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Citations de Aminata Aidara (29)


Maintenant, la solitude de sa mère la met en garde contre le fait qu’il ne faut pas confier son propre bonheur à quelqu’un d’autre
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Je pense toujours à Frantz Fanon qui a lutté jusqu'au bout et qui était si jeune quand il a abandonné cette terre de fous ! Il m'a laissé en héritage un coeur fin qui arrive à comprendre. J'aurais préféré avoir un muscle brut et instinctif, battant toujours au même rythme.
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À partir de maintenant, je ne vais me priver de rien ! Je risquerai même de me priver de tout ! Peu importe, Vi Vee, ma vie sera un oxymore permanent, une contradiction galopante. Je vais la dompter, lui imposer des directions, puis les trahir ! Je serai l’unique horticultrice de mon potager secret, je créerai des fruits et des légumes dont moi seule connaîtrai la formule, la naissance et la mort !
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Je suis quelqu’un qui a fait siens des souvenirs qui ne lui appartiennent pas. Petite, je suis une sorte de passoire. Une espèce de filtre traversé par toutes les confidences et les purges possibles. Je les accueille et je cherche à les dompter, les domestiquer, les adoucir. Il existe quelque chose de très innocent dans l’enfance de certaines personnes, quelque chose qui a manqué à la mienne.
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7 février 2009,
Île de Gorée

Cher Steve,

Peut-être que cette lettre te surprendra.
Mais, comme tout événement inattendu, elle pourrait aussi te faire plaisir.
Tu veux savoir la raison pour laquelle j’ai décidé de me manifester, après 30 ans de silence ? La voici : hier Joseph Ndiaye est mort. Il s’agit du vieil homme qui depuis près d’un demi-siècle s’occupait de la maison des esclaves, à Gorée. On lui a rendu beaucoup d’hommages dans les médias. Si tu es toujours attentif et engagé, tu ne les auras pas ratés.
Il est mort dix-sept jours après l’élection du premier président noir des États-Unis, Barack Obama. J’aurais aimé mieux connaître Joseph, ce vieil homme si tenace, au regard dur, par exemple en dehors de ses visites guidées. Pour l’entendre dire autre chose que la rengaine habituelle. Mais hélas, ça ne s’est pas passé : on a juste eu le temps d’échanger quelques mots avant qu’il ne s’en aille pour toujours. Et lui, quittant cette terre, n’a pas pu ajouter à la galerie de photos qui l’exposent avec les différents présidents américain celle avec Obama.
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J’ai presque cinquante-deux ans et je m’aperçois que je suis plus pressée qu’autrefois. Je suis née le jour de la mort de Frantz Fanon, le 6 décembre 1961. Parce que c’est mon idole, il ne me semble pas exagéré de dire qu’il s’agit d’une coïncidence incroyable. Des fois je me demande : s’il n’avait pas existé, qu’en aurait-il été de moi ?
Nous avons partagé cette terre un bref instant. Et ce n’est pas important de ne pas l’avoir connu : j’ai lu tous ses livres et j’en ai absorbé la force, la détermination et le courage. Cela suffit.
Pendant longtemps j’ai connu la même fièvre de vivre que lui. Maintenant ma température a baissé. Et les gouffres de feu qui m’habitent sont désormais temporaires. J’ai affronté beaucoup trop de batailles et passé ma vie à croire en la force salvatrice d’une main. La main qu’on te tend quand tu as besoin d’aide, comme l’a fait Frantz avec ses écrits, pour des milliers d’êtres humains. Il nous a tendu la main ! Il nous a dit combien nous étions riches sans le savoir. Que l’Afrique pouvait et devait se relever de la position agenouillée qu’elle tenait, malgré elle, depuis des siècles.
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On ne se cachera rien des choses importantes. On se cachera, plutôt, chaque minute où la vie s’est perdue. On enterrera les moments où l’existence a oublié ce qu’elle valait
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Penda est désormais partie, elle a suivi un rêve d’amour, une des nombreuses promesses des hommes. Qu'elle ait été, au final, satisfaite ou non de son choix, elle aura toujours, pour moi, le mérite y avoir cru : profondément, éperdument. Elle a traîné avec elle trois de ses quatre filles, elle les a conduites dans la terre de l’ex-colonisateur, la France : elle n’est plus jamais revenue. Tandis que moi je suis restée, je reste et je resterai. Les States ne m’auront plus sous leurs griffes : je ferai de Gorée ma demeure éternelle.

Léopold Sédar Senghor, le premier président du Sénégal, venait ici pour réfléchir et composer ses poèmes. Moi je ne réfléchis pas : je survis. Dans le grand livre des visiteurs, j’ai baptisé ma visite à la Maison des Esclaves avec le titre du dernier livre de Georges Jackson, celui qui a lui a coûté la vie : blood in my eye. With Blood in my eye j’observe cette île, si tranquille, où les touristes discrets marchent en silence, conscients de la sacralité qui empêche les éclats de joie. With Blood in my eye je me montre, chaque jour, sur la terrasse qui surmonte les rochers noirs affreusement pareils à ceux de l’autre côté de Gorée, contre lesquels les esclaves trouvaient la mort.
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 Je deviendrai la voix des oppressés, Vi Vee ! Je voyagerai là où on n’attend plus rien. Je créerai des écoles, des hospices, je braquerai des banques, ma sœur, des entreprises. Je formerai un parti politique ! Oui moi ! Puis je le dissoudrai pour le transformer en mouvement citoyen ! Je guiderai des manifs, des cortèges. Des grèves de la faim. Je ferai de la prison !
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Dans l’obscurité la plus totale, elles doivent trouver la bonne voie pour atteindre le fond de la vallée. Celles qui voient dans la nuit aident les autres à éviter les dangers de l’obscurité, les animaux sauvages et les esprits malveillants. Une fois passé cette épreuve d’initiation, elles sont considérées comme de Vraies Femmes.
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Aujourd’hui, comme depuis des mois, des années même, je suis penché sur l’étude des Humains : les écritures comme unique preuve de ce qui a été. Des livres pour seuls vrais amis. Voilà, à la fin de cette missive, je te donne l’encre coulant entre mes doigts, les yeux fragiles aux cils collés – emprisonnés. Être lucide c’est être proche de la pierre, tu sais ? Je choisis donc l’ignorance d’une feuille accrochée à l’arbre puis tournoyant au-dessus de tout. La voici devant moi. Je la regarde voltiger derrière la fenêtre de ce grenier. Seul – dans l’étude des autres, je suis ton unique preuve, Penda, au-delà de moi – je ne te vois pas, je ne te sens pas. C’est comme si tu n’existais pas.
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« Jeunesse africaine ! Jeunesse malgache ! Jeunesse antillaise ! Nous devons, tous ensemble, creuser la tombe où s’enlisera définitivement le colonialisme ! »
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Quand je leur disais « Je suis français », ça les faisait rire. On était d’une autre catégorie, tu vois ? Parfois, les flics changeaient de discours, ils nous disaient de ne pas traîner avec les « racailles », avec les enfants d’immigrés. Il fallait faire attention à ne pas basculer de l’autre côté, au risque de perdre notre « francité ». Diviser pour mieux régner. La France nous a rendu l’emblème de ce dicton. C’est pour cela que j’ai écrit un livre sur le choix naïf d’un jeune fils de harkis d’entrer dans la police.
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Être un fils de harkis a été pour moi un stigmate. Tes grands-parents l’avaient prédit, ils m’ont donc donné un prénom à consonance judéo-chrétienne. Mais ça n’a servi à rien. J’ai eu la haine de moi-même. La rage contre eux. J’ai mis énormément de temps à accepter qu’ils avaient été bourreaux et victimes à la fois. Énormément de temps. Penser à eux de cette façon m’a aidé à me reconstruire. Autrement, je n’aurais pas pu. C’est pour nous extirper de leur silence que je t’écris, et si je pouvais je te parlerais. Ils ne m’ont jamais expliqué pourquoi ils ont choisi de s’engager ni ce qu’ils ont ressenti lors des massacres des leurs, alors qu’ils étaient à l’abri, en France. Nos vies ont été sacrifiées par les non-dits. Ce réel indicible nous a privés de mots pour d’autres vérités : même des vérités banales ne pouvaient plus être prononcées !
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Ainsi mes souvenirs sont toujours sombres et je n’arrive pas à les définir. Ils peuvent se briser sur moi si je suis un rocher, m’entourer si je suis une île, mais je ne peux pas les endiguer, les contenir dans mes calanques. Ils sont trop vastes. Comme la mer, ils s’étendent pour toucher beaucoup de côtes. Ils les inondent ou les effleurent seulement, mais ils amènent toujours quelque chose avec eux en créant des coraux qu’ils sont les seuls à connaître. Ils sont complexes.
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Essayer d’avoir un air détaché face à toutes les injustices qui ont empoisonné mes origines n’a pas de sens ! Je le faisais et ça ne marchait pas. De toute façon la société me jettera à la figure ce que je ne voulais pas voir, savoir, concevoir ! Elle m’appellera négrillon, mangeur de bananes, chimpanzé. C’est pour cela que je devrai me cultiver : pour faire face aux insultes racistes et à tout ça. Ou je suis trop dramatique ? Quand je fréquentais encore les autres, je m’étais aperçu que parmi tout ce qu’ils disaient de moi, peut-être une seule chose était vraie : mon vieux m’a entraîné à la mélancolie. J’ai une librairie à la maison, maîtresse de mes succès sur scène, mais je sais bien ce que ça signifie d’être forgé par des regards d’agonie ancienne, par le tintement de couverts et par le crissement de pages au milieu du silence.
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L’éloignement c’est le stationnement dans l’indéfini d’un instant, l’habiter en vain, pour essayer de le cueillir : lever et baisser les paupières pour conjurer une attente qui ne s’apaise jamais. La distance c’est sentir ma mère dans le cœur, le seul endroit qu’elle se retrouve à habiter, et crier à son retour, ne serait-ce qu’en rêve. L’éloignement c’est juste elle.
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Dans ma vie de squatteuse je monte et démonte des meubles, je mets le désordre et je le range pour m’occuper les mains pendant que les autres parlent : je sais que je dois écouter des centaines de contes. Les personnes que j’héberge ou celles qui vivent avec moi ont toujours beaucoup de choses à dire.
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Je suis quelqu’un qui secoue la tête quand il faut écouter l’histoire d’amour de sa mère par la bouche d’un homme. Parler avec Éric, à Montreuil, c’est comme ouvrir une porte sans qu’il soit possible de la franchir.
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Je suis quelqu’un qui ne connaît pas la taille exacte de son malaise. Je sais pourtant qu’il s’affiche quand je suis face à des bobos qui cherchent à toucher le fond, à plonger, corps et âme, dans le bitume de la ville. Ces alternatifs de toutes couleurs confondues qui savent qu’un futur paisible les attend. Ces amis d’une saison qui vivent leur plongeon dans les squats comme si c’était déjà le déclic d’une image, d’un souvenir à regarder après, tendrement, dans un confort bien mérité.
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