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Citation de sonatem


Novalis ou la vocation d'éternité - extrait
 
Mais qui peut dire que c’est lui qui a mené sa vie quand il lui arrive de parler de la vie qu’il a menée ? Qui peut prétendre sincèrement ne pas avoir été conduit par elle, et fréquemment de très loin, à la rencontre de tel ou tel événement ? Qui connaît seulement les circonstances, le contour même des circonstances de sa propre existence ? À quel moment de son enfance chacun a-t-il fait connaissance avec soi ? Et ce moment, cette heure capitale à partir de laquelle se séparent et divergent la vie profonde et l’existence superficielle, est-il un seul homme qui puisse en fixer la date, ou seulement décider consciemment au bénéfice de laquelle des deux s’est prononcé le divorce ? À laquelle des deux, partant de là, appartient son vrai moi ? Et encore, quand on parle de vie profonde, encore ne s’agit-il pas d’un, mais de plusieurs courants qui se superposent, s’entremêlent, divergent ou convergent, s’engloutissent ou jaillissent, partent ou arrivent. L’amitié de deux êtres repose dans ces eaux-là ; et l’amour, quand on le rencontre, vient de cette source ; le mystère de la douleur – la douleur dont il ne faut jamais rien dire – c’est qu’elle s’enfonce en nous et dans notre existence jusqu’à la vie profonde indéfiniment ; et la vérité indicible, c’est qu’elle est en elle-même, tout au fond, quelque chose comme un sanctuaire où s’opère une réconciliation impossible, où se fait un aveu parfaitement inavouable, un radical changement de sens que tout accepte en nous spontanément alors même que nous le refusons : un changement de sens par lequel nous n’apprenons pas, mais nous savons et connaissons qu’elle est la porte, oui, l’unique porte ici-bas qui ouvre sur la joie. Que l’une et l’autre sont un seul être, le nôtre, qui n’avait pas deux visages, mais un seul, le vrai, qu’on ne connaissait pas : un visage sous lequel et dans lequel tout se passe visiblement ; mais sur lequel, invisiblement, il n’y a qu’un sourire.
   
Éditions Points, 2011 (pp. 128-129)
La première édition a paru en 1977 aux éditions Phébus.
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