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Citation de candlemas


DÉLIRES II – ALCHIMIE DU VERBE

(...)
Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.
(...)
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de meurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.

J’inventai la couleur des voyelles ! – A noir, E blanc, I rouge, Ô bleu, U vert. – Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.

Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges.
(...)
***

A quatre heures du matin, l’été,
Le sommeil d’amour dure encore.
Sous les bocages s’évapore
L’odeur du soir fêté.
(...)
***

Je m’habituai à l’hallucination simple : je voyais très-franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac ; les monstres, les mystères ; un titre de vaudeville dressait des épouvantes devant moi !

Puis j’expliquai mes sophismes magiques avec l’hallucination des mots !

Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. J’étais oisif, en proie à une lourde fièvre : j’enviais la félicité des bêtes, – les chenilles, qui représentent l’innocence des limbes, le sommeil de la virginité !

Mon caractère s’aigrissait. Je disais adieu au monde dans d’espèces de romances :


Qu’il vienne, qu’il vienne,
Le temps dont on s’éprenne.

J’ai tant fait patience
Qu’à jamais j’oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
(...)

Enfin, ô bonheur, ô raison, j’écartai du ciel l’azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d’or de la lumière nature. De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible :

Elle est retrouvée !
Quoi ? L’éternité
C’est la mer mêlée
Au soleil.

Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.
(...)
***

Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur : l’action n’est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la faiblesse de la cervelle.

Ma santé fut menacée. La terreur venait. (...)
Je dus voyager, distraire les enchantements assemblés sur mon cerveau. Sur la mer, que j’aimais comme si elle eût dû me laver d’une souillure, je voyais se lever la croix consolatrice. J’avais été damné par l’arc-en-ciel. Le Bonheur était ma fatalité, mon remords, mon ver : ma vie serait toujours trop immense pour être dévouée à la force et à la beauté.
(...)

Ô saisons, ô châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?

Ô saisons, ô châteaux !
L’heure de sa fuite, hélas !
Sera l'heure du trépas.

Ô saisons, ô châteaux !
Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté.
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