl nêmeqi

C'est la rentrée littéraire, c'est pourquoi je préfère me tourner vers un grand classique babylonien du XII° siècle avant Jésus-Christ, "Ludlul bêl nêmeqi", "Je vais louer le Seigneur de Sagesse". Cette édition bilingue de 2010 rassemble toutes les nombreuses versions de cette œuvre qui fut célèbre : on trouvera une introduction de quarante pages, brève mais complète, puis l'histoire de la recomposition du texte à partir de tous les fragments, l'édition dans le cunéiforme original, sa translittération pour aider la lecture, une traduction, et enfin une liste des signes d'écriture et un glossaire. Ce livre est destinée aux étudiants cunéiformistes de langue anglaise, mais le lecteur francophone intéressé trouvera dans les livres de Jean Bottéro ("Le problème du mal en Mésopotamie ancienne, prologue à une étude du 'Juste Souffrant'", 1977, "Babylone et la Bible", "Naissance de Dieu" etc) des passages traduits en français : Bottéro avait un vrai talent de traducteur.



Ce poème à la langue recherchée - comme le livre hébreu de Job - évoque la malédiction divine qui s'abat sur un homme important, et qui sent (ou croit) qu'il n'a commis aucune faute rituelle pour mériter cela. Mais alors que dans Job, le prologue nous informe que ses souffrances résultent d'un débat entre Dieu et Satan, ici nul ne comprend pourquoi le dieu a retiré sa faveur à cet homme qui se sent injustement accablé de malheurs. On rencontre ici le thème classique de la souffrance de l'homme juste, et de l'arbitraire de la volonté divine. La seconde partie du poème est consacrée à la guérison du narrateur et au retour de la faveur du dieu : ce qui est dit en quelques versets finaux du livre de Job, fait l'objet ici de deux tablettes entières, à égalité de longueur avec le récit des malheurs et les plaintes. En préface, les auteurs suggèrent de rapprocher ce texte, moins du Job de la Bible, que du "Pilgrim's Progress" - sur ce point, il faudra que je me renseigne car je ne sais rien de cette oeuvre-là.



Il est intéressant de lire ce poème si l'on aime la poésie, les sagesses, et la Bible, replacée dans son contexte moyen-oriental. Mais aussi, il donne une image très vive et frappante de la mentalité babylonienne, qui contraste fortement avec celle des Grecs dont nous sommes les héritiers. On dirait que les dieux pèsent de tout leur poids dans cette civilisation, et que la littérature, mais aussi la médecine, la magie, la politique, ne sont qu'un dialogue et un débat perpétuels des hommes avec les dieux. Ce poème raffiné nous invite à une immersion dans un monde très étrange.
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The Overturned Boat

Ce petit volume de moins de cent cinquante pages concentre beaucoup de science et d'idées brillantes, qui ne se limitent pas au seul domaine de la Mésopotamie antique. L'assyriologue finnois Amar Annus examine les textes littéraires mythologiques sumériens et akkadiens pour dégager de troublantes ressemblances verbales et thématiques avec les exorcismes et autres incantations magiques en usage pendant les trois mille ans de cette civilisation d'"entre les fleuves" : fêtes calendaires, agricoles, maladies, guérisons, possessions, accouchements, procès, naissance, funérailles, tout était occasion de rituels et de magie, d'incantations -- et donc de textes. L'auteur nous révèle ainsi que la littérature, que nous concevons, à la suite des Grecs et des Latins, comme un des beaux-arts, a pu être en Mésopotamie une branche de la magie curative, exorciste et rituelle qui structurait la vie religieuse et quotidienne (pénétrée de sacré) des hommes. Les textes qui nous sont parvenus, Epopée de Gilgamesh, Adapa et autres, nous les lisons comme des Iliade et des Enéide avant la lettre, et il se peut que nous nous trompions, que nous ne voyions pas qu'ils sont la forme écrite et durable (destinée aux scribes et aux conteurs) d'une culture qui se donnait pour but de contrôler le monde spirituel des démons et des dieux, maîtres de la nature et de la vie humaine. Amar Annus n'avance pas ses thèses sans caution, et il s'appuie en annexe sur des théories

cognitives et neurologiques auxquelles je n'ai rien compris. Mais si l'on en juge par les résultats, son approche comparatiste fait ressurgir un univers mental étonnant et très éloigné du nôtre.
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Standard Babylonian: Epic of Anzu

Anzu, l'oiseau monstrueux et malveillant né du Déluge, rappellera au lecteur l'oiseau-roc que rencontre Sindbad le marin. Cette créature du chaos s'attaque au roi des dieux, Enlil, et lui vole la Tablette des Destinées, sans laquelle il ne peut gouverner, comme le monstre Grendel dans le poème Beowulf menace la légitimité du roi et de ses braves réunis dans le palais. Un héros est désigné, ici NInurta, ailleurs Beowulf, ou d'autres encore dans les cycles mythologiques, pour ramener l'ordre et la paix, remettre le pouvoir entre des mains légitimes et apprendre aux humains rescapés du Déluge à irriguer la terre et à honorer les dieux. Une péripétie attirera l'attention du lecteur moderne : Ninurta, vainqueur d'Anzu, hésite à rendre la Tablette des Destinées à son propriétaire et se trouve tenté d'en usurper l'usage. Toutes proportions gardées, sa tentation ne rappelle-t-elle pas Frodo revendiquant l'Anneau unique au bord même des Crevasses du Volcan primordial ? Ici toutefois, Ninurta vainc sa tentation et rend la Tablette au roi des dieux. Les jeux de parallélismes entre les mythes sont une activité stimulante pour l'esprit.

Tout ceci ne doit pas inciter le lecteur à acheter cette édition particulière de l'épopée d'Anzu : en effet, on n'y trouvera que le texte original en cunéiforme assyrien, une liste de signes et des outils prévus pour aider enseignants et étudiants à lire le poème dans le texte sans l'aide d'une traduction. Je n'en connais, pour ma part, qu'une seule en anglais, celle de Benjamin R. Foster, dans son anthologie de la littérature akkadienne, "Before the Muses", aux pages 555 à 578. Peut-être Jean Bottéro s'est-il essayé, lui aussi, à cet exercice en français.
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