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Citations de Anne Boyer (13)


Elle s'ennuie beaucoup de son amie. Même ses bavardages incessants lui manquent. (...) Depuis qu'elle a perdu Cécile, elle se sent souvent très seule. (...) Qui a envie de passer son temps avec une vieille dame à part une autre vieille dame ?
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Moins tu te fais écoeurer dans le vie, moins t'acceptes qu'on t'écoeure, on dirait bien.
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CHAPITRE 1 Julie est pliée en deux de rire. Elle n’arrive pas à retrouver son sérieux. Oh, le visage ahuri de William quand elle l’a envoyé au tapis! Il ne s’attendait pas du tout à ce qu’elle réussisse ce coup. Elle non plus, d’ailleurs. Elle tente de replacer sa crinière qui refuse de rester dans l’élastique. Il y a un mois, ils se sont inscrits à un cours de taekwondo pour marquer le début de leur nouvelle vie à deux. Leur quatrième enfant, leur bébé de vingt ans a quitté le nid. Ils se retrouvent comme au début, avant la naissance de leur aîné, Brian. Tout est allé si vite après… La naissance de Lambert, d’Ingrid, de Frédérick. Le décès tragique de Lambert à dix-neuf ans, après un accident de ski nautique. Leur couple a dû, plus souvent qu’à son tour, faire face à des moments éprouvants. Avec le recul, Julie se dit que tout ça les a forgés, a fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui: un couple fort, uni et complice. Quand Frédo a quitté la maison pour aller étudier à Sherbrooke, Julie et William ont ressenti le besoin de faire une activité ensemble, pour se retrouver. Ils ont choisi le taekwondo un peu au hasard, parce que les cours commençaient à un bon moment pour eux. William se relève, en riant de voir sa femme aussi hilare. Le professeur et le reste de la classe regardent Julie d’un air gêné. Et ça la fait rire de plus belle. Ils sont les plus vieux parmi les étudiants débutants. Mais ils s’en balancent: ils ont un plaisir fou. — Tu m’as pas manqué! dit William en replaçant sa ceinture blanche. As- tu suivi des cours en cachette? — Oh, mon dieu, j’arrête pas de repenser à ta face quand tu t’es retrouvé à terre! répond Julie qui repart d’un rire sonore qui résonne dans le dojo. — Bon, on va se placer en ligne maintenant, annonce Kim, leur professeur, un jeune Coréen d’une vingtaine d’années. Julie et William obéissent aussitôt, conscients d’avoir perturbé le cours. Mais bon, ce n’est ni la première ni la dernière fois que ça arrive.
Julie se présente la première au MacIntosh pour son souper de filles avec Hélène et Réjanne. À la table d’à côté, un homme mange seul. Il l’observe pendant qu’elle retire sa veste et s’installe. — Tout le monde vous a laissé tomber, vous aussi? lui demande l’homme avec humour. — J’espère bien que non. J’attends des amies.
— Dommage, je vous aurais proposé d’unir nos solitudes, rétorque-t-il d’un air faussement grandiloquent. — Ça sera pas possible, dit Julie dans un sourire. Bonne soirée quand même. — Bonne soirée à vous aussi. L’homme se replonge dans sa lecture au moment où Réjanne arrive. Les deux femmes se font la bise. Même si elles ont mis des années à devenir amies, Julie et Réjanne s’apprécient maintenant beaucoup l’une et l’autre. — Hélène est pas arrivée, constate Julie. — Elle allait au cimetière avant, tu te souviens? — Oui, oui, c’est justement. J’espère que ça la déprimera pas trop. — Elle va de mieux en mieux. Tu trouves pas? demande Réjanne. — Oui, oui, mais c’est plus fort que moi, je m’inquiète toujours un peu. Réjanne comprend et est soucieuse, elle aussi. La mort d’Étienne a été un coup extrêmement dur pour Hélène. Deux ans ont passé et leur amie s’en remet peu à peu. La serveuse vient prendre la commande. Comme d’habitude, elles demandent du vin et une bouteille d’eau pétillante pour Hélène qui ne boit plus d’alcool depuis des années. Réjanne qui fait face à la porte annonce l’arrivée de leur amie. — Bon, la voilà. Hélène les aperçoit et vient les rejoindre. — Ça va? demande Julie, soucieuse. — Très bien, la rassure Hélène avec conviction. — Fiou, rétorque Réjanne. Cinq minutes encore et Julie allait te chercher. — Non, non, je vous jure que ça va. Je suis restée longtemps au cimetière, mais c’est correct. Le souper s’amorce joyeusement. Hélène rassure ses amies: elle va très bien, elle peut même dire que le deuil de son mari est derrière elle. Réjanne, quant à elle, peine à revenir complètement au Québec depuis son récent voyage en Haïti. Julie regarde ses deux amies et se trouve chanceuse. Depuis qu’elles forment un trio, elles ont vécu tant d’émotions et elles ont toujours été présentes les unes pour les autres. — Pis toi? l’interroge Hélène, la faisant sortir de ses pensées.
— William et moi, on est en lune de miel, les filles! On a tout le temps la maison à nous tout seuls, maintenant. Julie fait une mimique égrillarde. Les deux autres rigolent. — Fred, il est allé à Montréal ou à Sherbrooke, finalement? demande Réjanne. — À l’Université de Sherbrooke. — Fait que vous êtes comme deux jeunes mariés? poursuit Réjanne. — Je dirais plutôt «nouvellement mariés» que «jeunes», rétorque Julie en riant. Quoique… je sens que j’ai rajeuni de dix ans. C’est sûr que j’ai une petite culpabilité d’être bien de même parce que Frédo est parti, mais… — Pas tant que ça, complète Hélène en rigolant. — Ouain. C’est une mini-micro culpabilité. — Tu vas passer à travers, blague Réjanne. — Je suis pas mal certaine que oui. Julie baisse le ton. — On fait l’amour tout le temps. On l’a même fait dans la cuisine avant- hier. Les trois pouffent de rire comme des gamines.
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Bien attachée à son siège, dans l’avion qui perd graduellement de l’altitude, Réjanne écarquille les yeux: Montréal apparaît par le hublot, illuminée en dépit de l’heure tardive, festive et insouciante en cette soirée de septembre. — As-tu froid? lui demande Philippe, son mari, l’enlaçant de son bras et posant un doux baiser sur sa joue. — Un peu, en dedans… Je me sens vide, en fait. Toi? — Oui, aussi… On a fait tout un voyage… — Ça va être dur de revenir, acquiesce-t-elle alors que l’avion amorce la descente. Réjanne Gagné-Carpentier, au tournant de la cinquantaine, n’a jamais ressenti une émotion aussi puissante que celle qu’elle éprouve en ce moment. Femme plutôt traditionnelle, elle a déjà vécu des choses bouleversantes, des crises familiales et matrimoniales qui lui ont fait perdre temporairement le cap. Ce soir, c’est un tout autre sentiment qui l’habite: une volonté apaisée de changer les choses, non pas forcée par les événements, mais poussée par une grande paix dissimulée sous une immense angoisse. Réjanne repasse les images de leur tout premier séjour en Haïti, il y a plus de trente ans, au moment de l’adoption de leur Geoffroy. L’aéroport bondé. Les visages noirs, partout, ces sourires si blancs. Philippe et elle marchant au milieu de la foule. L’arrivée à l’hôtel. Puis Jacmel. L’orphelinat juché sur la montagne au milieu des oiseaux. Et Geoffroy! Petit garçon fragile, sous- alimenté, mais si curieux et allumé. Son merveilleux Geoffroy… Leur deuxième voyage, l’an dernier, cette fois en compagnie de Geoffroy devenu adulte et de sa copine Alicia, avait été plus touristique. Quelle peine ils avaient eue de constater que l’orphelinat de Jacmel avait été détruit par le séisme de 2010. Et finalement, décidé sur un coup de tête, ce troisième et dernier séjour, totalement différent des précédents. Un mois avec les gens… dans un
dépaysement total. Réjanne a laissé une partie de son cœur là-bas et se demande comment elle fera pour reprendre sa vie tranquille à Granby.
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Le soleil descend paresseusement sur le cimetière de Granby. Ce 1er septembre est une vraie journée d’été et élène a passé les deux dernières heures près de la pierre tombale d’Étienne. Deux ans déjà… Un cancer foudroyant a emporté son mari, le grand amour de sa vie. Hélène a eu l’idée d’apporter une couverture pour faire une sieste à l’ombre du grand saule au bord de la rivière Yamaska. Un temps volé à sa vie mouvementée d’avocate toujours prise entre un rendez-vous et un procès à la cour. Elle serait bien restée là encore un peu à rêvasser et à somnoler, mais Julie et Réjanne, ses amies, l’attendent pour leur traditionnel souper de filles. Depuis le décès d’Étienne, les trois quinquagénaires se voient régulièrement. À la fois sacrées et nécessaires, ces rencontres leur ont plus d’une fois «sauvé la vie», comme elles se plaisent à le dire. Il y en a eu des drôles, des sérieuses, des tendres et des affreusement tristes, comme celles qui ont suivi la mort d’Étienne. Mais l’amitié de ces femmes, si différentes les unes des autres, s’est maintenue malgré les années et les chicanes passagères, les hauts et les bas de leurs vies. Le Noël suivant le décès d’Étienne, Hélène ne réussissait pas à prononcer son nom sans éclater en sanglots. Malgré la bonne volonté de tout le monde, elle avait traversé les fêtes comme dans un brouillard. En dépit de leur peine, son fils Olivier et Marthe, la mère d’Étienne, avaient organisé un réveillon le 24 décembre et Julie l’avait invitée le 25. Hélène s’était fait violence pour y aller afin de ne pas les décevoir, mais elle était cloîtrée dans sa bulle de tristesse. Personne ne saisissait exactement le désarroi de cette femme de carrière qui semblait si forte et si volontaire. Pour la première fois de sa vie, Hélène se sentait complètement démunie, privée du goût de se battre qui avait toujours été sa force. Rapaillant ses effets, elle aperçoit son fils, tout à ses pensées, qui s’approche de sa démarche chaloupée. Comme elle, il vient régulièrement se recueillir sur la tombe d’Étienne. Hélène regarde son beau grand garçon avec fierté. Un sentiment de gratitude aussi qu’il lui ait pardonné ses années d’errance maternelle. C’est Étienne qui a pris soin de leur fils à partir de leur séparation. Olivier avait dix ans. À cette époque, elle était convaincue d’être la pire mère au monde, que sa présence dans la vie de son fils était non seulement inutile mais nuisible. Elle s’était retirée, enfuie même. Et sa consommation d’alcool avait alors décuplé: pour oublier son incompétence, pour s’étourdir, pour remplir le vide. Mais tout ça était derrière elle depuis longtemps déjà. Olivier était désormais un adulte. La relation avec lui était maintenant au beau fixe et ils s’étaient même rapprochés encore davantage
depuis le décès d’Étienne. Olivier l’aperçoit enfin et lui sourit. Il arrive près d’elle et place une main sur son épaule en s’assoyant à ses côtés. Ils restent un moment immobiles et silencieux à regarder la rivière, unis dans leurs souvenirs. Puis Olivier rompt le silence et déclare, fier: — M’man, on a décidé de recommencer. Hélène comprend tout de suite: Olivier et Ingrid vont tenter, une fois de plus, de faire un bébé. — Ça, c’est une bonne nouvelle! Après les funérailles d’Étienne, Ingrid avait annoncé qu’elle était enceinte. Tout le monde avait salué cet encourageant signe du destin. Hélène, d’habitude très peu ésotérique, avait même pensé que l’âme d’Étienne allait peut-être se réincarner dans celle de son petit-enfant. Mais, quelques semaines plus tard, la jeune femme avait fait une fausse couche. C’est là qu’Olivier s’était réellement effondré. Il avait bravement tenu le coup pendant toute la maladie de son père, toujours souriant et positif: un soutien indéfectible pour Étienne et ensuite pour Hélène. Mais le double deuil de son père et de son bébé à naître l’avait plongé dans une dépression dont il se sortait à peine. Il n’avait recommencé à travailler que deux mois plus tôt et ce désir de fonder une famille prenait des allures de nouveau départ. — Vous méritez d’avoir une vie de famille comme vous le rêvez. — Merci, m’man. — Comment ça va pour toi chez DuoBuzzz? — Bien. Ça se place tranquillement. Hélène sent que le retour d’Olivier au travail est plus difficile qu’il ne veut l’avouer. Mais elle connaît son grand. Inutile de tenter de lui tirer les vers du nez, il ne se confiera qu’à son heure. — Faut que j’y aille. Julie et Réjanne m’attendent. — Je vais rester encore un peu, moi. Mais je vais aller te reconduire à ton auto. Mère et fils s’éloignent, bras dessus bras dessous. Pour la première fois depuis longtemps Hélène sent qu’ils sont tous les deux solides et confiants, qu’ils peuvent chacun se réinventer une vie. Mais laquelle?
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À la fenêtre, un geai bleu se fait entendre alors qu’un rayon de soleil troue les nuages pour illuminer l’horizon. Par sa beauté, la nature met un baume sur les regrets…
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L’opulence n’est pas une garantie de bonheur.
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La gentillesse des gens l’avait séduit, leur pauvreté infinie l’avait rebuté. C’est dommage qu’un endroit aussi magnifique [Haïti] soit en même temps invivable.
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— (…) À quoi bon s’en faire autant avec nos gènes? questionne Julie (…)
— Qui le choisit, le fameux spermatozoïde gagnant de la fécondation, hein, finalement ? Le hasard, rien d’autre, complète Hélène avec philosophie.
— La vie, c’est une loterie ! Une fois que t’as compris ça, tu apprécies ta chance, pis t’essaies d’aider ceux qui en ont moins, complète Réjanne pour boucler la réflexion.
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Gabriel se surprend lui-même. Il n'a pas l'habitude de reconnaître ses torts aussi rapidement. Il comprend qu'il préfère protéger sa relation avec Hélène qu'avoir raison.
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Il a l'impression que les dernières épreuves ont changé, de manière fondamentale, quelque chose en lui. Il n'est plus aussi léger et confiant. Au fond de lui vit encore une peur viscérale que sa vie déraille.
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Ils avaient passé une partie de la nuit collés l'un contre l'autre à se rappeler des souvenirs parce qu'ils ne pouvaient pas faire de projets d'avenir.
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Marianne a mille idées et pèche parfois par excès d'enthousiasme. Mais Julie préfère retenir que pousser dans le dos.
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