La suite (…) a fait naître à mes yeux un troisième pays, que je nomme « l’Entre-deux-rives ». Ce pays sans frontières ne figure pas sur la mappemonde, quoiqu’il soit peuplé de nombreux habitants de part et d’autre de la Méditerranée. Algériens fidèles à leur terre ou jeunes demandeurs de visas, rapatriés, travailleurs émigrés, harkis, ex-appelés ou coopérants, ex-porteurs de valises ou nostalgiques de l’Algérie française, Algériens établis en France ou « pieds-rouges » partis servir l’Algérie indépendante. En France on compte près de 6 millions de ces citoyens de l’Entre-deux-rives, pupilles d’une nation sans terre, mais aussi dépourvue de gouvernement. Elle est représentée par une nébuleuse d’associations et de sites Internet, conçue par dessus le bruit des combats. (…) Tous issus du même creuset, les natifs de l’Entre-deux-rives s’opposent cependant en courants divergents qui brossent à leur façon le portrait d’une vraie famille, donc traversée de grâces et déchirée de haines…
J'ai su plus tard la chance qu'on avait eue de quitter l'Algérie avant qu'elle ne devienne une terrible machine à déchiqueter les corps, briser les coeurs et saccager les jardins.