Samedi soir dimanche matin - le face a face reçoit la Co-réalisatrice de "Corléone : La guerre des parrains"
Le rôle de Giusy en tant que femme capo mandamento est plein de paradoxes : d’un côté, elle dialogue et rencontre les autres mafieux d’égal à égal, mais, de l’autre, elle ne peut pas se rendre aux réunions mafieuses seule, parce que ce n’est pas bien vu. Elle doit donc se faire accompagner par un parent. Question de respect et d’honneur…
Dans la Mafia, une femme peut donc ordonner un homicide sans que cela pose le moindre problème, mais elle n’a pas le droit de faire douter de son honneur de femme et doit être accompagnée d’un homme dans les réunions ! Un véritable paradoxe.
La plupart des mafieux se marient entre eux, pour perpétuer les familles. Moi, je n’étais pas mafieuse et la famille de mon mari me l’a toujours reproché. Ils disaient que je n’étais pas faite pour cette famille, que je ne connaissais pas leurs règles, leurs manières de se comporter. Ils me surnommaient ‘‘la princesse’’ parce que je ne faisais pas partie de leur monde. »
En voulant démontrer qu’une femme peut faire les mêmes choses qu’un homme, elle ne se rend pas compte – ou ne veut pas prendre conscience – qu’elle s’identifie au modèle masculin qui l’opprime. Elle ne s’est pas rebellée, elle est juste passée du côté des plus forts et a fini par perpétuer le pouvoir dont elle avait été victime .
Les dépositaires du crime originel, ce sont les femmes. Ce sont elles qui créent dans l’imaginaire des enfants ces figures d’hommes mafieux extraordinaires.
De la même manière, lorsque ces femmes discrètes se retrouvent veuves, ce n’est pas vers la justice qu’elles se tournent. Dans le secret de la famille mafieuse, elles poussent leurs fils à la « vendetta », la vengeance. Ainsi, une femme mafieuse dont le mari a été assassiné aurait gardé la veste tachée de sang de son mari pour l’offrir à oson fils le jour de ses 18 ans afin qu’il perpétue la vendetta.
Si aujourd’hui la femme s’émancipe dans la société, elle a également su gagner ses galons au sein de l’organisation. Ce n’est pourtant pas facile dans ce milieu particulièrement machiste qui a parfois recours au crime d’honneur pour laver « l’humiliation » due « au comportement d’une femme ».
Dans la culture mafieuse, la famille est capitale. Comme le montre la confrontation lors d’un procès en 1993 entre Tommaso Buscetta, premier repenti de la Mafia, et le parrain des parrains des années 1980, Toto Riina. Celui qu’on appelle « le boucher de Corleone » a été accusé de plusieurs centaines de meurtres. Au moment où le juge annonce l’entrée de Buscetta dans la salle du tribunal, Toto Riina prend la parole : « Je ne parle pas aux hommes qui n’ont pas de moralité. Mon grand-père était veuf à 40 ans avec cinq enfants à charge, et il n’a jamais refait sa vie avec une autre femme. Pareil pour ma mère qui est devenue veuve à 36 ans. Chez nous, à Corleone, nous avons une morale.
Aujourd’hui, le mot « mafia » est irrémédiablement associé à un monde d’hommes, de violence, de trafics illicites : de la drogue aux armes, en passant par la prostitution ou le retraitement des déchets toxiques. On a longtemps pensé que les épouses, les mères, les sœurs et les filles de mafieux, enveloppées dans leurs châles noirs, aveuglées par l’omertà, la loi du silence, ne prenaient pas part à la saga criminelle des hommes. Or, la « femme d’honneur » existe. Elle constitue l’autre versant, souvent occulté, de la Mafia.
« Comme elle a de la mafia ! Qu’elle est donc mafiusedda », s’écriaient souvent les Palermitains croisant une jolie fille. Car en sicilien populaire, ce mot évoquait la grâce, l’aisance, l’allure. Ce n’est qu’à partir du xixe qu’il a pris un sens péjoratif, désignant la société criminelle qui se déploiera à travers le monde.
Le terme « mafia » a diverses étymologies possibles : il proviendrait du vieux mot toscan maffia, « misère », ou bien de l’arabe mu-afah, qui signifie « protection des faibles ».
Dans le monde des affaires il n’y avait pas de femmes, c’était la règle. Les femmes étaient réservées, elles restaient de côté, silencieuses, elles étaient à la maison, au marché, dans la cuisine, elles savaient beaucoup de choses. Leur silence était important et c’est la raison pour laquelle elles étaient respectées. […] Les femmes supportent tout sauf l’adultère. Et la vengeance d’une femme trompée est terrible et imprévisible.
Nous avons éduqué nos enfants au prix d’énormes sacrifices, en leur donnant toute l’attention nécessaire. Nous les avons élevés selon les principes du respect d’autrui et de la famille. Nous leur avons inculqué les valeurs des vraies institutions, celles sur lesquelles se fonde une société digne et honnête. Le respect pour tout et pour tous, voilà le credo de la famille Riina
À Palerme, la Mafia raffine en toute impunité des tonnes de drogue dans ses ateliers clandestins. Elle ne craint pas la justice : les juges sont corrompus, les procès trafiqués. La pieuvre sicilienne devient la plus puissante, la plus riche organisation criminelle au monde.